PLFSS 2026 : après un examen inachevé à l'Assemblée, le budget de la sécurité sociale est transmis au Sénat

Une partie recettes profondément remaniée, la suspension de la réforme des retraites de 2023, le dégel des pensions et des minima sociaux, mais aussi la création du réseau France Santé ou encore le rehaussement de la compensation des départements au titre des allocations APA et PCH… S'il n'est pas allé jusqu'au vote, l'examen par les députés du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 a donné lieu à d'importants changements par rapport au texte initial. Place maintenant aux sénateurs, qui devraient démarrer le 18 novembre l'examen du PLFSS en séance publique. 

L'Assemblée nationale n'est pas parvenue au terme de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, ce 12 novembre 2025 à minuit. En application de l'article 47.1 de la Constitution, le gouvernement a fait le choix de ne pas prolonger les débats au-delà du délai de 20 jours prévu et de transmettre le texte au Sénat. "Prolonger nos débats (...) ne pourrait se faire qu'au détriment de la navette parlementaire et des conditions d'examen par le Sénat", a justifié le ministre des Relations avec le Parlement, Laurent Panifous, alors que près de 200 amendements restaient à examiner par les députés. Le groupe LFI a dénoncé un "49.3 déguisé", le RN y a vu "une étape vers l'adoption du budget de la sécurité sociale par ordonnance". "L'avancée des travaux ne dépend que de vous", leur a répondu la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. 

La version du PLFSS transmise au Sénat comprend l'ensemble des modifications (suppressions d'articles et amendements) adoptées par l'Assemblée. Alors que les députés se sont aussitôt replongés, ce 13 novembre, dans le projet de loi de finances (PLF), les sénateurs ont débuté le 12 novembre l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Ils devraient démarrer l'examen du PLFSS en séance publique le 18 novembre, après un rapide passage en commission des affaires sociales.

Tour d'horizon des apports de l'Assemblée nationale, sur lesquels le Sénat va devoir se prononcer. 

Recettes

C'est dans une version largement remaniée que le volet recettes du PLFSS pour 2026 avait été adopté le samedi 8 novembre au soir, à une courte majorité (176 pour, 161 contre) – une adoption qui conditionnait la poursuite des débats sur le volet dépenses. 

Les députés ont supprimé nombre de recettes qui figuraient dans le texte initial, dont la surtaxe sur les mutuelles, le gel du barème de la CSG sur certains revenus de remplacement, la cotisation patronale sur les tickets-restaurants et la fin d'une exonération sur les salaires des apprentis. Ils ont en revanche voté en faveur d'une hausse de la CSG sur les revenus de produits de placement, pour un gain estimé à 2,8 milliards d'euros. Supprimée quelques jours plus tôt par l'adoption dans la confusion d'un amendement EPR, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) a été rétablie in extremis avant le vote du volet recettes ; sa suppression aurait entraîné une perte de 5,4 milliards d'euros pour la branche vieillesse.

Alors que la copie initiale du gouvernement visait un déficit à 17,5 milliards d'euros (voir notre article), le seul examen des recettes par les députés l'a fait grimper à 20,6 milliards d'euros, s'est inquiété le rapporteur général du budget Thibault Bazin (DR). 

À noter qu'un amendement adopté dans la partie "équilibre financier" prévoit de "rediriger les emprunts de l'Acoss [Agence centrale des organismes de sécurité sociale] vers la Caisse des dépôts et consignations", cela "au regard du transfert de dette de la Cades vers l'Acoss" et alors que l'Acoss n'aurait plus recours aux prêts de la Caisse des Dépôts depuis 2021. 

Compensation des départements à hauteur de 50% des dépenses APA et PCH 

Proposé par Départements de France et porté par plusieurs parlementaires (voir notre article), un amendement visant à "ce que l’État assume à parité avec les départements la charge croissante de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) et de la PCH (prestation de compensation du handicap) afin de garantir la cohérence et la pérennité du financement de la perte d’autonomie et du handicap" a été adopté. 

L'accent est mis sur l'accroissement inexorable de ces dépenses provenant de facteurs dont les départements "n'ont pas la maîtrise" (vieillissement de la population, extension des droits concernant le handicap), sur le fait que ces dépenses relèvent de la solidarité nationale et sur "la situation budgétaire fortement dégradée des départements". Concrètement, une couverture à 50/50 État-départements des allocations APA et PCH passerait par la réaffectation aux départements d'une partie du supplément de CSG dévolu à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) depuis la loi de 2020. Cela en deux temps : "0,04 point en 2026 et 0,04 en 2027 (soit environ 650 millions d’euros à chaque fois, donc 1,3 milliard en deux fois)". 

Ce premier pas "demande maintenant à être confirmé", a réagi François Sauvadet, président de Départements de France, ce 13 novembre lors du congrès de l'association (voir notre article de ce jour). 

Retraites 

Objet de l'accord entre le Premier ministre, Sébastien Lecornu, et les socialistes pour éviter une censure du gouvernement Lecornu II et donner une chance aux textes budgétaires, la suspension de la réforme des retraites de 2023 a été adoptée le 12 novembre 2025 par les députés (255 pour dont les groupes Socialistes et RN, 146 contre dont LFI dénonçant une "arnaque", Horizons et une majorité de DR, 104 abstentions dont une majorité d'EPR). Initialement prévu pour la génération née en 1964 et les retraités de droit commun, cette non-application des changements prévus par la réforme (soit un départ à 62 ans et neuf mois au lieu du relèvement d'abord fixé à 63 ans, avec 170 trimestres cotisés au lieu de 171) a été élargie par amendement gouvernemental aux personnes nées au premier trimestre 1965, aux départs anticipés liés aux carrières longues, aux catégories "actives" et "superactives" de la fonction publique (dont les policiers, les pompiers, les aides-soignantes, les égoutiers…) et aux habitants de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon. 

