Planification écologique : la saison 3 des COP annoncée après les municipales

Au cours d'une table-ronde organisée le 27 novembre à l'Assemblée nationale, le ministre Mathieu Lefèvre a confirmé le lancement, après les municipales, d'une saison 3 des COP, "à l'échelle des communes et des intercommunalités". Si le bloc communal, en première ligne, entend être pleinement associé à la construction de la transition écologique, l'annonce ne semble guère enthousiasmer ses représentants. Eux aspirent surtout à la simplification des dispositifs de planification et plus encore à la stabilité, tant réglementaire que budgétaire.

"Disons les choses clairement : les COP sont très régionales et départementales et la granularité n'est pas encore suffisamment à l'échelle des communes et des intercommunalités. C'est tout le travail qui va être mené dans les prochains mois pour avoir un niveau de granularité plus fin qui permette d'associer beaucoup plus étroitement le bloc communal dès 2026", a déclaré ce 27 novembre Mathieu Lefèvre. Le ministre chargé de la transition écologique s'exprimait au cours d'une table-ronde consacrée à "la gouvernance et l'architecture des dispositifs de planification territoriale", organisée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale. Il confirme ainsi le lancement d'une "saison 3" des COP après les élections municipales, sans attendre de tirer le bilan de la saison 2, laquelle portait pour mémoire sur l'adaptation au changement climatique (lire notre article du 7 novembre 2024). 

"Il est encore trop tôt" pour un tel bilan, justifie Augustin Augier, secrétaire général à la planification écologique (SGPE). Non sans vanter d'ores et déjà "une mobilisation extrêmement forte", avec "des COP régionales qui mobilisent plus en 2025 qu'elles n'ont mobilisé en 2024" et "avec plus de 80 COP départementales, avec à chaque fois des centaines de participants". 

Des COP qui ont permis de se "cogner à la réalité"…

Déjà dressé, le bilan de la saison 1 des COP conduites par le SGPE, qui avait pour objectif de "territorialiser la planification écologique", était, lui, très mitigé, comme l'a observé la Cour des comptes (lire notre article du 16 septembre). Pour Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, ces conférences ont au moins eu le mérite de mettre au jour des planifications jusqu'ici "aspiratoires". En "faisant des maths, le SGPE nous a mis face à la réalité. On s'est rendu compte que ce n'était pas si simple de passer d'un territoire macro qui pouvait être l'Europe ou la France à un territoire régional et intercommunal", note-t-il. 

Un avis partagé par le chercheur Nicolas Portier, qui relève que si "planifier, c'est un peu sortir du brouillard", jusqu'ici la planification étatique ne "descendait pas l'échelle. C'étaient des documents nationaux, ça ne parlait pas". Au mieux, observe Nicolas Garnier, cette planification ne faisait "que reporter la planification à plus tard, sur d'autres niveaux de territoires infras", en "transférant la patate chaude". Et de prendre l'exemple de la réduction des déchets, "où l'État planifie un objectif irréalisable et dont il n'assure par le pilotage", pour in fine "taxer" les collectivités faute pour elles d'avoir pu réaliser l'impossible. "Mais avec la territorialisation de la planification, on se cogne à la réalité, à la diversité des situations", souligne Nicolas Portier. 

… mais loin de convaincre des élus locaux…

En théorie, ces nouvelles COP locales devraient donc ravir les communes, lesquelles entendent être "associées à tous les niveaux" dans la construction de la transition écologique, explique Christian Métairie, maire d'Arcueil (Val-de-Marne), représentant l'Association des maires de France (AMF). En pratique, elles ne semblent pas déclencher l'enthousiasme, en partie douché par les précédentes expériences. Christian Métairie confesse ainsi avoir participé à une "tentative de COP départementale. C'était indigent". "Trois heures de route pour assister à une grande messe, c'est compliqué", observe pour sa part Gilles Noël, maire de Varzy (Nièvre), représentant l'Association des maires ruraux de France (AMRF). "Au niveau des COP, on a choisi d'y venir souvent par politesse, parce qu'on est plutôt sur l'action", plastronne encore Valérie Nouvel, vice-présidente du conseil départemental de la Manche représentant Départements de France. 

