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Rénovation urbaine - Quelle rénovation urbaine demain ?

Il y aura bien un deuxième programme national de rénovation urbaine. Maurice Leroy l'a confirmé à plusieurs reprises ces derniers temps. Mais lequel ? Avec quel argent ? Où ? Pour quoi faire ? Pour l'instant, tout est encore très flou. Le Comité d'évaluation et de suivi de l'Anru est la première institution à jouer cartes sur table. Il vient de rendre un ensemble de propositions qui pourrait servir de base aux discussions des mois à venir.

Le Comité d'évaluation et de suivi (CES) de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) vient de rendre son rapport annuel. Cet organisme, indépendant de l'Anru, a été créé en 2003 pour suivre l'avancement du programme national de rénovation urbaine (PNRU). Ce rapport 2011 est singulier : il constitue en effet la première prise de position publique sur l'avenir de la rénovation urbaine. Certes, on avait déjà entendu lors d'un colloque il y a quinze jours, que certains points de ce PNRU 2 font consensus (voir ci-contre notre article du 16 juin). Mais le rapport de 150 pages du CES est beaucoup plus précis et informé (en téléchargement ci-contre). Il constituera probablement l'une des bases de travail de la mission chargée par Maurice Leroy de formuler des propositions sur cette politique publique de grande ampleur.
Avant d'aborder le cœur du sujet, le CES prend acte du "succès incontestable" du PNRU 1 en ce qui concerne la transformation du cadre de vie, l'amélioration du parc HLM et l'efficacité, la rapidité du mode d'intervention. Cette réussite n'est cependant pas totale : les conditions de vie des habitants "ne se sont pas suffisamment améliorées", la mixité sociale espérée n'est pas là, les moyens pour gérer les infrastructures une fois qu'elles sont construites sont insuffisants et certains projets ont été bâtis en appliquant un modèle unique qui ne prend pas en compte le contexte local.

Autour de 10 milliards d'euros sur 6 ans

A partir de ce bilan, le CES propose un programme en trois volets. Premier volet, un ciblage de 8 milliards d'euros sur 200 quartiers prioritaires. Deuxième volet, l'allocation d'une enveloppe d'un milliard d'euros aux préfets pour qu'ils puissent soit aider les quartiers déjà rénovés à se maintenir en bon état soit intervenir sur des opérations spécifiques, a priori de petite taille. Troisième volet, une enveloppe de 1,5 milliards d'euros pour les copropriétés dégradées. En tout donc, un peu plus de 10 milliards d'euros, étalés sur 6 ans (2013-2019).
L'enveloppe de subvention Anru du PNRU 2 serait donc un peu plus petite que celle du PNRU 1 qui était doté de 12 milliards d'euros pour 500 quartiers. Mais le CES pense que les travaux déclenchés par ces subventions pourraient être aussi importants, pour plusieurs raisons : la valorisation du foncier sera possible dans un certain nombre de sites et permettra de contribuer à un financement local des projets, il y aura moins de démolitions, de nouvelles modalités de financement pourraient être trouvées (partenariats public-privé par exemple) et la "solidarité locale dans le cadre des intercommunalités" pourra être davantage mobilisée. Ces 10 milliards d'euros seraient donc la base des discussions à venir. A priori un plafond plus qu'un plancher vu l'état des finances publiques et la composition du CES.
Comment financer tout cela? Dans le PNRU 1, l'Etat (ou Action logement) verse chaque année le montant nécessaire pour payer les travaux. D'où d'ailleurs les débats actuels dont on attend l'issue pour mi-juillet sur le montant de l'enveloppe qu'apportera Action logement en 2012-2013-2014 pour financer le programme. Il reste 7 milliards d'euros à trouver pour payer tous les engagements du PNRU 1. Cette situation impose une créativité certaine pour le montage du PNRU 2 : le CES propose que l'Anru emprunte l'argent nécessaire, et que les versements de l'Etat ou d'Action logement soient en fait le remboursement de cet emprunt. Cela permettrait de lisser l'effort sur une longue période. Les mauvais esprits relèveront peut-être que c'est un peu comme si une partie du grand emprunt était affecté à la rénovation urbaine.
Autre point central du montage de ce futur programme : la place du privé. Le CES propose notamment de recourir à des opérateurs globaux, qui se chargeraient non seulement de faire l'aménagement mais aussi la construction de logements et éventuellement leur gestion. L'idée est d'équilibrer les opérations non par domaine comme actuellement (aménagement, construction de logements sociaux, opération d'accession...) mais globalement. Ce serait une vraie évolution dans le mode de construction des projets de rénovation urbaine. Les ressources provenant de la vente de logements, de terrains ou de bureaux pourraient ainsi équilibrer les opérations par nature déficitaires comme l'aménagement. Lors de la présentation de ce rapport à la presse, le président du CES, Yazid Sabeg, a insisté sur le besoin de "faire venir le privé" dans ces quartiers grâce à deux outils : les aides fiscales (type zone franche urbaine) mais aussi et surtout des aides publiques directes sous forme d'investissement. La question de ces aides, de leur nature, de leur niveau sera probablement au cœur des débats des mois à venir.

Reconstruire 75 % des logements... hors quartier Anru !

Le comité ne se contente pas d'évaluer les besoins et d'appeler les entreprises à venir dans les quartiers. Il prend clairement position sur les inflexions qui lui semblent nécessaires après avoir rencontré de nombreux acteurs de terrain. Le comité se prononce fermement pour le pilotage des opérations de rénovation urbaine au niveau intercommunal, avec une exception pour l'Ile-de-France, dans laquelle ce serait la région qui aurait la main. Le but est de financer à l'échelle de l'intercommunalité les travaux, de mieux intégrer les quartiers dans la ville et de limiter les reconstructions sur site. Le CES veut ainsi que 75% des logements sociaux reconstruits le soient hors zone urbaine sensible, sur le reste de l'agglomération. Cette nouvelle règle compléterait la règle dite du "un pour un" c'est-à-dire le fait de reconstruire autant de logements qu'on en a détruit. Si le pilotage intercommunal pourrait faire progressivement consensus au moins pour les villes de province, cette proposition de 75% de reconstructions hors site devrait être âprement débattue.
Sur un sujet plus consensuel, le CES reprend une proposition qui constitue un leitmotiv des rapports publiés ces derniers temps : la fusion en un seul contrat des actions de rénovation urbaine et de politique de la ville. C'est-à-dire les PRU et les Cucs, les crédits Anru et Acsé, ou dit autrement le bâti et l'humain. Il se prononce par ailleurs pour l'intégration dans le PNRU 2 de 80 quartiers anciens dégradés. Ce travail en commun entre Anah, Anru et Acsé ne doit pas pour autant conduire à une fusion des trois agences à court terme, qui ne "ferait que perdre du temps".
Le comité souhaite enfin une plus grande mobilisation sur l'urbanisme et l'aménagement, car il estime que le PNRU 1 était trop centré sur la destruction/ reconstruction/ amélioration de logements sociaux alors qu'il reste beaucoup à faire pour "construire des quartiers ouverts sur la ville et aux habitants".

 

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