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Administration - Pas si simple, la simplification...

Depuis Toulouse, François Hollande a voulu rappeler, jeudi 9 janvier, sa volonté de mettre en oeuvre son "choc de simplification" lancé en mars 2013. Peu d'annonces pour les collectivités, mais surtout une série de rappels de réformes engagées. Des réformes qui, jusqu'à présent, pêchaient par manque de visibilité, estimait-on quelques jours auparavant à l'Elysée. Pas sûr que ce pari-là soit rempli. Zoom sur quatre domaines concernant les collectivités : l'urbanisme et la construction de logements, les marchés publics, la vie des entreprises, l'environnement.

"Maintenant, il faut passer à l'acte" dire "dans le détail, voilà ce qui va changer et c'est comme ça que nous pourrons modifier, simplifier, annuler, corriger pour faire que notre économie soit plus compétitive, rien ne pourra se faire sans la participation des entreprises", "sans les salariés", "sans les agents publics et les fonctionnaires", a déclaré François Hollande, citant également les collectivités locales. Le président de la République effectuait un déplacement à Toulouse, ce jeudi 9 janvier, sur les thèmes "Simplifier la construction" et "Simplifier la vie des entreprises".

Urbanisme et construction de logements

Les communes retiendront surtout que François Hollande a regretté que l'attribution d'un permis de construire prenne "en moyenne au moins huit mois" : "C'est trop long. Je demande que tous les délais dérogatoires puissent être revus" pour aboutir "à un délai maximum de cinq mois". Le chef de l'Etat a précisé avoir demandé à Cécile Duflot de "présenter des mesures réglementaires avant le 1er mai prochain".
Dans le domaine plus large de la construction de logements, "il nous faut simplifier les normes", a poursuivi le président, "aujourd'hui on compte 3.700 normes qui encadrent la construction d'une maison ou d'un immeuble". "Le coût moyen d'un logement c'est 2.000 euros du m2. Et selon les professionnels, ce coût a augmenté de 50% en 10 ans pour une grande partie à cause de l'inflation des normes", a-t-il également relevé. "Le 21 février, l'ensemble des normes seront révisées de façon à prendre des décisions à l'été prochain", a-t-il rappelé, en fixant comme objectif "de réduire de 10% le coût d'un logement collectif d'ici 5 ans".
Une déclaration qui a fait très plaisir à la Fédération Française du Bâtiment. Dans un communiqué, la FFB a immédiatement souligné que "cet objectif de 10% consacre la démarche 'Objectifs 500.000' engagée par Cécile Duflot"... dont les conclusions sont attendues, donc, le 21 février. L'une des propositions émises dans le cadre de la concertation Duflot apparaît déjà dans l'un des chapitres du dossier de presse de l'Elysée, celui sur "les gains attendus de la simplification". C'est celle qui invite à limiter les obligations d'accessibilité pour les personnes en situation de handicap (voir notre article du 12 décembre 2013). L'Elysée reprend l'idée que cela permettrait des économies estimées à 35 millions d'euros pour les entreprises et les collectivités territoriales concernées, soit une diminution d'environ 8% du coût de la construction pour un logement uniquement "visitable" (c'est-à-dire accessible mais sans les obligations relatives à la douche, au balcon, à la terrasse...).
Pour ce qui concerne les ordonnances destinées à faciliter et accélérer la construction de logements, elles ne sont plus au stade de projet mais sont bel et bien ratifiées (voir notre article ci-contre du 12 décembre 2013, mais aussi ceux du 2 octobre 2013, 17 juillet 2013 et 2 juillet 2013).
Pour rappel, l'une de ces ordonnances vise à raccourcir les délais (ordonnance n° 2013-888 du 3 octobre 2013) en créant la procédure intégrée pour le logement (PIL) grâce à laquelle "les entreprises de la construction pourraient bénéficier d'un chiffre d'affaires anticipé compris entre 590 millions d'euros et 3 milliards d'euros par an", espère l'Elysée. La seconde entend sécuriser les acquéreurs (ordonnance n° 2013-890 du 3 octobre 2013). La troisième s'attaque aux recours malveillants et entend fluidifier le traitement des contentieux (ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013).
Enfin, l'ordonnance sur le thème "densifier la ville" (ordonnance n° 2013-889 du 3 octobre 2013) permettrait, selon l'Elysée, un gain en chiffre d'affaires pour les entreprises du secteur de la construction de 1,8 milliard d'euros par an, en prenant l'hypothèse d'un surcroît de 15.000 logements par an permis par des surélévations de bâtiments et des transformations de bâtiments jusque-là à autre usage que le logement.

