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PLF 2012 - Protection des majeurs : les débuts laborieux de la Masp

Dans un bilan très détaillé de la réforme de la protection juridique des majeurs, le député Christophe Sirugue montre entre autres que la montée en charge de la mesure d'accompagnement social personnalisé (Masp) a été très lente et que ce dispositif confié aux départements pourrait être largement amélioré.

L'affaire Bettencourt a mis sur le devant de la scène la question délicate de la protection juridique des majeurs. A l'occasion de son rapport pour avis, fait dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) 2012 au nom de la commission des affaires sociales, sur les crédits de la mission "Solidarité, insertion et égalité des chances", Christophe Sirugue, député (PS) de Saône-et-Loire, s'attarde très longuement sur le sujet. Son rapport dresse en effet un bilan détaillé de la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Très attendue, dans la mesure où la loi du 13 janvier 1968 sur le même sujet était depuis longtemps dépassée, ce texte a fait l'objet d'un assez large consensus. Près de cinq ans après, le rapporteur lui reconnaît un double mérite : avoir organisé un système gradué de mesures de protection des majeurs reposant sur l'articulation de mesures sociales et de mesures judiciaires - avec en particulier la création de la mesure d'accompagnement social personnalisé (Masp), confiée aux départements - et avoir professionnalisé l'activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
Si le bilan apparaît ainsi largement positif, le rapporteur relève cependant que "le dispositif mérite encore certains ajustements pour que les objectifs de la réforme puissent être atteints". Tout d'abord, la révision des mesures de protection judiciaires prononcées avant l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007 - autrement dit avant le 1er janvier 2009 - connaît d'"importants retards". Initialement fixée à l'échéance - peu réaliste - de mars 2010, la date limite pour ces révisions a finalement été reportée au 31 décembre 2013 par la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit. Mais le stock de dossiers à réexaminer s'élève à environ 700.000 et la France ne compte que 80 équivalents temps plein de juges des tutelles...
Une autre critique concerne la montée en charge de la Masp, qui se révèle plus lente que prévu. En 2009, seules 3.777 Masp ont été mises en place contre 13.000 prévues. En 2010, ces chiffres sont respectivement de 10.742 contre 22.000, tandis que le régime de croisière devrait se situer autour de 30.000 mesures par an. Mais le problème est également qualitatif, Christophe Sirugue relève en effet que "les départements ont majoritairement fait le choix de positionner ce dispositif comme un élément complémentaire des politiques d'aide et d'action sociale qu'ils mettaient déjà en oeuvre, et non comme l'axe autour duquel s'organisent celles-ci".

Un ensemble de propositions

Parmi les autres points faibles du dispositif, le rapporteur note également son pilotage "insuffisamment structuré" (et notamment l'articulation "imparfaite" entre les départements et la justice), le manque de maîtrise des coûts de la Masp (estimé à 18 millions d'euros pour l'ensemble des départements en 2010 - soit un coût unitaire mensuel d'environ 139 euros - et à 49 millions d'euros en régime de croisière), des moyens de contrôle insuffisants ou encore des mesures de protection qui restent trop centrées sur les biens et pas assez sur les personnes.
Fait plutôt inhabituel dans un rapport sur le PLF, Christophe Sirugue propose un ensemble cohérent de mesures et d'ajustements "nécessaires pour que puissent être atteints les objectifs de la loi du 5 mars 2007". Parmi celles-ci, figurent en particulier un nouveau report de l'échéance du réexamen des dossiers antérieurs à 2009, diverses mesures de simplification des démarches des majeurs protégés et de leurs proches (comme un meilleur accompagnement des proches des majeurs protégés dans l'exercice des fonctions de mandataire familial) ou encore l'amélioration des mesures de protection des majeurs placés en établissement, grâce à une clarification de la position des préposés aux tutelles. Le rapporteur préconise également de renforcer le dispositif de contrôle des mesures de protection, par exemple avec l'élaboration d'une nomenclature comptable unique pour les comptes de gestion et la mise en place d'un système de contrôles ciblés de ces derniers. Sur la Masp, l'ancien président du conseil général de Saône-et-Loire recommande - comme le suggère aussi l'Assemblée des départements de France - d'élargir l'accès à cette mesure à des publics fragiles qui en sont aujourd'hui exclus, faute de percevoir certaines prestations sociales légales.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : projet de loi de finances pour 2012, rapport pour avis de Christophe Sirugue, député de Saône-et-Loire, sur les crédits de la mission "Solidarité, insertion et égalité des chances" (PLF 2012 examiné en première lecture à l'Assemblée nationale du 18 octobre au 16 novembre 2011).

 

 

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