L'État lance un campus numérique pour former massivement les agents publics au numérique

L'État a lancé le 9 janvier 2024 son campus numérique avec pour priorité la formation des décideurs aux enjeux de la transformation numérique. La plateforme de formation a vocation à être ouverte à tous les fonctionnaires de la fonction publique même si l'offre collectivités reste encore à affiner.

Mardi 9 janvier 2024 a été initié un cursus numérique "obligatoire" pour les directeurs d'administration centrale dans les locaux de l'Institut national du service public (INSP), marquant le lancement officiel du "campus numérique" voulu par le gouvernement. Un choix qui marque la volonté de l'État de faire monter en compétence l'ensemble de la sphère publique sur les enjeux numériques, tout en assurant un nouveau "référentiel de rémunération" pour 55 métiers du numérique, avec des fourchettes salariales spécifiques à chaque poste (lire encadré ci-dessous). L'ambition du programme est du reste de former d'ici la fin du quinquennat la totalité des 5,7 millions d'agents issus des trois fonctions publiques.

Réinternaliser les compétences

Ce campus fait suite à un rapport de l'inspection général des finances et du conseil général de l'économie sur la filière numérique au sein de l'État publié en janvier 2023. Ce rapport avait en effet pointé plusieurs tendances inquiétantes : manque de culture numérique des dirigeants publics, vieillissement et contraction des agents exerçant des métiers numériques, difficulté à recruter des jeunes et des compétences pointues (data, cloud, IA…), nécessité de réinternaliser les compétences numériques pour réduire la dépendance de l'État au secteur privé et aux puissances étrangères. Le rapport proposait en outre de faire de la direction interministérielle du numérique (Dinum) la cheville ouvrière de cette nouvelle stratégie RH, chargé notamment de structurer un corps interministériel d'ingénieurs du numérique et de créer un centre de ressources.

Une quarantaine de modules

Les 21.000 agents de la filière numérique de l'État seront les premiers concernés par ce nouveau dispositif. Il s'agit, précise le site du campus numérique, "d'investir dans le développement des expertises numériques, professionnaliser les agents publics de la filière, et proposer des parcours de reconversion vers les métiers les plus en tension". Pour les autres filières, l'un des premiers objectifs est d'évaluer précisément les compétences numériques des agents invités à réaliser des tests d'autoévaluation via la plateforme PIX. Le campus du numérique public va ensuite leur "offrir un espace d'apprentissage continu" pour renforcer leurs compétences, les aider à maitriser leur environnement numérique de travail et à mieux appréhender la transformation des métiers. Concrètement, le catalogue de la plateforme compte pour le moment une quarantaine de modules autour d'une vingtaine de thèmes (numérique responsable, IA, conduite de projet, accessibilité, cloud, sécurité…). La plateforme permet de choisir sa formation, qui recourt massivement au format webinaire, de se faire accompagner par la Dinum pour créer un module ad'hoc dans son administration ou encore à un agent de postuler pour devenir formateur. Car le projet entend valoriser dans la mesure du possible les compétences internes à l'administration pour diffuser la culture numérique.

Ouverture aux territoriaux

L'ambition de l'État est ensuite que ces formations profitent à l'ensemble des fonctionnaires et donc aussi aux agents des hôpitaux et collectivités territoriales. Cette volonté d'ouverture a été confirmée par Cornélia Findeisen, cheffe du département RH de la filière numérique de l’État, à nos confrères de la Gazette des communes. Elle a cependant précisé que l'offre n'était pas encore "complète" et qu'il n'y avait pour le moment "pas d'offre spécifique pour les collectivités". La Dinum va se rapprocher du CNFPT pour "agréger les formations existantes", toutes les formations étant par ailleurs accessibles via le compte personnel de formation des agents.

  • L'État augmente les rémunérations des contractuels experts du numérique

Dans un communiqué publié le 11 janvier 2024, la direction interministérielle du numérique (Dinum) informe de la publication d'une circulaire rédigée le 3 janvier 2024 par l'ex-Première ministre Élisabeth Borne, qui fixe un nouveau "référentiel de rémunération" pour 55 métiers du numérique, avec des fourchettes salariales spécifiques à chaque poste. Par exemple, un développeur qui possède moins de cinq ans d'expérience professionnelle doit être payé entre 44.200 et 57.200 euros bruts annuels.
Un auditeur en sécurité des systèmes d'information peut prétendre à un salaire annuel compris entre 63.800 et 97.900 euros, pour autant qu'il ait plus de vingt ans d'expérience.
La grille de rémunération dévoilée dans la circulaire s'applique uniquement aux agents contractuels spécialisés dans le numérique, le traitement des fonctionnaires étant quant à lui déterminé par des grilles salariales communes à l'ensemble de la fonction publique.

Par rapport à la précédente grille de rémunération élaborée en 2019, les niveaux de salaires ont été "réactualisés" - souvent à la hausse - "afin de correspondre au mieux à la réalité des métiers du numérique dans le secteur privé", selon la circulaire. "La nouvelle grille s'impose aux ministères pour la filière numérique de l'État, et il ne peut lui être opposé d'autres référentiels ou doctrines ministériels", insiste Matignon.
Les ministères peuvent proposer des rémunérations supérieures à celle du référentiel, mais celles-ci sont alors soumises à l'approbation du contrôleur budgétaire.
La circulaire invite aussi les ministères à recruter directement leurs spécialistes du numérique en CDI plutôt qu'en CDD, "pour maintenir l'attractivité de la filière numérique et répondre à l'enjeu de fidélisation des agents". Enfin, ils sont incités à raccourcir leurs délais de recrutement, par exemple en se donnant les moyens de faire des promesses d'embauche aux candidats.
Selon un rapport du ministère de l'Économie publié en juin 2023, l'État doit recruter 2.500 experts du numérique chaque année, soit 50% de plus qu'actuellement. L'État emploie actuellement 21.000 experts du numérique dans des emplois civils, le ministère des Armées comptant pour sa part 28.000 spécialistes.
Avec AFP