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Financement solidaire - L'économie sociale et solidaire a aussi ses circuits courts !

Connus dans le domaine de l'alimentation, les circuits courts se développent dans le financement de l'économie sociale et solidaire. Ces dispositifs, qui consistent à flécher l'épargne vers des entreprises locales, ne représentent encore que 80 millions d'euros d'encours de crédits, mais connaissent une progression rapide. Plusieurs collectivités tentent d'accompagner le mouvement, avec le lancement de plateformes de financement participatif.

Après avoir investi le secteur de l'alimentaire, les circuits courts commencent à se développer dans le domaine du financement de l'économie sociale et solidaire. Ils sont basés sur les mêmes principes, à savoir réduire le nombre d'intermédiaires entre un consommateur, ou un client et un fournisseur de biens ou de services. D'après Pierre Valentin, directeur général délégué du Crédit coopératif, ils représentent aujourd'hui environ 80 millions d'euros d'encours de crédits, soit une somme encore très modeste comparée au portefeuille des crédits bancaires classiques. Mais une somme qui pourrait être "multipliée par deux ou par trois, assure à Localtis Pierre Valentin. On n'en est encore qu'au début, cela va se développer". Même écho de la part de l'Atelier, le centre de ressources de l'économie sociale et solidaire de la région Ile-de-France. "Ce n'est pas une solution miracle mais il y a quand même des montants importants qui sont concernés. C'est en train d'exploser, il s'agit d'une tendance durable", assure ainsi Amélie Benais, directrice de l'Atelier.
Le principe est simple : il s'agit de collecter de l'épargne locale et de la réinvestir localement dans des projets d'utilité sociale ou dans des entreprises sociales et solidaires. "En général, quand on épargne dans une banque de manière classique, on sait comment sera rémunérée l'épargne. En revanche, on ignore tout de ce que la banque fait de notre argent", explique à Localtis Nicolas Dabbaghian, co-fondateur de Spear (Société pour une épargne activement responsable), une coopérative de finance solidaire. Dans le cas de Spear, les épargnants choisissent dès le début, au moment où ils placent leur argent, quel projet sera bénéficiaire de leur épargne. Une carte interactive sur le site internet de Spear indique la liste des projets disponibles. Depuis sa création en 2012, la société a déjà collecté 2,5 millions d'euros d'épargne qui servent à financer 18 projets. Chaque projet reçoit en moyenne 200.000 euros (de 15.000 à 500.000 euros). Autre atout de la démarche : Spear informe chaque année les épargnants de l'avancée du projet qu'ils aident à financer grâce à leur épargne. "Il faut que la personne qui épargne sache à quoi a servi son épargne", affirme Nicolas Dabbaghian. Les frais occasionnés par le service de Spear sont quant à eux financés par la banque (1% du montant prêté) et par les épargnants (3%). Et les collectivités territoriales participent aussi au projet, à hauteur de 21.000 euros pour la région Ile-de-France et de 13.000 euros pour le conseil général des Hauts-de-Seine. "Mais notre souhait est de pérenniser notre modèle économique sans subvention", souligne le co-fondateur de Spear.

Des clubs d'investisseurs locaux

Autre initiative de ce type : les Cigales (club d'investisseurs pour une gestion alternative et locale de l'épargne solidaire), un mouvement précurseur né dans les années 1980 pour aider ceux qui souhaitent créer une entreprise. Des clubs d'investisseurs "Cigales" s'organisent ainsi partout sur le territoire pour mobiliser l'épargne de leurs membres au service de la création et du développement de petites entreprises locales et collectives. Chaque club est constitué de 5 à 20 personnes. Elles mettent en commun leur épargne et se réunissent plusieurs fois par an pour recevoir les créateurs et décider de leurs placements. En parallèle de l'apport en capitaux, les "cigaliers" offrent un soutien personnalisé, technique et social, au porteur de projet. Ils suivent la situation financière de la structure bénéficiaire et, dès que le projet est viable, proposent au porteur de projet de racheter leurs parts. Les clubs ont une durée de vie de cinq ans, prorogeable une fois, après quoi, ils procèdent à la liquidation de leur portefeuille, au prorata des apports de chacun. En 2012, la fédération des Cigales comptait 230 clubs actifs rassemblant près de 3.000 adhérents.
Les fonds régionaux d'investissement solidaire (Fris), développés par France Active, suivent aussi la même logique. Présents sur l'ensemble du territoire, ils s'appuient sur le capital de la société d'investissement de France Active (Sifa) et sur les fonds de garantie abondés par les conseils régionaux. En 2013, les Fris et la Sifa ont ainsi accompagné plus de 1.000 entreprises sociales et solidaires.
Amundi, société de gestion d'actifs financiers liés à l'économie sociale et solidaire, réfléchit quant à elle à l'élaboration d'une cartographie numérique interactive de ses investissements solidaires. Objectif : permettre aux investisseurs particuliers et salariés, et aux entreprises, de suivre l'orientation et l'impact local des sommes qu'ils investissent dans leurs fonds solidaires.