… guettés par le burn out

"J'entends qu'il y aura de nouvelles programmations de COP. Faites attention à l'épuisement des élus […]. On leur demande, ainsi qu'à leurs équipes, déjà beaucoup", met pour sa part en garde Yann Wehrling, conseiller régional d'Île-de-France, qui dénonce la "multiplication des exercices" donnant lieu à "des réunions chronophages". Non sans souligner au passage que les élus régionaux sont investis de longue date sur le sujet, parfois "même bien avant les accords de Paris d'ailleurs". "Tout n'a pas commencé avec le SGPE", grince-t-il, en rappelant que "théoriquement, les régions sont légalement, du point de vue du législateur, chefs de file de la transition écologique, sont planificatrices. Mais ce n'est pas une réalité". Et d'en conclure que la planification SGPE "doit être un apport, pas quelque chose qui doit remplacer" ce qui a déjà été mis en place par les collectivités. 

D'autant plus, estime Maryse Combres, présidente de la Fédération des agences locales de l'énergie et du climat (Flame), que "la planification qui marche le mieux, ce sont les démarches volontaires, comme le programme Territoires engagés pour la transition écologique […] . Quand un élu s'engage, ça fait toute la différence". 

Appel à la simplification…

Au-delà, Yann Wehrling plaide pour une "simplification", "un alignement, et pas un empilement, des planifications". "Il y en a quand même beaucoup trop", appuie Maryse Combres. "On a beaucoup de boîtes à outils et on ne sait plus laquelle prendre", concède encore la sénatrice Pascale Gruny. "On s'y perd littéralement. […] L'empilement crée une cacophonie qui est incompréhensible", confirme même le ministre Mathieu Lefèvre, en ligne avec Augustin Augier, qui, comme au récent congrès de l'association des maires de France (lire notre article), a lui aussi dénoncé "un empilement de documents dont on pense que certains peuvent être approchés". 

Et sans doute condensés. Car "ces documents manquent profondément de lignes directrices. Ça foisonne dans tous les sens, mais on ne se donne pas des lignes de force", déplore Norbert Samama, maire du Pouliguen (Loire-Atlantique), représentant l'Association nationale des élus des littoraux (Anel). 

… à la stabilité…

À ce besoin de simplification, s'ajoute une nécessaire stabilisation réglementaire et législative (et budgétaire !), notamment revendiquée par Marc Denis, représentant France Urbaine. "On passe notre temps à faire des PCAET, des PLH, des PLM, des PLU… […]. Nos ressources humaines sont sous tension parce qu'elles passent leur temps à faire et à défaire", tonne-t-il. "À chaque fois qu'on change les objectifs, tout le monde doit courir derrière pour réaligner les stratégies", confirme Nicolas Garnier. 

"Une fois qu'on a élaboré un PCAET, il faut moins de régularité dans la révision", lui fait écho Maryse Combres, laquelle invite plutôt "à accompagner les communes pour qu'elles puissent se l'approprier et, surtout, pour passer à l'action […]. Il faut arrêter de faire de la planification pour faire de la planification, parce qu'on finit par user les élus", avertit-elle à son tour. Et d'ajouter que "la planification donnera envie si on voit qu'elle se concrétise. Il faut qu'elle se traduise en projets concrets". 

… et à l'action, locale et recentrée

"Ça fait un petit moment qu'on pense global. Maintenant, il va falloir agir local", enjoint de même Hugo Cavagnac, président de la communauté de communes du Frontonnais (Haute-Garonne), représentant Intercommunalités de France. Et d'arguer que "la transition républicaine ne s'est pas faite au Collège de France, mais dans les écoles communales". "Pour agir, il faut une délibération et un plan de financement, voté dans le cadre d'un budget", rappelle-t-il. Alors que la dette publique explose, "il va falloir renoncer", prévient-il encore. 

