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Sport - Pour le handball, la troisième mi-temps est sociale

La Fédération française de handball a fait connaître les résultats d'une enquête portant sur le diagnostic de ses actions en faveur de la cohésion sociale, menée par l'Agence pour l'éducation par le sport. Il en ressort que les clubs français, confrontés à la réalité sociale du pays, se montrent entreprenants et solidaires malgré un manque de formalisme dans leurs pratiques.

C'est une première en France. A l'heure où les politiques de cohésion sociale tentent de trouver la recette miracle, le sport se révèle souvent un ingrédient indispensable… Mais quel est exactement son rôle ? Comment intervient-il sur le terrain ? Jusqu'où doit-il aller ? Toutes ces questions, la Fédération française de handball (FFHB) a été la première à se les poser. "J'ai reçu beaucoup de comptes rendus de clubs professionnels ou amateurs, chez les hommes comme chez les femmes, qui faisaient état d'activités à caractère social, explique Joël Delplanque, président de la FFHB. Ensuite, dans le cadre d'une convention avec le ministère des Sports, nous avons recruté des agents de développement qui agissent dans le domaine de la cohésion sociale. J'ai donc voulu savoir précisément l'impact que cela avait au sein de la fédération, si cela correspondait à une orientation générale."
En mai dernier, la fédération a signé une convention avec l'Agence pour l'éducation par le sport (Apels), qui soutient et valorise la dimension sociale du sport. L'objectif est alors de mettre en place une méthodologie permettant de comprendre les mécanismes qui ont déclenché les initiatives locales à caractère social. Un questionnaire est envoyé à l'ensemble des 2.339 clubs de handball en France (59% de retours), un autre à tous les agents de développement (100% de retours). Puis des entretiens individuels et collectifs avec des acteurs des différents échelons fédéraux sont réalisés. Le résultat de cette enquête a été rendu public lors de l'assemblée générale de la FFHB, tenue le 20 avril à Evian, à travers un document : "Diagnostic national – Cohésion sociale par le handball".

La convivialité, valeur numéro un

Le premier enseignement de ce diagnostic confirme les retours de terrain évoqués par Joël Delplanque : si seulement 39% des clubs ont un projet associatif formalisé, quand celui-ci existe, la dimension éducative (31%) l'emporte sur l'objectif de performance sportive (27%). Par ailleurs, les valeurs de convivialité (70% des répondants) et de respect (58%) sont les plus citées par les dirigeants de club. Pour l'Apels, cela traduit le "souci du maintien d'un bon climat social". Les objectifs définis par les clubs rejoignent ces préoccupations : si pour 84% des répondants, leur but est avant tout de former des jeunes à la pratique du handball, la création de lien social (38%) et la formation d'entraîneurs et de dirigeants (35%) sont également présents. Si l'insertion sociale et professionnelle ne représente un objectif du club que pour 3% des dirigeants, 66% pensent en revanche que la participation de leur club à la lutte contre l'exclusion des personnes éloignées de la pratique sportive est une évidence. Toutefois, 74% des clubs précisent ne pas tenir compte de la situation économique des familles pour fixer le montant de leur cotisation, contre 21% qui en tiennent compte. Autre débat en cours au sein des clubs : la laïcité. Une scission apparaît entre ceux qui conçoivent le club comme un espace coupé des religions (51%) et ceux qui essaient de les prendre en compte dans leurs activités (49%).

Des clubs confrontés à la réalité sociale du pays

Au centre du diagnostic, la question sur les pratiques solidaires et de cohésion sociale sur les territoires a démontré l'étendue des actions des clubs de handball en la matière. Ainsi, 79% des clubs ont des actions visant la cohésion interne (tournois, repas, actions en faveur des familles, des adhérents en recherche d'emploi, etc.), 63% revendiquent des actions complémentaires de l'école (soutien scolaire, accompagnement éducatif), 34% font état d'actions d'animation de la ville ou du quartier, 32% révèlent des actions caritatives et 13% mettent en avant des actions tournés vers les handicapés. Pour Joël Delplanque, "ces actions à caractère social correspondent d'abord à une motivation profonde des clubs, quand bien même certaines personnes prétendent parfois que ce n'est pas notre travail. Le deuxième enseignement est celui de la réalité à laquelle les dirigeants de club sont confrontés et qui les motivent pour ces actions. Nous sommes une discipline tournée vers les jeunes qui pour beaucoup connaissent des difficultés sociales, scolaires. Dans nos clubs, on trouve des personnes en recherche d'emploi. Les clubs sont confrontés à la réalité sociale du pays et cela les a amenés à s'adapter". Le diagnostic révèle cette réalité avec précision : seuls 10% des clubs disent n'avoir aucun licencié de moins de 16 ans en difficulté scolaire et 45% comptent des jeunes déscolarisés ; 43% seulement des clubs n'ont pas d'adhérents habitant des "quartiers ou zones urbaines sensibles", alors que 50% comptent des adhérents en situation d'isolement géographique ou social ; enfin, seuls 12% des clubs ne comptent pas d'adultes en recherche d'emploi dans leurs effectifs, et 27,5% des clubs accueillent des handicapés. Par ailleurs, ces différents publics se rencontrent encore parmi les personnes auxquelles les clubs proposent de jouer au handball sans prendre de licence (à l'occasion d'un entraînement, d'un tournoi de quartier, etc.)

Des collaborations territoriales très informelles

L'ancrage territorial des clubs se fait par l'intermédiaire de relations le plus souvent informelles. Ainsi, 57% des clubs disent avoir des actions communes avec d'autres clubs, dont 18% seulement dans le cadre d'une convention. 28% des clubs collaborent pour leur part à des structures sociales ou d'animation locale, mais en l'absence de convention pour les deux tiers. 32% des clubs entretiennent une collaboration avec d'autres associations de leur territoire, et seulement 3% passent par un conventionnement. Plus présente et un peu plus encadrée est la collaboration avec le milieu scolaire : 63% des clubs ont des partenariats avec des établissements scolaires, 41% sans conventionnement, 22% avec.
"Les clubs de handball affiliés sont très majoritairement des pourvoyeurs de pratiques éducatives, solidaires et de cohésion sociale", conclut l'Apels. L'assemblée générale de la FFHB a confirmé ce diagnostic en approuvant à 93% la poursuite de cette démarche… de manière moins informelle cette fois. "Ce point d'étape est atteint, c'est un choix massif, un encouragement à poursuivre, se félicite Joël Delplanque. La deuxième étape porte sur la définition de la cohésion. Nous avons retenu trois orientations : le vivre-ensemble, l'accès aux responsabilités et la professionnalisation, et l'action en faveur des publics les plus éloignés de la pratique. Une notion complémentaire a été définie : que nos clubs s'érigent en partenaire de la vie sociale et ne soient pas uniquement des opérateurs d'activités sportives." Pour ce faire, une "tête de réseau" à l'échelon national dotée d'une feuille de route a été recrutée et un programme d'actions sera proposé en juin prochain.