Un problème d'échelle ?

A l'image du conseil général des Hauts-de-Seine ou de la région Ile-de-France pour le projet de Spear, les collectivités locales s'intéressent de plus en plus à ces initiatives. "Nous souhaitons travailler pour voir comment les collectivités peuvent agir et soutenir les projets car souvent il y a un fort besoin d'investissement au démarrage", explique Amélie Benais. Mais encore faut-il que les collectivités puissent déterminer l'origine géographique des projets pour assurer leur financement. "Il est difficile de repérer l'ancrage du projet car ce sont souvent des plateformes dématérialisées," souligne ainsi la directrice de l'Atelier. La région Rhône-Alpes s'est quant à elle lancée dans le financement d'une plateforme régionale de financement participatif "Pret-de-chez-moi.coop/" qui permet aux investisseurs de financer des entreprises locales. Les projets financés relèvent principalement de l'ESS. En Poitou-Charentes, une plateforme régionale de financement participatif sera lancée en octobre à l'occasion du premier salon national de l'ESS : "jadopteunprojet.com" permettra d'accompagner des projets locaux. La région a investi 25.000 euros dans le projet, pour ses frais de fonctionnement. "Il peut y avoir du potentiel dans ce type de plateforme", assure Jean-François Macaire, président de la région Poitou-Charentes. Le financement des projets se fera dans un premier temps sous forme de dons, et, à partir de 2015, sous formes de prêts. Mais pour Cyril Kretzschmar, conseiller régional délégué à la nouvelle économie, nouveaux emplois, artisanat et à l'économie sociale et solidaire à la région Rhône-Alpes, l'échelle de ces projets pose problème. "L'ESS ne représente que 10% de l'économie, et dans ces 10%, quelques-uns seulement vont s'intéresser à ces outils financiers. Il est difficile pour nous de soutenir des projets avec un potentiel aussi faible et des coûts de gestion si importants. Il faut une masse de donateurs et d'utilisateurs significative, et l'ESS a de ce côté un vrai problème d'échelle", explique-t-il. D'après Cyril Kretzschmar, il faudrait faire émerger des outils financiers collaboratifs, à l'échelle interprofessionnelle, à travers les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) notamment, mais aussi développer des projets au niveau national, voire européen…

Emilie Zapalski

Les premiers Trophées de l'innovation sociale 2014
Les premiers Trophées de l'innovation sociale 2014 ont été décernés à quatre candidats, le 17 octobre, dans le cadre du premier salon national de l'économie sociale et solidaire, organisés à Niort par la région Poitou-Charentes, le Conseil national des chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (CNCRES) et la chambre régionale de l'ESS (Cress) de Poitou-Charentes.
Le concours était ouvert à toute personne ayant créé ou repris une activité en France dans le secteur de l'ESS. Le jury, composé de membres du CNCRES et de la Cress, a dû départager 35 candidats. Il a finalement décerné quatre prix, dont deux pour l'initiative jeunesse : l'un à la coopérative Okarina, installée à Châtellerault, qui fait la promotion de l'entrepreneuriat grâce au théâtre, et l'autre à Alter'Action, à Paris, qui sensibilise les étudiants de grandes écoles à l'ESS.
Le restaurant "Le bruit qui court", à Chambéry, a quant à lui reçu le trophée de l'initiative créative et innovation sociale. Ce restaurant propose à ses clients de payer un peu plus leur repas pour financer ceux de personnes qui n'ont pas les moyens d'aller au restaurant. Une généralisation du principe est prévue dans d'autres commerces et services, comme un salon de coiffure. Enfin, Plif Plaf Plouf, à Marseille, a reçu le trophée "coup de coeur du jury". Il s'agit d'une crèche intergénérationnelle. Intégrée dans une maison de retraite, elle favorise les échanges et relations entre les générations.
Chaque candidat retenu reçoit 4.000 euros et un accompagnement pour sa communication : une médiatisation des trophées sur les sites internet des organisateurs, une présentation à la presse régionale et spécialisée dans le cadre du salon, et la possibilité d'utiliser la mention "Lauréat du Trophée Innovation sociale 2014" dans sa communication durant quinze mois.
E.Z.