"On doit prioriser beaucoup plus qu'avant nos dépenses publiques. Et dans ce cadre-là, on a besoin d'outils qui nous disent : là ce n'est pas très efficace, arrêtez. Là c'est plus efficace qu'ailleurs, continuez", juge de même Yann Wehrling. "Il faut un observatoire de la performance des aides publiques", plaide à son tour Nicolas Garnier. "L'analyse des euros efficaces, ce sont des analyses que nous avons faites avec le Trésor", révèle Augustin Augier, en reconnaissant "qu'on doit davantage les partager". Il faut "se recentrer sur l'essentiel", appuie encore Norbert Samama. Et d'observer : "Quand je vois un texte qui sort au titre de la prévention routière, qui va nous obliger à supprimer les places de stationnement à [moins de] 5 mètres d'un passage piéton [lire notre article du 25 mai 2020], soit un budget de 250.000 euros pour ma commune, on peut quand même se demander" si cette somme n'aurait pas été plus utile ailleurs.

Avec le bon échelon…

Local, certes, mais reste à savoir quel est le bon échelon. Ce qui n'est pas aisé, comme en témoigne l'exemple de la détermination des zones d'accélération des énergies renouvelables (EnR). "Le Parlement a préféré donner cet exercice à des villages qui n'ont pas du tout d'ingénierie, alors que les intercommunalités sont chargées des plans climat territoriaux", déplore Nicolas Portier. Et s'il relève que "les préfets ont demandé aux intercommunalités d'aider les communes, on a perdu beaucoup de temps". Un "aller-retour" qui lui semble pour autant "positif, en responsabilisant l'échelon le plus local, celui qui prend les claques". "Que les zones d'accélération aient été confiées au périmètre communal, moi j'en suis très content", se félicite Gilles Noël, en relevant que "ce n'est pas dans la cour de Matignon que la méthanisation va se mettre en place, ou même une simple éolienne". 

… et le bon rythme…

"La sensibilité à la transition écologique de notre population n'est pas aussi positive qu'on le croit", alerte Norbert Samama. "Il y a un backlash [retour en arrière, de rejet] qu'on ne peut pas ignorer", met également en exergue Hugo Cavagnac. "Il va falloir mobiliser. Ce n'est pas simple, ne nous berçons pas d'illusions", prévient ce dernier, non sans mettre au passage en garde le législateur contre un "volontarisme trop rapide et trop ambitieux qui finalement s'essouffle". Quand il n'est tout simplement pas contre-productif : "On veut monter quatre marches, et parce que ce n'est pas applicable on en redescend 5", estime-t-il en prenant l'exemple du ZAN : "Combien de nos collègues nous disent – Attention, ne bouge pas, ça va changer, la loi va changer. Il est urgent de ne rien faire". Besoin de stabilité, toujours.

Pour Hugo Cavagnac, cette sensibilisation passe nécessairement par les élus. "Si on ne les convainc pas, s'ils ne mettent pas en place la formation de leurs agents, on aura du mal à embarquer les citoyens", pronostique-t-il. "On a besoin d'être formés, d'être acculturés pour co-animer [la transition] sur les territoires, avec la population. On a besoin de démocratie et de cohésion sociale", confirme Gilles Noël.

… et en "coresponsabilité

Ce dernier insiste également sur la nécessaire "coopération territoriale". Elle est "indispensable", confirme Hugo Cavagnac, tout en invitant à la "clarification et au respect des compétences". À cette notion de coopération, Nicolas Garnier semble toutefois préférer celle de "co-responsabilité", singulièrement entre l'État et les collectivités. Une co-responsabilité qui appelle nécessairement une "co-ambition et des co-moyens" qu'"un seul outil permet d'acter : le contrat", explique-t-il. Lequel permet un réel "partage du fardeau", dixit Nicolas Portier, définissant "les apports contributifs de chacun, bien répartis". Et prévisibles. "Un contrat intégrateur" incluant toutes les strates, promeut Hugo Cavagnac, ce qui évitera "de répéter la messe à chaque fois, avec moins de comitologie, ce qui usera moins les élus", veut-il croire. 

"Il faut que nous travaillions à une meilleure contractualisation", admet le ministre, en relevant singulièrement que "rien n'est pire, me semble-t-il, pour une collectivité que de n'avoir de la visibilité qu'à un an, au mieux". Pire, il y a pourtant, "quand on nous promet 100 et qu'au bout d'un ou deux ans, c'est devenu 20", dénonce Marc Denis.

 

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