Évalué à 300 millions d'euros pour 2026 et 1,9 milliard d'euros en 2027, le coût de cette suspension sera notamment lié aux "bonifications de retraite" qui devront être versées à ceux qui feront le choix de partir selon les conditions qui avaient été fixées par la réforme, a expliqué Amélie de Montchalin. Cette dernière avertit : une abrogation de la réforme représenterait un coût de 13 milliards d'euros en 2035, selon la Cour des comptes. Suspendue jusqu'au 1er janvier 2028, la réforme s'appliquerait ensuite si aucune autre loi n'était votée. Plusieurs députés, notamment socialistes, estiment que ce débat doit être tranché dans le cadre de la prochaine élection présidentielle. 

Plusieurs mesures destinées à améliorer les retraites des femmes ayant eu un ou plusieurs enfants ont été par ailleurs adoptées par les députés (art. 45). L'une concerne les fonctionnaires mères qui bénéficieraient d'une bonification d'un trimestre par enfant (né après 2003). 

"Dégel" des pensions de retraite et des minima sociaux 

Alors qu'elle devait représenter 3,6 milliards d'euros d'économies, la mesure de gel en 2026 de l'ensemble des pensions de retraite et des prestations sociales (dont les allocations familiales, le revenu de solidarité active ou les aides personnalisées au logement) a été largement rejetée (308 voix contre 99) par la suppression de l'article, contre l'avis du gouvernement. Celui-ci a plaidé, par la voix de la ministre des Comptes publics, pour une solution médiane qui n'aurait par exemple touché que les foyers les plus aisés. Le Premier ministre s'était toutefois déclaré fin octobre "favorable à regarder l'ensemble des amendements qui viendront dégeler les pensions de retraite de notre pays (et des) minimas sociaux". 

Une rallonge d'un milliard d'euros pour l'Ondam  

L'examen de l'article portant sur l'Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) n'a pas pu aller à son terme, mais les députés ont eu le temps d'adopter un amendement gouvernemental prévoyant un milliard d'euros supplémentaires, soit une évolution de l'Ondam qui passerait de +1,6% à 2%. 850 millions d'euros iraient aux établissements de santé et 150 millions aux soins de ville et au fonds régional d'intervention (FIR) pour financer en particulier le développement des "maisons France Santé" (voir ci-dessous).

Un infléchissement accueilli "très favorablement" par la Fédération hospitalière de France (FHF) qui, dans un communiqué diffusé ce 13 novembre, estime que ces 850 millions d'euros permettront une hausse de 2,9% de l'Ondam établissements de santé (contre +2,1% dans le projet initial), "ramenée à + 2,3% une fois l'augmentation des cotisations CNRACL déduite". Si la FHF salue donc "un signal encourageant", elle "s’inquiète en revanche de l’absence de la branche autonomie dans ce projet de rehaussement budgétaire" et rappelle que le secteur du grand âge "fait face à une pression démographique et financière sans précédent". 

Un réseau France Santé pour améliorer l'accès aux soins 

Les députés ont approuvé la création d'un réseau "France Santé", mesure souhaitée par le Premier ministre pour améliorer l'accès aux soins dans les territoires (voir notre article). Le label "France Santé" sera en particulier attribué sous conditions à des maisons de santé (animées par des médecins libéraux) ou des centres de santé (où des médecins salariés exercent), mais également à des pharmacies dans des territoires isolés "dès lors qu'elles déploieront des dispositifs d'accès aux soins comme les téléconsultations", selon les précisions de la ministre de la Santé, Stéphanie Rist. Chaque "France Santé" se verrait doté d'un forfait d'environ 50.000 euros. 

Ce dispositif aurait un double objectif d'amélioration concrète de l'accessibilité (fournir une offre de soins "en 48 heures et à 30 minutes" de chaque Français) et de visibilité accrue du maillage existant. "À partir du moment où on labellise des choses qui existent déjà, on ne répond pas aux déserts médicaux", a notamment critiqué le député Hadrien Clouet, dont le groupe LFI s'est opposé à la mesure. 

Création d'un congé supplémentaire de naissance

Approuvée de façon consensuelle (288 pour, 15 contre), la création de ce congé supplémentaire de naissance prévoit la possibilité pour chacun des deux parents de s'arrêter jusqu'à deux mois en plus – par rapport aux congés maternité et paternité existants -, simultanément ou en alternance (soit jusqu'à quatre mois de garde parentale en plus). La mesure vise à favoriser l'égalité entre les mères et les pères et la conciliation entre les sphères professionnelle et familiale, "dans un contexte de tension sur l’offre de garde", souligne le gouvernement dans un communiqué de ce jour. 

À noter par ailleurs : la ministre Stéphanie Rist a annoncé mercredi soir une revalorisation de 2% du tarif de financement des crèches par les caisses d'allocations familiales (CAF), applicable de façon rétroactive pour l'année 2025. 

Égalité femmes-hommes dans la fonction publique 

Le gouvernement met l'accent dans son communiqué sur trois autres mesures qui ont été adoptées dans le but de renforcer l'égalité entre les hommes et les femmes dans la fonction publique : un congé pathologique prénatal qui passe de deux à trois semaines, l'ouverture d'une négociation sur les salaires et le déroulement de carrière et "la poursuite des politiques de transparence salariale et de mixité dans les métiers, déjà engagées dans le secteur privé". 

 

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