Archives

Marchés publics - Kiosques parisiens : des difficultés suffisantes pour justifier le recours à un contrat global

Le Conseil d'Etat s'est penché, dans un arrêt du 26 juin 2015, sur les marchés de la ville de Paris ayant trait aux kiosques parisiens, revenant à cette occasion sur les conditions de recours à un contrat complexe.
Jusqu'ici, deux conventions différentes régissaient cette activité : l'une concernant la conception, la fourniture, l'entretien, la maintenance et l'exploitation publicitaire de kiosques de presse, l'autre traitant de la gestion de l'activité des kiosquiers. Toutefois, souhaitant moderniser son parc de kiosques, la ville de Paris a décidé de recourir à cette occasion à un marché global dans le but notamment de mettre fin aux conflits entre le gestionnaire des kiosques et les kiosquiers. Pour ce faire, elle a choisi de lancer une procédure de dialogue compétitif.
Les sociétés Extérion Média France et Derichebourg SNG, membres du même groupement et candidates évincées, avaient saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris afin que soit annulée la procédure de passation du marché. Le juge ayant fait droit à leur demande, la ville de Paris s'est pourvue en cassation devant le Conseil d'Etat.
Les Sages du Palais-Royal ont alors dû s'interroger sur la question de savoir si le recours à un contrat global était en l'espèce justifié. Ils se sont aussi penchés sur la légalité du choix de la procédure du dialogue compétitif par la personne publique. Enfin, les juges ont examiné la qualification du marché et les critères d'appréciation des candidatures. Leur raisonnement les a conduits à annuler l'ordonnance contestée et à rejeter les demandes des deux sociétés.

Contrat global versus allotissement : une pratique "sans incidence"

L'article 10 du Code des marchés publics prévoit l'obligation d'allotir tout marché sauf dans certains cas limitativement énumérés. Il désigne notamment l'hypothèse où l'allotissement rendrait "techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations".
Selon le juge des référés, les conflits pointés par la ville de Paris étaient inhérents à la nature de l'activité en cause. De plus, l'exécution de deux contrats ayant été l'usage pendant de nombreuses années, il avait jugé que cela ne rendait pas techniquement difficile l'exécution de deux conventions distinctes.
Le Conseil d'État ne l'a cependant pas entendu de la même façon. Selon la Haute Juridiction, la pratique antérieure n'a aucune incidence sur la forme du futur contrat. Ainsi, la personne publique entendait par le recours à un contrat unique éviter la multiplication de conflits qu'elle devrait ensuite arbitrer, cette situation présentant des difficultés suffisantes pour justifier le recours à un contrat global.

La complexité au cœur des débats

De nombreux contrats ont été retoqués ces derniers mois pour défaut de complexité. Cette affaire ne viendra néanmoins pas en allonger la liste. En effet, contrairement à ce qui avait été décidé en première instance, le Conseil d'Etat a jugé que l'article 36 du Code des marchés publics a bien été respecté. Cette disposition autorise l'utilisation de la procédure de dialogue compétitif lorsque le pouvoir adjudicateur n'est pas en mesure de définir seul les moyens techniques pour répondre à ses besoins et/ou d'établir le montage juridique et financier d'un projet. En l'espèce, la personne publique souhaitait se voir proposer des solutions innovantes respectant les contraintes liées au contexte et à la nature de l'activité en cause. De plus, la Haute Juridiction a jugé que les pièces du dossier et l'argumentation des parties démontraient la complexité de la définition des moyens techniques.

Quelques rappels

Les juges de cassation ont par ailleurs rappelé certains principes. Concernant la qualification du marché, pour qu'un marché soit "de travaux", les travaux à réaliser doivent représenter l'objet principal du marché. Cette condition sous-tend notamment la qualification de marché de conception-réalisation et donc le recours à un appel d'offre restreint.
En outre, il est de jurisprudence constante que le juge du référé précontractuel n'a pas pour mission "d'apprécier les mérites des candidatures". Il ne peut donc revenir sur le classement des candidats mais seulement contrôler le respect de la procédure mise en œuvre pour réaliser ce classement.

Référence : CE, 26 juin 2015, n°389682.
 

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis