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Le règlement départemental d'aide sociale rattrapé par la loi

Par deux décisions récentes, le Conseil d'État vient encadrer la définition, par le règlement départemental, des conditions d'attribution et de mise en œuvre de certaines prestations sociales.

Deux arrêts du Conseil d'État du 29 mai 2019, mentionnés par le blog du cabinet Landot Avocats, apportent des précisions sur les limites des pouvoirs conférés au règlement départemental d'aide sociale (RDAS), document sur lequel se fondent, avec la loi et le règlement, les décisions des départements en matière sociale. Les deux jugements concernent respectivement les départements du Bas-Rhin et l'Isère. En l'occurrence, l'important ne réside pas le fond des deux affaires, mais dans les limites que le Conseil d'État pose à la définition, par le règlement départemental, des conditions d'attribution et de mise en œuvre de certaines prestations sociales.

Une marge de manœuvre très encadrée...

Dans le cas du Bas-Rhin, l'affaire jugée porte sur la prise en charge d'un jeune majeur, sujet d'une actualité brûlante. En l'espèce, le département avait rejeté la demande de prise en charge, au titre d'un contrat jeune majeur, et le recours gracieux consécutif de M. B... A.., ressortissant pakistanais entré mineur sur le territoire français (sur ces points, voir aussi les décisions récentes du Conseil d'État dans nos articles ci-dessous du 21 janvier et du 4 février 2019).

Dans sa décision, le Conseil d'État reconnaît "que le président du conseil départemental dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour accorder ou maintenir, en fonction de critères qu'il lui appartient de déterminer, la prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance d'un jeune majeur de moins de vingt et un ans éprouvant des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants".

Mais il rappelle aussi qu'aux termes de l'article L.111-1 du code de l'action sociale et des familles (Casf) – et sous réserve des dispositions particulières applicables à certaines personnes, notamment de nationalité étrangère –, "toute personne résidant en France bénéficie, si elle remplit les conditions légales d'attribution, des formes de l'aide sociale telles qu'elles sont définies par le présent code". De même, l'article L.111-4 du Casf prévoit que "l'admission à une prestation d'aide sociale est prononcée au vu des conditions d'attribution telles qu'elles résultent des dispositions législatives ou réglementaires et, pour les prestations légales relevant de la compétence du département ou pour les prestations que le département crée de sa propre initiative, au vu des conditions d'attribution telles qu'elles résultent des dispositions du règlement départemental d'aide sociale".

... même si la loi ou le règlement fixent pas de montants ou de conditions précis

Dans ces conditions, le département a "l'obligation de verser celles des prestations d'aide sociale que la loi met à sa charge à toute personne en remplissant les conditions légales". Le règlement départemental d'aide sociale ne peut alors édicter que des dispositions plus favorables. Si la loi ou le règlement ne prévoient pas ou ne fixent pas précisément des conditions ou des montants, le règlement départemental peut certes "préciser les critères au vu desquels il doit être procédé à l'évaluation de la situation des demandeurs". Mais en revanche, "il ne peut fixer de condition nouvelle conduisant à écarter par principe du bénéfice des prestations des personnes qui entrent dans le champ des dispositions législatives applicables".

En l'espèce, le président du conseil départemental ne pouvait légalement refuser la prise en charge de M. A...au seul motif, et sans procéder à l'évaluation de sa situation, qu'il ne remplissait pas la condition fixée par le règlement d'aide sociale du Bas-Rhin imposant d'"avoir bénéficié d'une prise en charge antérieure par le service de l'aide sociale à l'enfance au cours de sa minorité pendant un an au moins" (une condition posée au demeurant par de nombreux départements). Une décision du Conseil d'État qui restera toutefois sans effet pratique dans le cas d'espèce, puisque M. B... A..., ayant dépassé entre-temps l'âge de 21 ans, ne peut plus prétendre à une prise en charge au titre d'un contrat jeune majeur...

L'affaire concernant le département de l'Isère est très similaire. Elle concerne un autre aspect de l'aide sociale à l'enfance, mais le raisonnement juridique est le même. En l'occurrence, le Conseil d'État donne raison au tribunal administratif, qui avait jugé que "le président du conseil départemental ne pouvait légalement refuser à un ménage l'allocation mensuelle de subsistance familiale, qui relève des prestations légales d'aide sociale [...], au seul motif, et sans procéder à l'évaluation de leur situation et de celle de leurs enfants, qu'en vertu du règlement départemental d'aide sociale, un même ménage ne pouvait en bénéficier plus de quatre fois dans l'année".

Références : Conseil d'État, 1re et 4e chambres réunies, arrêt n°417406 du 29 mai 2019, M. B. A..., département du Bas-Rhin (mentionné aux tables du recueil Lebon), arrêt n°417467 du 29 mai 2019, département de l'Isère (mentionné aux tables du recueil Lebon).

 

 

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