Marchés publics

Concernant les entreprises, l'Elysée a notamment mis l'accent sur le volet marchés publics, en revenant sur trois chantiers là encore déjà engagés. A savoir, tout d'abord, la généralisation de la facturation électronique entre pouvoirs adjudicateurs et entreprises prévue par la loi du 2 janvier 2014 habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnances pour simplifier et sécuriser la vie des entreprises (voir notre article du 10 septembre 2013). La loi d'habilitation indique en effet que le gouvernement prendra une ou des ordonnances afin de "permettre le développement de la facturation électronique dans les relations de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics avec leurs fournisseurs, par l'institution d'une obligation, applicable aux contrats en cours, de transmission dématérialisée des factures, entrant en vigueur de façon progressive pour tenir compte de la taille des entreprises concernées et de leur capacité à remplir cette obligation". En sachant qu'en parallèle, un projet de directive européenne sur la facturation électronique est sur les rails (voir par exemple notre article du 2 juillet 2013).
Deuxième chantier : simplifier la constitution des dossiers de candidature aux marchés publics pour les TPE et les PME. Il s'agit de l'une des décisions du Cimap du 17 juillet 2013. Il avait alors été annoncé que cette simplification interviendrait "à partir du premier semestre 2014 sur la base des conclusions d'une expérimentation conduite par le préfet de la région Midi-Pyrénées" (voir notre article du 29 juillet). On sait maintenant que cette expérimentation visant à "adapter l’ingénierie de la commande publique aux PME et à augmenter les avances forfaitaires" n'a pas encore été lancée.
Vient, en troisième lieu, la modification du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux (CCAG Travaux) "pour lutter contre les délais de paiement cachés qui pèsent sur la trésorerie des entreprises". Cette fois, les choses sont bien enclenchées puisque ce projet, qui prévoit notamment la réduction des délais liés à la transmission et à la validation du décompte général définitif (DGD), a finalement, après avoir été retoqué, donné lieu à un avis favorable de la Commission consultative d'évaluation des normes (voir notre article du 6 janvier).

Vie de l’entreprise

Selon le chef de l’Etat, les mesures de simplification font pleinement partie du "pacte de responsabilité" qu'il a proposé le 31 décembre aux entreprises. Ce pacte doit se traduire par une réduction des charges en contrepartie de mesures pour l’emploi. Plusieurs ordonnances seront prises d’ici la fin du premier trimestre 2014 en application de la loi d’habilitation pour la simplification et de sécurisation de la vie des entreprises du 2 janvier 2014, le but étant d’accélérer les procédures administratives tout en stabilisant les réglementations.
François Hollande s’est prononcé à Toulouse pour une extension du "rescrit fiscal". Ce principe, qui vise à obliger l'administration à garantir une stabilité des règles fiscales, sera étendu à d’autres domaines. Le chef de l’Etat a également mentionné la montée en puissance de la "déclaration sociale nominative" qui permettra en 2016 aux entreprises de déclarer en une seule fois les données sociales de leurs salariés via le portail Net-entreprises. Actuellement expérimenté dans une trentaine d’entreprises, 100.000 en bénéficieront fin 2014 et 2 millions fin 2015.
La simplification s’appliquera par ailleurs à toutes les étapes de la vie de l’entreprise, de la création à la transmission en passant par le développement. Parmi les nouveautés, un "pass entrepreneur numérique" permettra aux entrepreneurs de déposer leur projet en ligne et d’indiquer leurs besoins d’accompagnement. D’autres mesures comme la simplification des formulaires de demandes d’aide sont déjà effectives.
Une ordonnance sera publiée en janvier 2014 pour favoriser le développement du financement participatif en créant un statut de "conseiller en financement participatif". Concernant la transmission et les reprises, un site www.transmettre-mon-entreprise.gouv.fr a été mis en ligne. Un projet d’ordonnance (dont la consultation s'achève ce 10 janvier) vise par ailleurs à réformer les procédures collectives pour les entreprises en difficulté afin de faciliter le recours aux procédures amiables et intervenir le plus tôt possible. François Hollande a rappelé que 60.000 entreprises faisaient faillite chaque année.

