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Projet de loi Climat et Résilience : députés et sénateurs se mettent d’accord

Avec l'accord trouvé en commission mixte paritaire (CMP), dans la nuit du 12 au 13 juillet, le projet de loi Climat et Résilience devrait contre toute attente être adopté définitivement cet été.

La commission mixte paritaire (CMP) réunie ce 12 juillet a finalement trouvé un accord relativement inattendu, tard dans la nuit, sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Celui-ci va pouvoir être entériné dès cet été par chacune des deux chambres. A l’Assemblée tout d’abord, le 20 juillet prochain, à l’issue de la séance de questions au gouvernement. Après quoi le Sénat devra à son tour se prononcer d'ici fin juillet sur le compromis trouvé en CMP à une date pas encore fixée. 

Au vu des grandes divergences entre députés et sénateurs, il était de prime abord difficile de miser sur une réconciliation. Le 29 juin, c’est une version largement réécrite que le Sénat avait adoptée, avec une ambition "rehaussée" selon la majorité sénatoriale de droite, le gouvernement déplorant au contraire de nombreux "reculs". La semaine suivante, le 6 juillet, faute d’accord trouvé avec le Sénat, l’exécutif mettait "un terme au processus de révision constitutionnelle" sur le climat, sur laquelle Emmanuel Macron souhaitait un référendum après avoir suivi les recommandations de la Convention citoyenne pour le climat. Malgré tout c’est une fumée blanche qui s’est échappée à l’issue d'une CMP qui s’est contre toute attente avérée conclusive. "Habemus Papam ! Notre commission mixte paritaire sur le projet de loi Climat vient de conclure positivement ses travaux après neuf heures de discussions !", a ainsi ironisé sur twitter la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, Sophie Primas (LR). "C'est une étape importante de franchie", s’est félicité le rapporteur général du texte côté Assemblée, Jean-René Cazeneuve (LREM). 

Sous la pression du Conseil d’Etat

"Il faut saluer cette capacité à dépasser les clivages politiques pour faire avancer l'écologie toujours plus loin", a réagi la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, se réjouissant d’un accord qui "va nous permettre de gagner un temps précieux pour agir face à l’urgence environnementale et faire entrer l’écologie dans la vie des Français". "Chaque semaine, chaque mois, chaque minute pour préparer les très nombreux décrets d’application est une victoire pour le climat", souligne-t-on dans l’entourage de la ministre, en ayant à l’esprit la décision du Conseil d’Etat, rendue ce 1er juillet, donnant neuf mois au gouvernement pour respecter ses engagements climatiques. Aux côtés des autres lois du quinquennat en faveur de la transition écologique et du plan de relance, ce projet de loi tient le rôle de "navire amiral" pour atteindre la trajectoire issue de l’Accord de Paris de -40% d’émissions de gaz à effet de serre (par rapport à 1990) d’ici à 2030. La France sera par ailleurs fixée demain sur la proposition de la Commission européenne concernant l’effort qu’elle devra fournir dans le cadre du rehaussement de l’ambition climatique européenne.  

138 articles corédigés

Ce texte dense construit sur la base des propositions de la Convention citoyenne pour le climat puis enrichi de quelque 1.002 amendements à l’Assemblée et 1.172 au Sénat devra peser de tout son poids. Au total, sur plus de 300 articles que le projet de loi comporte désormais, 138 ont fait l’objet d’une corédaction en commission mixte paritaire (CMP). Ce texte à bien des égards unique dans sa conception et son contenu pourrait battre des records. Il s’agit certainement de la plus longue CMP de toute l’histoire de la Ve République (neuf heures), remarque-t-on au ministère. Le débat y a été particulièrement "exigeant", avec la volonté ferme de la majorité parlementaire de rétablir les mesures structurantes du texte comme autant de lignes rouges que le gouvernement avait tracées. "Pour que la CMP soit conclusive, nous n'avons retenu que les mesures qui confortaient l'ambition du texte", a confirmé Jean-René Cazeneuve, satisfait de ce "texte ambitieux, qui prend le meilleur des travaux des deux chambres". Zones à faibles émissions, généralisation du menu végétarien hebdomadaire dans les cantines, rénovation des logements, encadrement de la publicité, lutte contre l’artificialisation des sols ou notion d’écocide : "Les piliers de la loi ont été restaurés". Des avancées votées au Sénat, comme les certificats verts en faveur du biogaz ou l’interdiction d’utilisation d’engrais azotés dans les zones non agricoles, ont été conservées. 

Points les plus clivants

L’un des noeuds de la négociation a sans aucun doute été celui des zones à faibles émissions (ZFE), dont le Sénat avait retardé de cinq ans (de 2025 à 2030) l’extension à toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants. Le calendrier initial a été recalé en CMP. En contrepartie, la mesure d’accompagnement votée au Sénat à travers l’expérimentation d’un prêt à taux zéro pour aider les ménages modestes à remplacer leurs véhicules anciens est maintenue. Dans ce dossier, l’Etat est toujours sous la menace d’une astreinte historique de 10 millions d’euros par semestre de retard en raison de son incapacité à faire respecter les seuils de pollution de l’air sur l’ensemble du territoire. La TVA à 5,5% sur les billets de train, chère aux sénateurs, est supprimée, et l’écotaxe poids lourds renvoyée à une ordonnance, a tranché la CMP. 

Sur un autre point d’achoppement, celui de l’éolien, un compromis a aussi été trouvé. Le droit de véto accordé aux maires, dans la version du Sénat, n’est pas conservé mais le processus de consultation des conseils municipaux est néanmoins amélioré. L’accord a également acté le rétablissement de l’expérimentation du "Oui pub", de l’interdiction des publicités tractées par les aéronefs, l’encadrement des publicités dans les vitrines ainsi que la décentralisation du pouvoir de police de la publicité aux maires.

Sur le volet logement, c’est bien la date de 2034 pour l’interdiction de mise en location des logements classés E qui sera notamment retenue. La version de l’Assemblée l’emporte en outre pour la définition de l’artificialisation. Quant à l’objectif de division par deux du rythme d’artificialisation sur les dix prochaines années par rapport à la décennie précédente, la CMP maintient son inscription au niveau régional. Une nouveauté est néanmoins introduite dans ce chapitre par rapport au texte précédent qui avait exploré d’autres pistes  : la dérogation pour ouvrir les centres commerciaux qui artificialiseraient est soumise à avis conforme du préfet entre 3.000 et 10.000 m2 de surface de vente. Enfin, la question d’une éventuelle extension de l’autorisation d’autorisation commerciale aux entrepôts ne figure pas dans l’accord. "C’est un point qui a été retiré du texte dans la mesure où cela est en train d’être travaillé à la fois avec la filière des entrepôts logistiques et la filière du e-commerce", explique-t-on au ministère.