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Congrès des maires - Le "Made in local" entre promesses de développement et freins juridiques

Une association qui met en relation les entreprises pour leur permettre d'éviter les pertes (déchets), une marque de territoire pour faire prendre conscience du lien entre produits agricoles et gestion de l'eau... à l'occasion du 96e Congrès des maires, qui s'est tenu du 18 au 21 novembre 2013, élus et acteurs locaux se sont interrogés sur l'impact du "Made in local" sur le développement des territoires.

A l'occasion du 96e Congrès des maires, qui s'est tenu du 18 au 21 novembre 2013, la question du "Made in local" a été posée. Comment celui-ci peut-il contribuer au développement économique des territoires et devenir un véritable projet de territoire ? Dans ce cadre, plusieurs expériences locales ont été présentées, comme l'initiative unique en son genre de l'association Ecopal (Economie et écologie partenaires dans l'action locale) dans la région Nord-Pas-de-Calais. Plus que du "Made in local", l'association travaille sur le "faire" au niveau local. Créée en 2001, sous forme d'association loi 1901, la structure réunit des partenaires de tous horizons (grands industriels comme Gaz de France, PME/PMI, collectivités territoriales, Ademe, représentants de la société civile) autour d'un objectif commun : la gestion optimale d'une zone d'écologie industrielle autour de la ville de Grande-Synthe. De quelques membres, l'association compte aujourd'hui plus de 200 adhérents pour favoriser le développement durable local. Elle propose aux entreprises des actions concrètes et met en œuvre des synergies entre les membres. "Nous organisons les interactions entre les membres pour optimiser les échanges et éviter les pertes, a expliqué Peggy Ricart, directrice d'Ecopal, lors d'une table-ronde organisée sur le sujet. Il s'agit d'un outil de territoire qui aide les entreprises à faire des économies, à réduire leur impact sur l'environnement, et à gagner du temps." L'association a ainsi mis en place des collectes mutualisées de déchets. "Nous analysons les flux des entreprises pour leur donner une deuxième vie", a détaille Peggy Ricart. Ecopal a par exemple proposé à trente adhérents de tester la réutilisation de huit déchets (chiffon d'essuyage, absorbant, produit de calage, film de protection, filtre)… Plus de cent essais ont été organisés. Objectifs : valoriser les déchets d'une entreprise aujourd'hui expédiés pour partie à l'autre bout du monde, réaliser des gains économiques pour le producteur du déchet mais aussi pour les entreprises utilisatrices, et réduire l'impact carbone. Au final, dix entreprises sur les trente consultées sont intéressées pour réutiliser six des huit produits. Ainsi les déchets produits par une entreprise vont pouvoir être réutilisés comme matière première par une autre.

Faire le lien entre l'acte d'achat et la qualité de l'eau

Pour mener à bien son action, Ecopal recense les attentes des acteurs économiques du territoire. "Notre territoire, Flandre-Dunkerque, représente 267.000 habitants, avec 5.823 entreprises et 2.308 établissements industriels. Notre base de données recense plus de 5.000 flux", a ainsi précisé Peggy Picart. Autres actions menées : l'élaboration d'une méthodologie pour optimiser les flux d'énergie, la réalisation d'un diagnostic pour permettre à chaque industriel d'identifier les gisements possibles de récupération d'eau et l'étude, en collaboration avec la communauté urbaine de Dunkerque, des déplacements professionnels pour optimiser les plans de transport en commun… Au-delà de ce travail sur la synergie des entreprises locales, l'association propose des formations liées au recyclage, à la revalorisation des déchets et organise des manifestations. Concentrée initialement sur les deux zones industrielles de Grande-Synthe et Petite-Synthe, l'association compte s'étendre encore plus loin.
L'utilisation d'une marque de territoire peut aussi permettre de préserver les ressources naturelles. C'est le sens de la marque "Eau en saveurs", créée par le syndicat mixte de production d'eau potable du bassin rennais. Objectif : promouvoir auprès des consommateurs les produits agricoles issus des modes de production vertueux pour la qualité de l'eau du bassin rennais. "Cette marque permet d'identifier les produits agricoles qui vont dans le sens de la protection des ressources en eau", a expliqué Yannick Nadesan, vice-président du syndicat mixte de production d'eau potable du bassin rennais. La marque, déposée à l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi), permet à la fois de promouvoir des produits issus d'exploitations agricoles vertueuses, mais aussi de communiquer auprès du grand public sur le lien entre l'acte d'achat et la qualité de son eau et de son territoire. "L'enjeu est d'offrir aux agriculteurs des débouchés et de permettre aux consommateurs de faire le lien entre leur verre d'eau et leur assiette", a expliqué Yannick Nadesan.

