PLF et PLFSS : de part et d'autre, les ajustements se poursuivent

Le chassé-croisé entre le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) se poursuit. Le premier est toujours en cours d'examen au Sénat pour sa partie "dépenses" (le volet "recettes" ayant été adopté le 4 décembre – voir notre article). Le vote sur cette seconde partie est prévu lundi prochain, le 15 décembre. Entre temps, on notera que les crédits de la mission RCT (Relations avec les collectivités territoriales, qui inclut notamment les dispositions sur le Dilico ou le Fonds d'intervention pour les territoires) doivent être discutés ce mercredi. S'agissant du PLFSS, c'est à l'Assemblée que les choses se passent. Là aussi, la partie recettes a été adoptée (le 5 décembre – voir notre article) et les députés se sont dans la foulée attelés à la partie dépenses, pour un vote d'ensemble à haut risque attendu ce mardi 9 décembre. Focus sur quelques-uns des amendements adoptés de part et d'autre par les parlementaires.

Le PLF au Sénat

Fonction publique - Le Sénat a voté samedi, en dépit de l'opposition du gouvernement, pour le non-remplacement d'un fonctionnaire d'Etat sur deux partant à la retraite, une mesure épargnant cependant les ministères des Armées, de l'Education nationale, de l'Intérieur et de la Justice. Les sénateurs ont aussi approuvé l'augmentation, d'un à trois jours, du délai de carence appliqué aux arrêts maladie dans la fonction publique d'Etat, là encore contre l'avis du gouvernement.

Handicap - Le Sénat a voté samedi pour le maintien de la prise en compte de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) comme revenu professionnel dans le calcul de la prime d'activité. L'article 79, qui prévoyait de mettre fin à un mode de calcul dérogatoire pour les adultes en situation de handicap, était "tout à fait incohérent avec ce qu'on veut pour les travailleurs handicapés, c'est-à-dire les insérer le plus possible par le travail", a argumenté Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la commission des Finances. Le ministre du Travail Jean-Pierre Farandou a défendu dans l'hémicycle la position du gouvernement en estimant que cette "dérogation" de l'AAH pouvait être "contre-productive en matière de revenus". "On sait bien qu'à partir d'un certain moment, le mécanisme de prime d'activité en fait joue défavorablement", a-t-il ajouté.

Education - Le Sénat a approuvé vendredi soir la suppression de 4.000 postes d'enseignants en 2026, la droite renonçant à en proposer le doublement, initialement envisagé par les sénateurs. "La coupe ministérielle est logique et mesurée" pour "tenir compte de l'évolution de la démographie", a expliqué Olivier Paccaud, rapporteur du budget de l'Education nationale. Le Sénat a donc donné son aval à une baisse des effectifs d'enseignants, en s'opposant à tous les amendements de la gauche qui proposaient la suppression - partielle ou totale - de cette mesure. Le budget de l'Education nationale prévoit une suppression de 2.373 ETP d'enseignants du premier degré et de 1.645 ETP dans le second degré, soit 4.018 ETP au total. La droite sénatoriale avait même proposé ces derniers jours en commission des finances de doubler les postes supprimés, pour les faire passer à 8.000 en 2026. Mais cette proposition a divisé jusque dans ses rangs.

Logement social - Les sénateurs ont adopté vendredi un amendement qui diminue de 400 millions d'euros la "réduction de loyer de solidarité" (RLS) imposée aux bailleurs sociaux depuis 2018 afin de compenser la baisse des aides personnalisées au logement (APL) aux ménages les plus modestes. Cet amendement porte à 900 millions la RLS, contre 1,3 milliard d'euros prévu initialement. Le gouvernement avait lui déposé un amendement pour réduire la ponction de 200 millions d'euros. Les sénateurs estiment que cette mesure va permettre de redonner du souffle aux bailleurs, après l'adoption d'une augmentation de 200 millions d'euros de leur contribution au Fonds national des aides à la pierre (Fnap). "La hausse de la réduction de loyer de solidarité (...) réduirait significativement les capacités d'investissement des bailleurs sociaux et ainsi la production de logements alors même que nous connaissons une pénurie de logements sans précédent", a rappelé la sénatrice centriste Amel Gacquerre. "C'est une bonne nouvelle car cela remet le poids sur les bailleurs sociaux au même niveau que l'an dernier mais cela ne crée pas de moyens supplémentaires pour produire des logements sociaux", a réagi auprès de l'AFP Emmanuelle Cosse, la présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH). Le Sénat a également approuvé une mesure polémique : le gel des revalorisations du barème des aides au logement (APL), ainsi que leur suppression pour les étudiants extracommunautaires non boursiers, censée rapporter une centaine de millions d'euros en 2026. La droite a également proposé de minorer les crédits de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) en vue de sa "mise en extinction", mais elle s'est heurtée à un refus de ses alliés centristes, qui ont voté contre aux côtés de la gauche.

