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Les contrats à impact ne font pas encore recette

Un rapport remis le 2 mars 2022 à Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale solidaire et responsable, dresse un bilan des contrats à impact. Soutenu depuis cinq ans par les gouvernements successifs, ce dispositif vise à expérimenter des projets sociaux et environnementaux potentiellement innovants grâce à l’avance financière d’investisseurs qui assument le risque d’échec et sont remboursés et rémunérés en cas de réussite du projet. L’engouement n’est actuellement pas au rendez-vous parmi les investisseurs, les philanthropes et les collectivités qui sont freinés en premier lieu par la complexité et la longueur du processus.

Malgré le soutien apporté par le gouvernement dès 2016, "les contrats à impact peinent encore à trouver leur place" en France, selon un rapport remis le 2 mars 2022 à Olivia Grégoire, secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale solidaire et responsable. Présidé par Thomas Cazenave, Inspecteur général des finances, le groupe de travail ayant réalisé ce rapport estime que le contrat à impact (CI) est "un outil original pour financer l’innovation sociale et environnementale". Il rappelle que ce contrat lie trois parties, un opérateur de l’économie sociale et solidaire (ESS) portant un programme social ou environnemental selon une approche innovante, des investisseurs publics et/ou privés qui préfinancent ce programme et un "tiers-payeur" (État, collectivité ou établissement public) qui rembourse in fine les investisseurs "et verse une prime additionnelle éventuelle en cas d’atteinte de l’intégralité des résultats qui sont fixés à l’opérateur".

Un "faible intérêt" des collectivités territoriales pour le dispositif

"Avec 11 contrats à impact lancés en France depuis 2016, ce dispositif reste toutefois marginal, tant par le nombre d’opérations montées, que par les volumes financiers engagés (20 millions d'euros à la fin de l’année 2021)", peut-on lire dans le rapport. Parmi ces 11 contrats, deux ont été signés par des conseils départementaux – Gironde et Loire-Atlantique – avec la fondation Apprentis d’Auteuil sur l’expérimentation de "relais familiaux" destinés à prévenir le placement d’enfants dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance. Parmi les neuf autre CI, sept sont structurés par l’État – dont six sur l’emploi et l’insertion – et deux contrats portant sur le logement impliquent l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Le rapport mentionne également un CI presque finalisé sur un projet en Éthiopie structuré par l’Agence française de développement, ainsi que les 15 projets sélectionnés dans le cadre des appels à manifestation d’intérêt (AMI) gouvernementaux en 2020 et 2021 (voir nos articles ci-dessous). 

Pour expliquer cette faible dynamique, le rapport met en avant la complexité et la durée du processus de sélection des projets et du montage des contrats, ce dernier impliquant notamment "une longue phase de négociation" sur le choix stratégique des indicateurs. Les auteurs considèrent en outre que le choix en France d’un niveau de risque/rentabilité faible décourage autant les investisseurs que les acteurs philanthropiques de se lancer dans ce produit "non standard". Ainsi les taux de rémunération compris actuellement entre 1,5% et 4,5% "sont plus proches des rendements d’un produit de dette que d’un produit d’investissement en fonds propre, où les rendements minima attendus seraient plutôt de l’ordre de 8% à 10% par an", est-il précisé. Du côté des pouvoirs publics, le groupe de travail a constaté un "faible intérêt" des collectivités territoriales pour le dispositif, à la différence du "modèle anglo-saxon où les tiers-payeurs incluent souvent les autorités locales qui sont les réels bénéficiaires finaux des impacts générés par les CI". De fait, ce manque d’engouement se traduit par le fait que l’impulsion aux CI est donnée actuellement en France uniquement par l’État et ses opérateurs, via les récents AMI.

"Privilégier des projets plus risqués" pour davantage "justifier" le recours aux investisseurs

Malgré ces vents contraires, diverses propositions sont formulées dans le rapport pour développer les contrats à impact en France. "Le CI représente un outil intéressant de collaboration entre public et privé qui a la particularité́ d’inclure une réflexion de long terme, d’associer les opérateurs dans la construction de dispositifs publics, tout en s’appuyant sur une méthodologie d’évaluation robuste. En ce sens, le CI est un outil au service de la transformation publique", soulignent ainsi les auteurs. Ces derniers préconisent en particulier la mise en place d’une équipe interministérielle dédiée à la gestion de ces contrats et à la promotion du dispositif, notamment auprès des collectivités. "Le travail de communication et de pédagogie doit cibler prioritairement les collectivités territoriales dont l’implication constitue un levier important au développement des CI en France", est-il écrit.

Les auteurs du rapport recommandent ainsi de sensibiliser les associations d’élus régionaux, départementaux, municipaux et "d’aborder le sujet du CI auprès de différentes collectivités traitant des mêmes problématiques, afin d’identifier d’éventuels projets qui seraient susceptibles d’associer plusieurs territoires en tant que tiers-payeurs sur une même opération". L’aide sociale à l’enfance est citée pour les départements qui "pourraient être intéressés par une démarche d’expérimentation". 

Autre proposition : "privilégier des projets plus risqués mais avec plus de potentiels de transformation pour la puissance publique". Un risque opérationnel "important" associé à un projet au "potentiel d’innovation élevé́ (…) [justifierait] ainsi pleinement le recours à un investisseur tiers pour le prendre en charge" et des rémunérations plus attractives, de l’ordre de 6 à 8%, estime le groupe de travail. Aucune illustration de tels projets et des risques associés n’est cependant fournie pour permettre de comprendre ce que seraient de tels projets à hauts potentiels et risques.