Les communes veulent protéger leurs noms

La conférence a bien entendu abordé le thème des marques de collectivités, avec en illustration, les mésaventures désormais célèbres de Laguiole. La commune a été privée de l'utilisation de son nom pour valoriser les produits locaux, par un jugement du tribunal de grande instance de Paris de 2012. Ce dernier avait argué que "le couteau Laguiole est un nom de couteau entré dans le langage courant sans lien direct évident" avec la commune, et que ce nom n'était pas aussi connu qu'elle le prétendait... "Les producteurs venus d'Asie peuvent ainsi se servir de la marque Laguiole pour vendre leurs produits, cela dévalorise le travail de nos artisans !", a souligné Vincent Allazard, maire de Laguiole, insistant sur la nécessité de protéger les noms des communes. Face au jugement donné en 2012, le maire a lui-même adressé un courrier au président de la République pour lui demander de prendre toutes initiatives à la défense des communes de France.
Le projet de loi relatif à la consommation, qui a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale en juillet 2013 et par le Sénat en septembre 2013, doit encore passer entre les mains de la commission des affaires économiques de l'Assemblée début décembre. Il comporte la création d'indications géographiques nationales pour les produits manufacturés, à l'image de ce qui existe déjà pour les produits alimentaires. Le texte prévoit aussi un mécanisme permettant aux collectivités d'être informées des dépôts de marque contenant leur nom (système d'alerte sur demande formulée auprès de l'Inpi), pour renforcer la protection des noms de collectivités territoriales. Ce mécanisme va permettre aux collectivités de s'opposer à l'enregistrement d'une marque dès lors que celle-ci porte atteinte à leur nom, à leur image ou à leur renommée. "Une collectivité pourra, si elle souhaite, être informée du dépôt d'une marque ; après, ce sera à elle de voir s'il est nécessaire ou pas de s'opposer à ce dépôt de marque, a signalé Vincent Allazard. Cela va permettre de rendre leur légitimité aux entreprises locales, de rassurer les consommateurs sur l'origine des produits portant le nom d'une collectivité." Et l'enjeu est important. D'après un sondage Ifop publié dans le cadre du Salon du Made in France qui s'est tenu en novembre, près de trois quarts des Français (73%) déclarent que le Made in France est un critère plus important pour eux qu'il y a dix ans. Ils sont aussi nombreux à se dire prêts à payer plus cher un produit fabriqué en France.
"Il faut faire une motion de soutien pour l'action de la commune de Laguiole, car cela peut nous arriver, a souligné Jean Girardon, maire de Mont-Saint-Vincent et vice-président de l'AMF. Chaque commune a un nom, il appartient d'abord à ses habitants d'aujourd'hui, mais aussi à ceux de demain et nous en sommes les garants ; il faut que l'on soutienne notre collègue." D'autres exemples de confiscation de noms de collectivités ont eu lieu, comme les Monts d'Uriage, utilisés par un laboratoire dermatologique... Au niveau européen, le gouvernement français compte agir, mais "la question du Made in France ou du Made in Europe n'est pas tranchée, a signalé Christophe Rouillon, président de la commission Europe de l'AMF, il faut aussi que les associations d'élus locaux puissent s'emparer de ce dossier."