Le PLFSS à l'Assemblée

Accès aux soins - Les députés ont rétabli vendredi la création d'un "réseau France Santé", mesure proposée par Sébastien Lecornu que le Sénat avait supprimée en dénonçant une coquille vide (voir notre article). Cet outil "n'est pas révolutionnaire" mais est "très pragmatique", a fait valoir Stéphanie Rist, la ministre de la Santé, ajoutant que le forfait de 50.000 euros prévu pour les structures labellisées pourrait par exemple permettre l'embauche "d'une infirmière de pratique avancée" pour "libérer du temps" aux médecins. Le dispositif a aussi toutefois rencontré le scepticisme de nombreux députés. "Madame la ministre, ce n'est pas un changement de logo qui va résoudre le problème des déserts médicaux en France", a lancé la députée du groupe écologiste Delphine Batho. "Recréer un dispositif juste pour dire on s'est occupé de la santé, je trouve ça quand même dommage", a aussi critiqué la députée LR Justine Gruet. L'amendement du gouvernement rétablissant la mesure a été adopté par 107 voix pour et 80 contre. Le gouvernement prévoit environ 150 millions d'euros pour le dispositif, Sébastien Lecornu ayant fixé l'objectif de 2.000 maisons France Santé "d'ici l'été 2026" et 5.000 "d'ici 2027".

Famille - L'Assemblée a rétabli dans la nuit de vendredi à samedi la création d'un congé de naissance à partir du 1er janvier 2026, revenant sur la version du Sénat qui prévoyait une entrée en vigueur en 2027. Ce congé supplémentaire de naissance s'ajouterait aux congés maternité et paternité existants et aurait une durée d'un ou deux mois, au choix du salarié, et pourra être fractionné en deux périodes d'un mois. Sans y parvenir, le camp gouvernemental a tenté de repousser son application à avril 2027, invoquant des contraintes techniques.

Arrêts de travail - L'Assemblée nationale a voté vendredi pour rétablir la limitation de la durée des arrêts de travail, en fixant une durée maximum d'un mois pour une première prescription et de deux mois pour un renouvellement. Les médecins pourront toutefois déroger au plafond prévu "au regard de la situation du patient" et en le justifiant sur leur prescription. Les sénateurs avaient supprimé lors de l'examen en première lecture la disposition, estimant que plafonner la durée des arrêts de travail mobiliserait des heures de consultation supplémentaires, dans un contexte d'accès aux soins déjà fragile. Le gouvernement dans son projet avait initialement souhaité pouvoir fixer cette limite par décret, à 15 jours pour un premier arrêt de travail prescrit par un médecin de ville et 30 jours à l'hôpital.

Retraites et minima sociaux - L'Assemblée a de nouveau largement rejeté vendredi le gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, l'une des mesures les plus explosives du PLFSS, à laquelle elle s'était déjà opposée en première lecture. Les députés ont supprimé la mesure par 197 voix contre 84. Dans son texte initial, le gouvernement prévoyait le gel de toutes les pensions de retraite et des prestations sociales (allocations familiales, RSA...), habituellement indexées sur l'inflation. Les députés avaient très largement rejeté ce gel en novembre. Le Sénat, en quête d'économies, avait ensuite rétabli un gel des pensions de retraite, sauf pour celles inférieures à 1.400 euros par mois, ainsi que le gel de la plupart des prestations sociales. Le gouvernement a tenté de convaincre les députés d'adopter une version plus ciblée du gel, par exemple en protégeant les retraites sous un certain seuil, y compris plus élevé que celui décidé au Sénat. En vain.

Vaccination - L'Assemblée a finalement adopté vendredi la vaccination obligatoire des résidents d'Ehpad et des soignants exerçant à titre libéral, qu'elle avait rejetée en première lecture. Les députés ont approuvé un article en ce sens du projet de loi, par 120 voix contre 54. Seul le RN a voté contre. La France insoumise qui avait voté majoritairement contre il y a un mois s'est cette fois-ci abstenue. Le texte tel que proposé par le gouvernement dispose que "sous réserve d'une recommandation" de la Haute Autorité de santé (HAS), la vaccination contre la grippe soit obligatoire pour les personnes résidant en Ehpad "pendant la période épidémique". La même obligation, conditionnée à une recommandation de la HAS, est prévue pour "les professionnels de santé exerçant, à titre libéral, une profession listée dans un décret en Conseil d'État". Ce décret devrait préciser les "conditions d'exercice" des soignants et "l'exposition à des risques de contamination", notamment pour les personnes dont ils sont chargés. Les sénateurs avaient approuvé la mesure le 23 novembre, mais en supprimant toutefois l'obligation vaccinale pour les résidents des Ehpad. Les députés ont donc rétabli cette obligation.

Outre-mer - En quête d'une majorité à l'Assemblée pour voter le PLFSS, Sébastien Lecornu a annoncé ce lundi que le gouvernement avait déposé un amendement en faveur des outre-mer, pour abonder de 100 millions d'euros le Fonds d'intervention régional (FIR) dédié à la santé. Ces mesures, "qui répondent aux préoccupations exprimées par les élus ultramarins et aux besoins concrets des territoires, ne pourront être mises en oeuvre qu'avec l'adoption du projet de loi de financement pour la Sécurité sociale", souligne le Premier ministre dans un communiqué. Les 100 millions d'euros supplémentaires seront "dédiés au financement d'actions médicales" en outre-mer, pour "répondre" aux "inégalités de santé", ce qui représente "une augmentation de 40% du soutien aux territoires ultramarins", fait-il valoir.

 

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