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Transports - Le gouvernement lance les Assises du ferroviaire

La ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, et le ministre chargé des transports, Thierry Mariani, ont donné ce 15 septembre le coup d'envoi officiel des Assises du ferroviaire, qui doivent donner lieu, début 2012, à la présentation de propositions concrètes pour "dessiner une politique de reconquête du ferroviaire à court, moyen et long termes". Après l'ère du TGV tout puissant, le modèle ferroviaire français a en effet besoin de retrouver un nouveau souffle pour relever des défis de taille : ouverture à la concurrence du transport de voyageurs sous l'impulsion des politiques européennes, stagnation, voire dégradation des parts de marché de certains services de transport, besoin de modernisation du réseau pour absorber l'augmentation du trafic et améliorer la qualité de services pour les voyageurs... "Le train est un sujet de passion en France qui donne lieu à de nombreux questionnements. Ces Assises qui vont durer trois mois doivent se dérouler sans tabou, dans le cadre d'un exercice "Grenellien"", a déclaré Nathalie Kosciusko-Morizet. Industriels, syndicats, voyageurs, élus, entreprises, personnalités qualifiées : réunis en assemblée plénière, tous auront donc leur mot à dire pour examiner les faiblesses du système actuel et avancer des propositions concrètes. Entre les séances plénières, les travaux de réflexion seront conduits par quatre commissions thématiques : le ferroviaire français au coeur de l'Europe, la gouvernance du système ferroviaire, l'économie du ferroviaire et l'avenir de la filière ferroviaire.

Ouverture à la concurrence et gouvernance

La première commission, présidée par Gilles Savary, ancien député européen, spécialiste des transports, devra examiner les conséquences d'une ouverture du marché ferroviaire et les exigences qu'elle impose en termes de régulation pour Réseau ferré de France (RFF), la SNCF mais aussi pour les nouveaux entrants. "Il n'y pas d'option idéologique dans l'ouverture à la concurrence : c'est une donnée puisqu'on a signé les traités de l'Union, a souligné Gilles Savary. Il faut maintenant l'anticiper, imaginer peut-être un modèle français car il y a plusieurs voies possibles. Les Français sont très attachés à la dimension de service public et d'aménagement du territoire et il faudra tenir compte de ces attentes si l'on a plusieurs opérateurs". La commission sur la gouvernance, présidée par Véronique Morali, inspecteur des finances et entrepreneur, s'intéressera à l'évolution de la relation entre RFF, gestionnaire du réseau ferré national, et la SNCF mais aussi à l'opportunité d'une nouvelle étape de décentralisation et à l'évolution des gares et autres infrastructures de service. "Nous avons besoin de mieux articuler les compétences entre les différents acteurs car aujourd'hui le partage des responsabilités n'est pas assez clair : RFF est en charge des infrastructures mais c'est la SNCF qui assure leur entretien ainsi que la gestion de la circulation des trains, a relevé Véronique Morali. Dans les gares, RFF est responsable des quais et des voies alors que la SNCF gère l'organisation commerciale. Quant aux régions, elles ont reçu de l'Etat la compétence d'autorités organisatrices de transport mais elles ne sont pas responsables de la gestion des matériels ferroviaires et ne sont pas propriétaires des trains".
La commission sur l'économie du ferroviaire, présidée par l'économiste et historien Nicolas Baverez, examinera s'il convient de revoir les stratégies d'investissement sur le réseau, de simplifier l'offre actuelle tout en la rendant plus efficace. Elle s'intéressera aussi aux coûts et à la possibilité de trouver de nouvelles ressources. Enfin, la commission sur la filière ferroviaire française, présidée par Bruno Angles, ingénieur des ponts, devra proposer plusieurs scénarios d'évolution de la filière et définir des orientations pour améliorer sa compétitivité.

 Anne Lenormand

Les Français très attachés au train

Moderne, rapide, confortable, écologique et même synonyme de liberté : le train est paré de toutes ces vertus aux yeux des Français, selon un sondage Ifop (1) commandé par le ministère de l'Ecologie à l'occasion du lancement des Assises du ferroviaire. Pour 59% des personnes interrogées - cette proportion monte à 71% chez les ouvriers - , il est aussi perçu comme un moyen de transport économique. Largement associée au train dans l'esprit des Français, la SNCF bénéficie également d'une cote d'amour étonnante : plus des trois quarts des sondés affirment être satisfaits du service qu'elle assure. Une satisfaction qui repose avant tout sur les différentes offres qu'elle propose (nombre de places dans les trains, bornes d'achat, site Internet, couverture du territoire...), sur leur qualité (confort des trains) et sur la prise en charge des voyageurs (accueil en gare, dans les trains et sécurité du public). Par contre, 55% des personnes interrogées s'estiment peu ou pas satisfaites du prix des billets de train et 57% de l'information en cas de perturbation. Et d'une manière générale, les personnes qui prennent le plus souvent le train, pour leurs trajets domicile-travail notamment, portent des jugements nettement plus sévères que le reste de la population sur le service fourni par la SNCF : le nombre de places dans les trains, l'accueil, la sécurité, l'information et le prix sont les principales cibles de leurs critiques. Le sondage montre également un faible degré de connaissance du fonctionnement du système ferroviaire hexagonal. Seule une minorité se dit bien informée de la répartition des missions entre les différents acteurs (Etat, collectivités, SNCF, RFF…). De même, la grande majorité des interviewés n'a pas conscience du taux élevé de prise en charge par les pouvoirs publics d'une partie du prix de certains billets de train.
Autre enseignement important : l'attachement témoigné à l'égard du train et du service assuré par la SNCF "n'assèche" pas pour autant les attentes de changement exprimées par les personnes interrogées à travers la révision du fonctionnement actuel. Les Français considèrent le plus souvent positivement la mise en place du service minimum en 2007 dans les transports, et se positionnent majoritairement en faveur d'une réforme du système ferroviaire français. Ils savent d'ailleurs qu'une ouverture à la concurrence est prévue, sans précisément en connaître l'horizon (38% estiment qu'elle est prévue à court terme, 37% à long terme) et ils l'accueillent plutôt favorablement. Avec l'ouverture du marché du transport ferroviaire de voyageurs, ils pronostiquent une amélioration du service sur des points majeurs : le prix des billets, la qualité des services offerts et le confort des trains. Le changement est perçu comme constituant davantage une chance qu'une menace pour le voyageur (71%) ainsi que pour le financeur public (59%). Mais des craintes apparaissent sur le maintien de la dimension de service public (couverture du territoire, sécurité des voyageurs, entretien du matériel). La majorité des personnes interrogées estiment que l'ouverture à la concurrence représente plutôt une menace pour le service public du transport ferroviaire en général (54%), pour la SNCF (70%) et pour ses agents (75%).
Attachés au train dans sa forme actuelle, les Français apparaissent peu réceptifs à des propositions d'évolution qui restreindraient la qualité du service offert, même en contrepartie d'un prix de vente des billets plus bas (56% des personnes interrogées refuseraient la perspective de trains moins chers mais n'offrant plus aucun service gratuit). Leur attachement pour une offre de services de qualité se confirme quand ils sont invités à exprimer spontanément leur vision du train de demain. L'amélioration de l'offre de service constitue selon eux la principale condition de réussite du train de demain, très loin devant la meilleure gestion des perturbations et le renforcement de la sécurité.

A.L.

(1) Sondage réalisé par téléphone du 25 au 29 août 2011 auprès d'un échantillon de 955 personnes représentatif de de la population française âgée de 18 ans et plus.