Environnement

Dans le domaine de l'environnement, plusieurs mesures de simplification d'autorisations feront l'objet d'ordonnances publiées d'ici le printemps prochain. Le champ de ces ordonnances est détaillé dans quatre articles de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises.
L'article 13 de la loi autorise d'abord le préfet de département à expérimenter le dispositif de "certificat de projet". Lorsqu'un porteur de projet demandera des autorisations régies par le Code de l'environnement, le Code forestier ou le Code de l'urbanisme, il pourra demander ce document dans lequel l'Etat s'engagera sur la procédure d'instruction. Il s'agit de détailler toutes les phases de l'instruction, de s'engager sur un délai, de garantir que la procédure ne changera pas malgré une éventuelle évolution législative et réglementaire et de rendre ce document opposable devant l'administration et les tiers. Dans le détail, les services administratifs listeront les décisions et procédures nécessaires, décriront les procédures applicables et les conditions de recevabilité et de régularité du dossier. Le certificat contiendra également "un engagement de l'Etat sur le délai d'instruction des autorisations sollicitées relevant de sa compétence ainsi que la mention des effets d'un dépassement éventuel de ce délai". Il portera également sur la procédure d'examen au "cas par cas", qui consiste pour l'autorité environnementale (le préfet ou l'Autorité environnementale nationale selon le cas) à décider si certains projets doivent faire l'objet d'une étude d'impact en fonction de leurs incidences sur l'environnement ou la santé humaine. Le certificat de projet pourra également mentionner "les éléments de nature juridique ou technique d'ores et déjà détectés susceptibles de faire obstacle au projet". Et l'ordonnance pourra "déterminer les conditions dans lesquelles le certificat de projet peut comporter une garantie du maintien en vigueur, pendant une durée déterminée, des dispositions législatives et réglementaires déterminant les conditions de délivrance des autorisations sollicitées". Une nouvelle réglementation ou une nouvelle législation adoptée en cours d'instruction ne pourrait donc pas venir perturber le processus d'autorisation. Le document pourra avoir valeur de certificat d'urbanisme. Enfin, l'ordonnance devra "déterminer les conditions de publication du certificat de projet et celles dans lesquelles il peut créer des droits pour le pétitionnaire et être opposable à l'administration et aux tiers". Elle devra aussi "préciser les conditions dans lesquelles le certificat de projet peut faire l'objet d'un recours juridictionnel". Les lieux d'expérimentation des certificats de projet seront les préfectures d'Aquitaine, de Bretagne, de Franche-Comté et de Champagne-Ardenne.
La loi prévoit aussi un permis unique pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Cela consiste à délivrer aux porteurs de projets relatifs à  ces installations (art. 14) une "décision unique" sur leur demande d'autorisations, notamment celles de destruction de la biodiversité et celles liées au Code de l'urbanisme. Cette expérimentation concernera les parcs éoliens (soumis à autorisation depuis la loi Grenelle 2), les installations de méthanisation et celles de production d'électricité ou de biométhane à partir de biogaz, voire à d'autres types d'installations classées qui ne sont pas encore définis. L'ordonnance devra pour cela déterminer "les modalités d'harmonisation des conditions de délivrance de cette décision unique et des autres autorisations ou dérogations nécessaires au titre d'autres législations", "préciser les conditions dans lesquelles le juge administratif peut être saisi d'un recours à l'encontre des autorisations uniques (…) ainsi que ses pouvoirs lorsqu'il est saisi d'un tel recours" et préciser les sanctions administratives et pénales applicables. Selon l'Elysée, l'autorisation unique devrait être délivrée en 12 mois contre parfois plusieurs années aujourd'hui (jusqu'à 7 ans pour les éoliennes). Le porteur de projet, qui n'aura plus qu'une étude à réaliser au lieu de plusieurs au titre des différentes réglementations, devrait aussi réaliser une économie allant de 40.000 à 200.000 euros pour les projets les plus lourds, estime l'Elysée. Les lieux d'expérimentation prévus pour l'autorisation unique d'éoliennes et d'installations de méthanisation sont les préfectures de Champagne-Ardenne, de Franche-Comté, de Basse-Normandie, du Nord-Pas-de-Calais, de Midi-Pyrénées, de Bretagne et de Picardie et pour les autres ICPE soumises à autorisation celles de Champagne-Ardenne et de Franche-Comté. Sur le même modèle, le permis unique pourra également s'appliquer aux permis dits "loi sur l'eau" (article 15) qui portent sur les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles d'avoir des impacts néfastes sur la ressource en eau et le milieu aquatique. Le dispositif sera expérimenté par les préfectures de Rhône-Alpes et de Languedoc-Roussillon.
L'article 16 de la loi crée aussi des "zones d'intérêt économique et écologique" définies comme des "zones présentant un intérêt majeur pour l'implantation d'activités économiques identifiées, dans lesquelles les enjeux environnementaux font l'objet d'un traitement anticipé". Le régime applicable peut prévoir la réalisation par l'aménageur d'un diagnostic environnemental initial de la zone comportant, notamment, un inventaire détaillé des espèces et habitats protégés connus ou susceptibles d'être présents sur le périmètre de la zone et les conditions dans lesquelles un plan d'aménagement de la zone est soumis à l'évaluation environnementale, à l'enquête publique et à l'approbation du représentant de l'État dans la région. "Ce plan d'aménagement comprend, notamment, la localisation et les caractéristiques des projets prévus, la réglementation applicable à ces projets et les études environnementales nécessaires à la délivrance des autorisations individuelles ultérieures ainsi que les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des atteintes à l'environnement". Le régime applicable peut aussi prévoir d'autres conditions : celles dans lesquelles peuvent être accordées aux projets les dérogations aux interdictions relatives aux espèces protégées, celles dans lesquelles les données acquises et les études environnementales conduites par l'aménageur sont mises à disposition de l'administration et des maîtres d'ouvrage des projets s'inscrivant dans le cadre de la zone et celles dans lesquelles l'administration peut en exiger l'actualisation.
De la même manière que pour le certificat de projet, l'Etat pourra garantir le maintien en vigueur des dispositions législatives et réglementaires nécessaires à la réalisation de projets d'installation dans cette zone, et ainsi éviter l'introduction de nouvelles règles en cours de route. L'ordonnance devra également préciser les conditions d'un recours juridictionnel et les sanctions administratives et pénales applicables. La procédure sera expérimentée par les préfectures de Provence-Alpes-Côte d'Azur et de Bretagne.

