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Tourisme - Le Sénat prône le tourisme vert pour sortir les Antilles de la crise du secteur

Michel Magras, sénateur de Saint-Barthélemy, a déposé, le 24 mai, un rapport d'information - fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire - sur la situation du tourisme aux Antilles. Comme l'indique le rapporteur lui-même, "la problématique du tourisme en outre-mer a donné lieu, au cours des dernières années, à plusieurs rapports, notamment du Conseil économique, social et environnemental", ainsi qu'à plusieurs plans de relance plus ou moins efficaces (voir nos articles ci-contre).

Les effets de la crise sociale de 2009 n'expliquent pas tout

Déjà en situation difficile, le tourisme a subi de plein fouet "l'impact dévastateur de la longue crise sociale de 2009" en Guadeloupe et, dans une moindre mesure, en Martinique. Celle-ci a sérieusement écorné l'image touristique des Antilles et plusieurs grands groupes hôteliers ou de loisirs ont menacé de quitter purement et simplement les deux îles. Les conflits sociaux n'ont toutefois fait qu'aggraver une tendance de fond, à l'œuvre depuis une dizaine d'années. Le rapport donne ainsi l'exemple de la Martinique qui, alors que l'activité touristique progressait partout en France, est passée de 1,03 million de touristes en 1998 - un record à ce jour - à 639.000 en 2005 et 577.000 en 2009. Dans le même temps, la capacité hôtelière était divisée par deux. Autre exemple : alors que le transport aérien mondial croît de 4 ou 5% par an, celui à destination des Antilles est en régression, avec un niveau en 2010 inférieur à celui de 2004. Seule lueur d'espoir : les derniers plans de relance semblent porter quelques fruits, puisque l'activité est en légère hausse en 2010 et au début de 2011.
Intitulé "Guadeloupe et Martinique : d'un tourisme subi à un tourisme intégré", le rapport ne prend pas de gants pour expliquer les raisons d'une telle situation. Outre les conflits sociaux à répétition, il évoque "un parc hôtelier totalement obsolète", mais aussi la question identitaire. Pour Michel Magras, "la population antillaise a en effet longtemps été réfractaire au développement du tourisme. Pour reprendre une formule souvent utilisée, le service a longtemps été assimilé à la servitude". Autre faiblesse du tourisme antillais : il "n'est pas encore la véritable priorité des Antilles en matière de développement économique", alors qu'il représente toujours 9,2% du PIB en Martinique et 12% en Guadeloupe (part directe et indirecte). Le rapport pointe également un dispositif de défiscalisation mal adapté à l'hôtellerie, une mauvaise prise en compte de la saisonnalité, un déficit d'accueil et de formation et une incapacité à profiter de l'essor des croisières.

Sortir d'un tourisme franco-français

Mais l'une des principales faiblesses du tourisme antillais est d'être beaucoup trop franco-français : la part des touristes originaires de métropole est en effet de 93% en Martinique et de 94% en Guadeloupe. Une bonne part de ces touristes - 38% en Guadeloupe et 13 à 20% en Martinique - sont d'ailleurs des touristes affinitaires (Antillais installés en métropole et revenant pour les vacances). En revanche, le rapport estime que "les Antilles tournent aujourd'hui le dos à l'Amérique du Nord", malgré des atouts évidents. Dans la décennie 1975-1985, les touristes américains représentaient pourtant 35% des arrivées mais, aujourd'hui, la Martinique et la Guadeloupe sont - avec Cuba - les seules îles des Caraïbes à ne plus avoir de liaison directe avec les Etats-Unis.
Face à cette situation désastreuse, le rapport estime néanmoins qu'il est encore possible d'inverser la tendance. Tout en se félicitant des décisions annoncées par le chef de l'Etat lors de son déplacement aux Antilles au début de l'année (voir notre article ci-contre du 10 janvier 2011), il formule une douzaine de propositions. Celles-ci consistent notamment à refaire du tourisme "la priorité des Antilles en matière de développement économique", à renforcer la sensibilisation de la population à l'intérêt de cette activité, à lancer un grand plan de formation des salariés du secteur, à diversifier les produits touristiques et les clientèles, à faire évoluer le dispositif fiscal en faveur de l'hôtellerie vers une "défiscalisation de projet" ou encore à prendre des initiatives pour attirer les touristes nord-américains (par exemple en jouant sur la sécurité et sur la "french touch").
Mais la principale originalité du rapport est de plaider fortement pour un positionnement des Antilles sur le "tourisme vert". Selon une étude sur l'éco-tourisme forestier, la Martinique disposerait, par exemple, d'un potentiel de 300 000 écotouristes par an. Ceci suppose, bien sûr, de "préserver et valoriser le patrimoine naturel des Antilles" - à travers en particulier la réalisation d'un inventaire des sites naturels remarquables -, mais aussi de régler des problèmes plus terre à terre qui nuisent fortement à l'image de la destination : la gestion des déchets et de la propreté et la réglementation de l'affichage publicitaire.

Référence : Sénat, commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, rapport d'information n°547 "Guadeloupe et Martinique : d'un tourisme subi à un tourisme intégré" (déposé le 24 mai 2011).