Sans-abri - Polémique sur l'hébergement d'office : la mesure est déjà prévue

A l'occasion du Conseil des ministres du 26 novembre, Christine Boutin a présenté une communication sur "le développement des places d'hébergement et de logement temporaire pour les personnes sans abri". Destinée à témoigner de la mobilisation du gouvernement sur la question après les trois décès survenus dans le bois de Vincennes à Paris, celle-ci n'apporte en fait aucun élément nouveau, mais revient sur les mesures déjà annoncées ces derniers jours, notamment dans le cadre du plan Hiver 2008-2009. En revanche, à la sortie du Conseil, la ministre du Logement a indiqué son intention de "lancer une étude sur l'hébergement obligatoire sitôt que la température tombe en dessous de moins six degrés" (un chiffre retiré par la suite, après l'annonce par Météo France que la température à Paris ne tombe sous les moins six degrés qu'une demi-journée par an en moyenne depuis dix ans). Christine Boutin a confirmé le lancement de cette étude lors de la séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. De son côté, Luc Chatel, le porte-parole du gouvernement, a rapporté les propos du président de la République lors du Conseil des ministres, rappelant que le gouvernement a "le devoir et la responsabilité" de ne "pas laisser mourir les SDF". Le 18 décembre 2006, Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidentielle, s'était engagé sur la question en indiquant que "d'ici deux ans, plus personne ne [sera] obligé de dormir sur le trottoir et d'y mourir de froid".
Ravivant un débat ancien et récurrent, ces différents propos ont aussitôt suscité une intense polémique avec les associations. Fondateur du Samu social et président du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, Xavier Emmanuelli a évoqué "une grave régression" et le retour du "délit de vagabondage", tandis que le secrétaire général de la fondation Abbé-Pierre dénonçait "une idée bête, une idée qui n'a de réalité que parce que la société a peur d'être accusée de laisser ses pauvres mourir de froid". Une dénonciation relayée notamment par les Enfants de Don Quichotte et l'association Emmaüs, qui rappelait au passage que 265 sans-abri sont morts dans la rue depuis le début de l'année.
Une lecture attentive de l'instruction ministérielle adressée le 17 octobre 2008 aux préfets par Christine Boutin montre pourtant que la possibilité d'un hébergement d'office y figurait déjà noir sur blanc, sans avoir pour autant suscité la moindre contestation (voir notre article ci-contre "Des instructions officielles pour passer outre au refus d'hébergement des personnes à la rue"). La circulaire demande en effet aux équipes de maraude d'"user, dans un premier temps, de toute leur persuasion". Mais, si celle-ci ne fonctionne pas, elle recommande de "prévenir le Samu ou, à Paris, la brigade des sapeurs-pompiers, qui appréciera la nécessité de la faire hospitaliser (avec ou sans son consentement)". La circulaire précise que "cette obligation d'assistance à personne en danger sera appréciée par les acteurs de terrain en liaison avec le médecin régulateur du Samu". A Paris, les sapeurs-pompiers sont des militaires placés sous l'autorité du ministre de l'Intérieur et, en province, on voit mal les régulateurs du Samu (qui ne sont pas sur place) prendre le risque de laisser à la rue en période de grand froid des personnes à l'état de santé souvent très dégradé. L'hébergement d'office en période de grand froid est également mis en œuvre dans plusieurs pays européens, comme l'Allemagne.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

François Fillon : "Pas question" de contraindre

Le Premier ministre a indiqué ce jeudi 27 novembre à Arcachon qu'il n'était "pas question d'obliger" les SDF à rejoindre des hébergements d'urgence en cas de grand froid. Interrogé par la presse en marge d'une visite en Gironde, François Fillon a toutefois ajouté : "J'ai un profond respect pour la liberté de chacun mais en même temps la non-assistance à personne en danger c'est une faute, et c'est une faute qu'un gouvernement ne peut pas accepter." Et d'estimer qu'il faut "par tous les moyens, convaincre ceux qui sont en danger de mort de rejoindre les centres d'hébergement, ce que, jusqu'à aujourd'hui, ils refusent".

 

 

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