Le TFA, "polluant éternel", présent presque partout dans l'eau en France
Le TFA, "polluant éternel" de la famille des PFAS, est présent dans 92% des eaux en France, selon des mesures publiées par l'Anses ce 3 décembre, qui confirment les craintes des associations environnementales.
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Rendus publics ce 3 décembre, les résultats de la campagne nationale de mesure dans l’eau des PFAS (composés per- et polyfluoroalkylés) ou "polluants éternels" menée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) de 2023 à 2025 révèlent la présence de TFA (acide trifluoroacétique) dans 92% des échantillons d’eau brute (cours d'eau, mares, lacs, eaux souterraines, puits, etc.) et d’eau du robinet analysés sur tout le territoire, en métropole et outre-mer. C'est la première fois que l'Agence mesure de manière aussi complète les niveaux de cette substance dans l'eau et ces résultats confortent ceux, alarmants, déjà obtenus par des chercheurs ou des associations de défense de l'environnement, en France et dans d'autres pays.
Une substance difficile à extraire lors du traitement de l'eau
Le TFA, qui appartient à la catégorie des PFAS à chaîne ultra-courte (molécules avec un à trois atomes de carbone) n’est pas représenté dans les 20 PFAS dont la surveillance est prévue par la directive européenne relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine au plus tard au 12 janvier 2026. Selon plusieurs études, ce composé paraît nocif pour le foie et la fertilité, et fait courir aux foetus le risque de malformations. Il est extrêmement persistant dans l'environnement, mobile et capable de contaminer largement toute la chaîne alimentaire, solides comme boissons, et les organismes. Comme il s’agit d’une molécule très petite, il est extrêmement difficile à extraire lors du traitement de l'eau et pratiquement indestructible. La concentration médiane en TFA est de 780 ng/L dans l’eau distribuée mais varie fortement d’un échantillon à l’autre.
Le TFA est issu de multiples sources industrielles, entre autres la décomposition dans l'atmosphère des gaz fluorés employés pour la réfrigération, et les rejets des fabricants d'un herbicide, le flufénacet. "Ces retombées atmosphériques vont impacter directement et rapidement les eaux de surface, que ce soit les cours d'eau ou les plans d'eau, et vont donc entraîner une présence généralisée de ces TFA", a expliqué à la presse Xavier Dauchy, adjoint chef d’unité chimie des eaux au laboratoire d’hydrologie de Nancy de l’Anses. "Il peut y avoir des émissions directes par des sites qui synthétisent le TFA. Il peut y avoir des émissions indirectes par des sites qui utilisent le TFA", a-t-il ajouté.
L'association Générations futures dénonce particulièrement la pollution issue de trois usines : celle de pesticides de BASF à Saint-Aubin-lès-Elbeuf (Seine-Maritime), celle de produits pharmaceutiques de Finorga à Mourenx (Pyrénées-Atlantiques), et celle de TFA de Solvay à Salindres (Gard), en cours de fermeture.
35 PFAS recherchés au cours de la campagne d'analyses
Lors de sa campagne, qui l’a conduite à analyser plus de 600 échantillons d’eau brute et autant d’eau distribuée, provenant de points de captage représentant au total environ 20% de l’eau potable en France, l'Anses a mesuré la concentration dans les eaux de 35 PFAS différents. 20 ont été détectés dans au moins un prélèvement d’eau brute et 19 dans l’eau distribuée.
Onze PFAS de la directive européenne pour l’eau du robinet font partie de ces PFAS détectés, dont trois sont plus fréquemment retrouvés : le PFHxS (21,7% des échantillons d’eau distribuée), le PFOS (19,1%) et le PFHxA (16,1%). La directive fixe, pour la somme des concentrations des 20 PFAS qu’elle considère, une limite de qualité à 100 ng/L. Seule une faible proportion des prélèvements dépasse cette valeur.
Parmi les autres PFAS détectés, quatre sont dits conventionnels - ils sont composés de chaînes de plus de trois atomes de carbone. Ces PFAS, notamment le 6:2 FTSA, ont généralement été détectés dans des échantillons où se trouvait également au moins l’un des PFAS inclus dans la directive. "Cela montre que les PFAS inclus dans la directive sont de bons indicateurs de la présence de PFAS conventionnels", estime l’Anses.
Cinq PFAS à chaîne ultra-courte ont également été recherchés. Outre le TFA, deux d’entre eux sont présents dans plusieurs prélèvements. L’étude a notamment identifié, pour la première fois en France, la présence significative de TFMSA (acide trifluorométhanesulfonique), dans 13% des échantillons, avec une concentration médiane de 28,5 ng/L dans l’eau distribuée.
Les résultats de cette campagne viennent compléter l’expertise de l’Anses publiée en octobre dernier, dans laquelle l’Agence avait formulé des recommandations pour améliorer la surveillance des PFAS dans différents compartiments dont l’eau (lire notre article). Certains PFAS détectés lors de la campagne de mesure pourraient être intégrés dans le plan pérenne de surveillance de l’eau, comme le recommande l’expertise, indique l’Agence. C’est notamment le cas, parmi les PFAS à chaîne ultra-courte, du TFA et, parmi les PFAS conventionnels, du 6:2 FTSA, plus fréquent parmi ceux non inclus dans la directive.