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Plan Juncker : haut de bilan

Le président de la Commission Européenne tiendra son discours sur l’état de l’Union, le 12 septembre, devant le Parlement européen. Un discours en forme de bilan, à l’actif duquel Jean-Claude Juncker pourra mettre son fameux plan avant les élections de mai 2019 et le renouvellement de la Commission.

Il y a tout juste un an était inaugurée à Saint-Georges-de-Mons en Auvergne-Rhône-Alpes, l’usine EcoTitanium spécialisée dans le recyclage de titane. La première du genre en Europe. Un projet aussi innovant qu’ambitieux d’un investissement global de 50 millions d’euros qui a pu être monté grâce au fameux "plan Juncker", le plan d’investissement pour l’Europe, avec le concours du programme d’investissement d’avenir français.
À l’heure où il est de plus en plus question de guerre des métaux et terres rares, l’usine permettra, à plein régime, de recycler plusieurs milliers de tonnes de ce matériau très précieux dans l’aéronautique, sous forme de lingots formés à partir des chutes collectées auprès des industriels. Elle assurera ainsi à l’Europe une voie d’approvisionnement indépendante alors qu’aujourd’hui l’essentiel des chutes partent aux États-Unis pour être recyclées avant d’être réimportées. Si aujourd’hui l’essentiel du minerais de titane est extrait au Kazakhstan, le recyclage offre des gisements très importants pour un impact environnemental bien moindre. Un succès à mettre au crédit de ce plan lancé en 2015 pour mobiliser des liquidités importantes en Europe vers des projets innovants et risqués et relancer ainsi l'investissement... À partir des prêts de la Banque européenne d’investissement et de la garantie européenne, "on a pu compléter le tour de table, sans cela, le projet ne se faisait pas", assure Guillaume Roty, porte-parole de la Commission européenne en France.

335 milliards d'euros d'investissements depuis le lancement

Accueilli avec scepticisme il y a quelques années, le plan Juncker répond bien à ses objectifs : il a d’ores et déjà mobilisé 335 milliards d’euros depuis 2015, soit davantage que le montant initial de 315 milliards prévu pour l’été 2018. Et il a été prolongé jusqu’à fin 2020 pour atteindre un total de 500 milliards d’investissements. Son principe (attirer des investisseurs privés dans des failles de marché grâce à la garantie européenne) devrait même être pérennisé à travers le nouveau fonds InvestEU qui figure dans le projet de cadre financier pluriannuel 2021-2027 proposé par la Commission en mai dernier.
Le plan Juncker repose sur deux volets : le financement des infrastructures (par le biais de la BEI) et le financement des PME (à travers le fonds européen d’investissement, une succursale de la BEI). Il a bénéficié à 900 projets, dont 31% de PME, 21% dans l'énergie et autant dans la recherche-développement et l’innovation, 11% dans le numérique, 8% dans les transports, 4% dans l’environnement et 4% dans les infrastructures sociales (logements sociaux, hôpitaux, écoles…).

La France reste le premier bénéficiaire

Contrairement aux fonds structurels, le plan Juncker ne fait l’objet d’aucune enveloppe nationale. Avec 10,5 milliards d’euros ayant engendré 50,2 milliards d’euros d’investissements par effet de levier (soit plus d’ 1/7e du total), la France reste le premier bénéficiaire du plan en valeur absolue, au coude-à-coude avec l’Italie. Mais ramené au PIB, les États qui en ont le plus profité sont la Finlande, la Pologne, la Lituanie, la Grèce ou l’Espagne. "L’un des objectifs était de soutenir les pays en difficulté, rappelle Estelle Göger, chargée du suivi du plan à la Commission. Ça a marché, même si ça a pris un peu de temps." Un total de 10 milliards d’euros a ainsi été mobilisé en Grèce… au moment où elle devait vendre à l’encan une partie de ses infrastructures pour se plier aux exigences du FMI, de la BCE et de la Commission.
En France, 106 projets d’infrastructures ont été approuvés pour un financement de 8,4 milliards appelant un investissement de 38,2 milliards d’euros. Concernant les PME, 38 conventions signées avec des banques intermédiaires, financées par le fonds européen d’investissement (FEI) pour un montant de 2 milliards d’euros. Quelque 155.500 PME françaises devraient ainsi avoir une meilleur accès au financement (montant total prévu : 11,9 milliards d’euros).

Un déficit de 150 milliards d'euros dans les investissements sociaux

Sur la base du rapport Prodi remis en début d’année, il a été décidé de mettre davantage l’accent sur les infrastructures sociales. Ce rapport évalue à 150 milliards d’euros par an le déficit d’investissements sociaux pour couvrir les besoins à venir dans ce domaine, sur les 170 milliards investis aujourd’hui. "En matière de logement social, aujourd’hui on intervient beaucoup dans la rénovation énergétique, on ira plus loin", assure Estelle Gröger. La formation devrait elle aussi être ciblée. Alors que le plan actuel ne comprend pas d’enveloppe sectorielle, InvestEU repose lui sur quatre "fenêtres d’investissements" bien définies : les infrastructures durables, la R&D, les PME et les investissements sociaux et compétences. Les trois premières bénéficieront de 11,5 milliards d’euros de garantie chacune et les investissements sociaux de 4 milliards d’euros. La Commission escompte un investissement total de 650 milliards d’euros sur la durée de la prochaine programmation.
Le 12 septembre, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, prononcera devant le Parlement européen son discours sur l’état de l’Union. Mis en difficulté sur la nomination de son directeur de cabinet, le Luxembourgeois aura à cœur de défendre son bilan avant les prochaines élections européennes de mai 2019, suivies du renouvellement de la Commission. Il y a quelques années, lui-même s'amusait à dire que le "plan Juncker" était désigné ainsi par ses détracteurs, certains qu'il ne marcherait pas. Il pourra le mettre à son actif.