La collecte des données et la participation du privé, indispensables à la redynamisation des centres-villes

Utilisation des données du centre-ville et participation des acteurs privés… les assises européennes du centre-ville, organisées les 5 et 6 novembre 2025 par l'association Centre-ville en mouvement, ont été l'occasion de mettre en valeur les facteurs clés de succès des pratiques de redynamisation des centres-villes développées chez nos voisins européens et au Canada.

"Avant la pandémie, personne n'avait idée de l'état de santé du centre-ville à Montréal, maintenant nous mesurons tout : le volume des transactions qui sont réalisées, le comportement des consommateurs, l'évolution des flux…" L'utilisation des données est au cœur des enjeux de la stratégie élaborée par Montréal centre-ville, la société de développement commercial (SDC) du centre de la métropole québécoise. C'est ce qu'est venu illustrer son directeur général, Glen Castanheira, lors des assises européennes du centre-ville, organisées les 6 et 7 novembre 2025 à Paris par l'association Centre-ville en mouvement. L'organisme sans but lucratif, qui regroupe près de 5.000 entreprises membres et qui est chargé du développement et de la promotion du centre-ville, mène depuis la crise sanitaire une grande enquête autour de l'état du centre-ville, la 8e édition datant de 2025. Le document propose une vision d'ensemble de multiples données dans des domaines variés que sont les bureaux, les commerces, le logement, la mobilité et les transports en commun, le tourisme, l'enseignement supérieur, la sécurité et la cohabitation sociale. Un moyen de comprendre les tendances à l'oeuvre et de déterminer les priorités d'action.

Traiter la question de la sécurité, vécue comme une priorité

La 8e édition de cette enquête fait ainsi ressortir une montée en puissance des enjeux autour de la sécurité. "Le centre-ville fait face à une hausse des actes criminels signalés, surtout en matière de vols de véhicules", indique le document, qui précise aussi que 78% des travailleurs du centre-ville mentionnent l'itinérance comme une raison de se sentir peu ou pas du tout en sécurité dans le secteur aux alentours de leur lieu de travail. 46% des commerçants sondés déclarent aussi faire face à des situations conflictuelles au moins une fois par mois (10% quotidiennement). Des éléments d'information qui ont amené la SDC à agir rapidement, en créant une brigade de sécurité de proximité en juin 2025. Active sept jours sur sept, de 8h à 22h, l'équipe de quatre agents en uniforme intervient à travers le dialogue, la médiation et l'écoute active pour désamorcer des tensions ou intervenir lors de situations de cohabitation sensibles. "Nous avons notre propre service de sécurité mais aussi de propreté, a expliqué Glen Castanheira, nous allons jusqu'à nettoyer les vitrines des logements vacants."

Plus globalement, cette enquête a permis de montrer que le télétravail à plein temps plafonne (il ne concerne plus que 13% des employés depuis trois ans), que la fréquentation du centre par les travailleurs est plus équilibrée au cours de la semaine, que le taux de disponibilité des bureaux baisse, ce qui confirme l'attractivité du centre-ville et la plus-value des espaces de travail pour les employeurs. En revanche, le taux de vacance commercial stagne autour de 20%, ce "qui rend la situation préoccupante". Le niveau de la vacance est mesuré quelle que soit la localisation des commerces avec un pic à 41% pour les commerces des tours à bureaux.

Il faut identifier où se situe le problème et ne pas travailler que sur les symptômes

L'enquête mesure aussi l'évolution des transactions réalisées en centre-ville, en volume et en valeur, et analyse les comportements et motivations des visiteurs. Ainsi, en 2025, "le magasinage [le lèche-vitrine, ndlr] connaît un regain marqué, confirmant que le centre-ville reste une destination incontournable pour le magasinage… mais pas seulement", précise le document. Les achats ne sont en effet pas la seule raison qui pousse les habitants à se rendre en centre-ville, ils y vont aussi pour se balader (28%), rencontrer des amis (autour de 20%), se divertir, travailler, mais aussi aller au restaurant/bar (moins de 10%), étudier, passer du temps en famille ou encore se déplacer (moins de 5%). L'édition se focalise aussi sur la chute des mises en chantier résidentielle : -73% pour tous types d'unités. "La demande en logements reste élevée", signale le document. Des indications précieuses pour organiser le centre-ville.

"Il faut bien identifier où se situe le problème et ne pas travailler que sur les symptômes ; il s'agit aussi de savoir parler d'usage", a commenté Jean-Luc Calonger, président de l'Association du management de centre-ville en Belgique, prenant exemple sur la ville de Copenhague (Danemark) et l'usage du vélo. "Là-bas, 37% des gens vont en centre-ville à vélo, les pistes cyclables sont énormément développées, a-t-il détaillé, mais la préoccupation environnementale est marginale, ce qui se joue, c'est le côté efficace et rapide de ce mode de déplacement, la piste cyclable n'est pas une fin en soi."