Un conseil de simplification

Dans ses bagages pour Toulouse, François Hollande était accompagné du député PS Thierry Mandon, auteur d'un rapport au début de l'été sur la simplification de l’environnement réglementaire et fiscal des entreprises, et de Guillaume Poitrinal, ex-PDG d'Unibail, groupe spécialisé dans l'immobilier commercial. Tous deux ont été désignés pour concevoir puis piloter un "conseil de la simplification". Ce conseil serait en outre composé de 10 personnes, des "personnalités indépendantes" : "chefs d'entreprise, élus et experts, représentants de l'administration", se contente de lister le dossier de presse. Selon nos informations, il y aurait au moins trois élus : Alain Lambert, président du conseil général de l'Orne (et président de la Commission consultative d'évaluation des normes, CCEN), Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes, et un maire. Le préfet Jean-Pierre Duport serait également de la partie, ex-délégué de la Datar, ex-préfet de Paris, ex-président de RFF…
Prévu pour durer trois ans, le conseil de simplification sera chargé de proposer plusieurs centaines d'ordonnances avec une vision "pluriministérielle". Il s'appuiera sur 10 ateliers composés chacun d'une douzaine de personnes également désignées. Parmi ces ateliers, repérons les thèmes "Créer une entreprise", "importer et exporter", mais aussi "employer et former", "construire et aménager", "échanger avec l'administration", "répondre aux marchés publics"… Il s'agira surtout de "simplifier la vie des entreprises", même si Thierry Mandon et Guillaume Poitrinal n'excluent pas la possibilité de formuler une ou deux propositions concernant le logement...

 

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