Culture - Louvre-Lens : faut-il croire à l'"effet Bilbao" ?

Inauguré le 4 décembre par le chef de l'Etat, le Louvre-Lens ouvrira ses portes au public le 12 décembre. "Le Louvre-Lens,  grâce aux visiteurs qu'il attirera, aux touristes qui viendront, aux entreprises qui s'installeront parce qu'il y a le musée, sera l'un des instruments du développement économique du bassin et de la région", a déclaré François Hollande, lors de l'inauguration. Daniel Percheron, président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais (qui a porté ce projet avec Henri Loyrette, président de l'établissement public du musée du Louvre), a cité l'exemple du musée Guggenheim de Bilbao conçu par Frank Gehry en voyant dans le Louvre-Lens "un musée qui permet de refonder une ville rouillée".

Avantages comparatifs

Au-delà de l'appel désormais rituel à l'effet Bilbao, qu'en est-il réellement des opportunités en matière de redynamisation du territoire ? Il y a d'abord des différences évidentes qui ne plaident pas forcément en faveur de Lens. Si le Nord-Pas-de-Calais est la quatrième région française avec quatre millions d'habitants, Lens est une ville moyenne de 35.000 habitants quand Bilbao en compte dix fois plus.
S'il n'y a pas lieu ici de discuter des mérites respectifs des deux bâtiments, il reste que Frank Gehry est l'une des rares stars mondiales de l'architecture, quand les deux architectes japonais du Louvre-Lens, Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, ne sont connus que des spécialistes. Dans un trait d'humour, François Hollande a d'ailleurs affirmé se joindre "aux félicitations qui ont été adressées aux architectes dont les noms ne sont pas faciles à prononcer mais dont le talent est grand" (le président ne s'est d'ailleurs pas risqué à les citer). En outre, avec sa forme de diamant éclaté et tout en hauteur, le musée Guggenheim est plus spectaculaire que le Louvre-Lens, à l'architecture horizontale. Enfin, en termes d'image, le Guggenheim est un musée d'art moderne. Il y a peu de chances que l'on voit un jour, dans l'enceinte du Louvre-Lens, un puppy géant de Jeff Koons de dix mètres de haut et entièrement composé de fleurs et de végétation, devant lequel les touristes pressés de Bilbao aiment à se faire photographier.
Mais le Louvre-Lens n'est pas pour autant dépourvu d'avantages comparatifs. Le premier est certainement d'être implanté au milieu d'un bassin de population bénéficiant, outre de la population du Nord-Pas-de-Calais, de la proximité de l'Ile-de-France, de la Belgique et du sud de l'Angleterre. De même, le Louvre-Lens est un projet porté par toutes les institutions, sans distinction partisane. Dans son allocution, François Hollande a d'ailleurs tenu à rendre hommage à Jacques Chirac, qui a décidé de l'implantation à Lens, et a cité tous les ministres de la Culture qui se sont succédé depuis lors.

Pas de baguette magique

Mais c'est peut-être dans les ambitions affichées par le Louvre-Lens qu'il faut chercher les différences, au moins dans les premières années d'ouverture. Le musée affiche en effet une prévision de 700.000 visiteurs en 2013, puis un étiage à environ 500.000 visiteurs annuels, soit la moitié de ceux du Guggenheim (sans compter les nombreux touristes qui viennent voir et photographier le bâtiment sans y entrer).
Enfin, il ne faut pas oublier que l'effet Guggenheim n'est pas une baguette magique. Le bâtiment de Frank Gehry n'est en effet que l'un des très nombreux chantiers réalisés ou engagés par Bilbao pour sortir de sa torpeur : nouvel aéroport, Palacio Euskalduna à la place d'anciens chantiers navals, tour Iberdrola, déplacement de dix kilomètres des activités portuaires et industrielles, aménagement des friches industrielles par une autre star mondiale de l'architecture (l'anglo-iraquienne Zaha Hadid)... Quel que soit le succès public de ce nouveau musée, le renouveau de Lens et de sa région ne reposera certainement pas sur la seule inauguration du Louvre. 

Jean-Noël Escudié / PCA

Pompidou-Metz : l'effet "art moderne" sur LE COMMERCE De saucisson

"Le touriste vient à Metz pour voir de l'art moderne et il repart avec un saucisson." Thierry Jean, adjoint au maire de Metz, chargé du développement économique et du tourisme, vice-président de Metz Métropole, n'en revient pas lui-même. S'il avait anticipé que l'ouverture, en mai 2010, du centre Pompidou-Metz donnerait un coup d'accélérateur aux professionnels du tourisme local, et éventuellement aux commerçants, il n'avait pas envisagé une seconde que les premiers satisfaits seraient les marchands de la halle alimentaire. De fait, dans tout le centre-ville, "restaurateurs et commerçants ressentent une hausse du volume clientèle", se félicite Thierry Jean.
Sur les 552.000 visiteurs du centre Pompidou-Metz accueillis en 2011 (soit 45.000 visiteurs en moyenne par mois), 49,6% se rendent au centre-ville, où ils dépensent, en moyenne, 150 euros par personne. La cathédrale bénéficie également de cette affluence puisque qu'elle a vu sa fréquentation augmenter de 19% entre 2009 et 2011.
47% des visiteurs du musée déclarent être venus à Metz pour celui-ci et 21% viennent en séjour, ce qui correspond à 116.000 nuitées. Huit hôteliers sur dix déclarent d'ailleurs une hausse de chiffre d'affaires "sensible" depuis l'ouverture du centre Pompidou-Metz.
Ce serait, au total, 70 millions d'euros injectés dans l'économie locale en un an", se félicite Thierry Jean.
Au guichet de l'office du tourisme, on compte 68% de visiteurs en plus entre 2009 et 2011. Les visites guidées dans la ville (groupes et individuels) sont passées de 35.000 clients à 51.000 clients, soit une augmentation de 45. %.
Avec le témoignage de cet élu messin, l'Institut pour la ville et le commerce, qui organisait en septembre dernier un séminaire sur le thème "L'urbanisme commercial à la croisée des chemins", avait dès lors gagné son pari : montrer que le trio culture, tourisme et commerce pouvait être gagnant, le développement de l'un entraînant celui de l'autre.

Valérie Liquet

 

 

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