"Les parents diplômés se distinguent par une stratégie éducative de maintien des écrans à distance"
Les trois quarts des enfants de petite section de maternelle utilisent régulièrement des écrans, révèle la note d'information de la Depp intitulée "Usage des écrans par les enfants de 3 à 4 ans" publiée mardi 17 juin 2025. Cette pratique, socialement marquée, est associée à des performances moindres en langage, notamment lorsqu'elle a lieu pendant les jours d'école.

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"Le diplôme de la mère est la dimension la plus liée à l'accès aux écrans", révèle une note de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) sur l'usage des écrans par les enfants de 3 à 4 ans, publiée le 17 juin 2025. Et, de manière plus générale, "par rapport aux parents non diplômés, les parents diplômés se distinguent par une stratégie éducative de maintien des écrans à distance". "Cette pratique, socialement marquée, est associée à des performances moindres en langage, notamment lorsqu'elle a lieu pendant les jours d'école". Personne ne s'étonnera de ces enseignements mais ils ont le mérite de constituer une base statistique à ce que l'on savait déjà.
Une exposition massive dès 3 ans
Ainsi, dès l'âge de 3 ans, 75% des enfants scolarisés en petite section regardent ou jouent sur des écrans, selon la Depp. 45% disposent d'un accès numérique qui leur est spécifiquement dédié, 15% possèdent leur propre tablette. Le visionnage domine : un élève sur deux regarde régulièrement des écrans, un sur dix y joue régulièrement. Ces chiffres montrent l'ampleur de l'exposition des tout-petits au numérique — un usage qui donc, selon la Depp, "varie fortement selon les caractéristiques sociales des familles".
Des inégalités sociales marquées
L'étude montre que les enfants d'ouvriers non qualifiés possèdent trois fois plus souvent une tablette que ceux de cadres (21% contre 7%). La fréquence du jeu sur écran est elle aussi trois fois plus élevée chez les premiers. À caractéristiques égales, les enfants de mères non diplômées sont six fois plus nombreux à jouer régulièrement sur des écrans.
La structure familiale (famille monoparentale ou nombre de frères et sœurs) et l'origine migratoire jouent aussi un rôle. Par exemple, 26% des enfants de parents immigrés possèdent une tablette, contre 12% des enfants dont les parents ne sont pas immigrés. Le revenu du foyer influence également les équipements et les pratiques : 26% des enfants vivant dans un foyer à moins de 1.600 euros mensuels possèdent une tablette, contre 7% pour ceux dont les revenus dépassent 4.000 euros.
Corrélation nette entre usage des écrans et performances scolaires
La Depp observe une corrélation nette entre usage des écrans et performances scolaires. En particulier, jouer sur des écrans pendant les jours d'école est associé à des scores inférieurs de 22 points d'écart-type en langage, de 14 points en mathématiques et de 12 points en compétences transversales. Même les enfants qui se contentent de "regarder" les écrans ces jours-là obtiennent des scores moindres. À l'inverse, l'usage régulier des écrans en dehors des jours d'école est positivement associé aux performances, notamment en compétences transversales et en mathématiques.
L'effet négatif de l'usage en semaine s'atténue fortement voire disparaît lorsqu'il est encadré et complété par d'autres activités éducatives comme la lecture, les jeux de société ou une inscription en bibliothèque. Ainsi, une pratique régulière et encadrée en dehors des jours d'école est associée à des scores supérieurs de 13 à 15 points d'écart-type dans toutes les compétences évaluées.
Un enjeu éducatif et politique
Dans un contexte de vives tensions autour de l'autorité à l'école, ces résultats alimentent le débat sur le rôle éducatif des familles et la régulation des pratiques numériques. Emmanuel Macron a récemment déclaré vouloir "remettre de l'autorité partout", après le meurtre tragique d'une assistante d'éducation à Nogent par un adolescent de 13 ans (notre article du 11 juin 2025). Il a évoqué, entre autres leviers, la nécessité d'un "encadrement renforcé du numérique dans la vie des enfants".
Ce rapport de la Depp donne une assise statistique - bien que réduite - à cet enjeu, rappelant qu'un usage mal encadré des écrans dès la maternelle peut contribuer à creuser les inégalités scolaires. Pour les collectivités et les acteurs de la petite enfance, la question de l'accompagnement parental et du développement d'alternatives éducatives se pose avec d'autant plus d'urgence.