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Tutelles - Le coût de la Masp pour les départements deux fois plus élevé que prévu

Le dossier aurait pu figurer au menu de la conférence sur les finances locales, tenue le 10 février à l'Elysée sous la présidence du chef de l'Etat. Le 31 janvier, la commission des finances du Sénat a en effet auditionné Marie-Thérèse Cornette, présidente de chambre à la Cour des comptes, sur le rapport commandé à la cour et consacré à l'évaluation de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Ce document se penche notamment sur la mise en oeuvre de la mesure d'accompagnement social personnalisé (Masp), l'une des principales innovations de la loi de 2007. Financée par les départements, qui en délèguent généralement la mise en oeuvre à des organismes spécialisés comme l'Udaf, la Masp est une mesure administrative destinée aux personnes qui ne relèvent pas, ou pas encore, d'une mesure judiciaire de tutelle ou de curatelle. A ce titre, la Masp est supposée éviter une "judiciarisation" trop précoce des tutelles.
Le tableau dressé par la Cour des comptes est pour le moins mitigé et fait apparaître un phénomène paradoxal. La Masp - entrée en vigueur, comme toute la loi de 2007, le 1er janvier 2009 - connaît en effet des débuts pour le moins laborieux (voir notre article ci-contre du 8 novembre 2011). Selon la cour, "quelque 4.000 Masp ont été mises en place fin 2009, alors que les travaux préparatoires misaient sur 9.000 à 13.000 mesures". La mesure d'aide judiciaire (MAJ), qui peut prolonger la Masp, affiche un retard encore plus important : au lieu des 30.000 mesures attendues, seules 1.000 étaient en vigueur à la fin de 2009. Des écarts qui s'expliquent notamment par la longueur des procédures de mise en place.

47 millions d'euros au lieu de 21 millions

Pourtant, en dépit de cette montée en charge très inférieure aux prévisions, la cour relève que "le coût du dispositif est [...] incertain, mais tout suggère qu'il sera supérieur aux prévisions". Pour l'exercice 2011, le rapport estime la charge de la Masp pour les départements à 47 millions d'euros, au lieu des 21 millions attendus. Cet écart conséquent peut s'expliquer, au moins pour une petite partie, par le fait que 82% des départements ont choisi de rendre la Masp gratuite, renonçant ainsi à demander une participation aux bénéficiaires. Une décision dictée par les faibles ressources des bénéficiaires et la difficulté de les facturer, au regard de leur situation.
L'essentiel du dérapage budgétaire vient toutefois de la sous-estimation initiale du coût unitaire d'une Masp. La Cour des comptes relève en effet que les Masp "coûtent environ 500 euros par personne et par mois, soit largement le triple des 150 euros envisagés". En outre, les organismes délégataires (75% des cas) et les départements qui ont opté pour une régie directe (25%) ont anticipé les recrutements de personnels compétents durant les deux premières années de mise en oeuvre afin de faire face à une montée en charge qui ne s'est finalement pas faite au rythme prévu, ce qui pèse aujourd'hui sur les charges fixes. Dernière déception : l'effet de substitution attendu entre mesures judiciaires et mesures sociales n'a pas eu lieu, puisque les mesures judiciaires n'ont pas subi de décélération.
A ce jour, le bilan de la réforme - pourtant très attendue par l'ensemble des acteurs - semble donc décevant, même si la Cour des comptes prend soin de préciser que "tous ces constats sont provisoires, car le bilan quantitatif et qualitatif de la loi n'a pas encore été publié". A l'issue de la présentation du rapport, une discussion s'est engagée avec d'autres acteurs du dispositif, également auditionnés par la commission des finances : représentants des ministères de la Justice et des Solidarités, de l'Assemblée des départements de France (ADF), de l'Association nationale des juges d'instance (Anji) et de la Fédération nationale des associations tutélaires.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : Sénat, rapport d'information n°315 d'Eric Bocquet et Edmond Hervé sur l'enquête de la Cour des comptes relative à l'évaluation de la loi n°2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs (déposé le 31 janvier 2012, en attente de publication).

 

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