La participation des acteurs privés considérée comme indispensable

Autre sujet mis en avant lors de ces assises : la participation des acteurs privés. "La collaboration est un facteur-clé de réussite", a insisté Finbarr Filan, président du Business Improvment District de Sligo (Irlande). Mais "nous avons souvent du mal avec les partenariats public-privé, car ils comportent beaucoup de risques", a ajouté Glen Castanheira, mais la participation du privé est gage de financement supplémentaire et de rapidité d'action. "Il y a quelque temps, l'artiste Philippe Katherine a contacté la ville de Montréal pour réaliser une exposition en centre-ville, a-t-il détaillé. Nos partenaires privés ont tout de suite été emballés et ont dit que ça allait être génial ; ils voulaient y aller, il y avait pourtant un risque quant à l'adaptation de l'exposition au site, quant aux œuvres que nous n'avons pas vues avant leur installation, etc. Finalement, le tout a été financé à hauteur de 80% par le privé et cela a pris une semaine pour se décider, alors que cela aurait été beaucoup trop long si on avait suivi le protocole administratif de décision. L'exposition a été un véritable succès, bien avant que l'artiste soit remis au goût du jour avec la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques à Paris !"

Pour Dominique Consille, directrice des programmes Action cœur de ville et Petites Villes de demain à l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), les programmes pour redynamiser les centres-villes, dans lesquels les acteurs (État, collectivités, commerçants) travaillent tous ensemble, ont justement l'avantage d'attirer ces partenaires privés. Parfois, ils sont revenus "parce que le centre-ville était en cours de rénovation dans le cadre de nos programmes, a-t-elle souligné, citant l'exemple de Toul (Meurthe-et-Moselle) où "un acteur privé a acquis un bâtiment pour en faire des logements".

"Le rapport sur l'avenir du commerce de proximité va dans le bon sens"

La directrice des programmes estime qu'il y a toutefois d'autres facteurs clés qui expliquent le succès des dispositifs français : ils "sont portés par les élus, il y a une approche multithématique, intégrant le commerce mais aussi le logement, la mobilité, le patrimoine, le cadre de vie, et une démarche contractuelle, a-t-elle détaillé. Sans compter le financement des chefs de projets indispensables pour accompagner les élus." Les assises ont d'ailleurs été l'occasion pour Philippe Laurent, président de Centre-ville en mouvement et maire de Sceaux (Hauts-de-Seine), de défendre le point de vue des élus dans la redynamisation des centres-villes. Le rapport sur l'avenir du commerce de proximité dans les centres-villes et les quartiers prioritaires de la politique de la ville remis au gouvernement le 5 novembre (voir notre article du 5 novembre 2025) "va dans le bon sens, a-t-il estimé, il reprend à peu près ce que nous disons à Centre-ville en mouvement depuis plus de dix ans, c'est-à-dire que le commerce c'est l'affaire des maires et qu'il faut leur donner la liberté d'agir !" Le message est clair : il faut davantage faire confiance aux maires pour le développement et la redynamisation de leurs centres-villes. "Oui le rapport va dans le bon sens, a abondé Patrick Ollier, président de la métropole du Grand Paris, mais il faut des décisions de la part de l'État, il faut que l'État accompagne les maires !"

› La revitalisation du centre-ville au cœur des préoccupations des habitants de la métropole du Grand Paris

70% des habitants de la métropole parisienne estiment que la revitalisation du centre-ville doit faire partie des priorités dans le cadre des élections municipales 2026, selon la nouvelle édition du baromètre des attentes des habitants de la métropole du Grand Paris (MGP), présentée à l'occasion des assises européennes du centre-ville des 6 et 7 novembre 2025 (à télécharger ci-dessous). C'est 4 points de plus que l'ensemble des Français. Le sujet prend la deuxième place des enjeux pour les élections, après la sécurité des biens et des services, et avant le cadre de vie et l'environnement. 78% des habitants de la métropole se disent attachés à leur centre-ville (+14 points par rapport à l'ensemble des Français) et 87% d'entre eux s'y rendent au moins une fois par semaine (+18 points vs 2024). Ils veulent en majorité (66%) davantage d'espaces piétons et souhaitent aussi majoritairement (57%) participer aux décisions concernant l'avenir de leur centre-ville.

La métropole travaille sur le sujet à travers son programme Centres-villes vivants, mis en place en 2018, qui propose un accompagnement global, construit avec les acteurs économiques et institutionnels, pour soutenir les communes dans la redynamisation de leurs centres-villes, avec des outils modulables et mobilisables en fonction des besoins (appui stratégique, technique, juridique et financier, Fonds d'intervention métropolitain pour soutenir les actions locales en faveur du commerce, des services et de l'attractivité-Fimacs, foncière métropolitaine, réseau de managers de centre-ville, etc.).

"Aujourd'hui, 91 villes sur 131 ont adhéré à Centres-villes vivants et ces maires voient la renaissance de leur centre-ville", a déclaré Patrick Ollier, président de la MGP, lors de ces assises, précisant que 10 millions d'euros avaient été engagés pour les deux premières éditions et 30 millions d'euros pour la troisième. Depuis sa création, le programme a permis d'accompagner plus de 90 communes et accordé 76 subventions via le Fimacs pour un montant total de 28,5 millions d'euros. "L'idée est d'inciter les maires à préempter les baux commerciaux, a expliqué Patrick Ollier, la foncière a été créée dans ce but, et cela fonctionne bien", prenant exemple sur sa ville, Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine). Dans cette commune de 80.000 habitants, la foncière aurait permis de sauver 74 commerces en centre-ville.

E.Z.

 

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