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Réfugiés ukrainiens : l’AMF propose un plan d’action coordonné avec l’État

7.500 réfugiés ukrainiens sont arrivés en France et leur nombre pourrait fortement augmenter dans les prochaines semaines, selon le gouvernement. L'Association des maires de France propose à l'État un "plan d'action" coordonné.

Alors que les Vingt-Sept étaient réunis à Versailles les 10 et 11 mars, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, pour discuter des conséquences économiques de la guerre, d'un nouveau paquet de sanctions contre la Russie et des perspectives d'une possible adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, les collectivités restent sur le pont pour accueillir les réfugiés. Le Haut-Commissariat aux réfugiés dénombre 2 millions de personnes sur la route à travers l’Europe et considère que "cette situation est en passe de devenir la plus grande crise de réfugiés du siècle en Europe". Environ 7.500 réfugiés sont arrivés en France où le gouvernement s’attend à l'arrivée dans les prochaines semaines de "50.000, peut-être 100.000" personnes. Estimation donnée jeudi 10 mars par le préfet Joseph Zimet, coordinateur de la cellule interministérielle de crise, à l’issue de sa première réunion.

Dispositif de "protection temporaire"

Le gouvernement a aussi publié une instruction datée du 10 mars relative à la décision prise le 4 mars par le Conseil de l’Union européenne d’actionner le dispositif exceptionnel de "protection temporaire" aux réfugiés (Ukrainiens et ressortissants de pays tiers), en application de l’article 5 de la directive du 20 juillet 2001. Dispositif qui leur confère un certain nombre de droits, comme la dispense d’un examen individuel de situation par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra). "En lien étroit avec les acteurs locaux concernés, les préfectures de département veilleront à ce qu'une prise en charge adaptée, notamment sur le plan sanitaire et social, puisse être proposée à l'ensemble des personnes en provenance d'Ukraine", souligne le gouvernement qui demande aux préfets de faire en sorte que ce statut soit octroyé de façon "simple et fluide" à toutes les personnes susceptibles d’en bénéficier : les ressortissants ukrainiens qui résidaient en Ukraine avant le 24 février 2022, les ressortissants de pays tiers ou apatrides qui bénéficient d'une protection internationale ou d'une protection nationale équivalente en Ukraine avant le 24 février 2022, les ressortissants de pays tiers ou apatrides qui établissent qu'ils résidaient régulièrement en Ukraine et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays d'origine "dans des conditions sûres et durables". Sont aussi concernées les familles de ces mêmes personnes.

"Avec la mise en œuvre de la directive européenne offrant la protection temporaire aux personnes déplacées, les Ukrainiens peuvent itinérer dans toute l’Europe : ils ont droit à un titre de séjour de 6 mois (renouvelable pour une durée pouvant aller jusqu’à 2 ans), à une allocation, à scolariser les enfants, à accéder au travail, faire venir ou rejoindre un membre de leur famille dans un autre État membre de l’Union européenne. Ce sont là des droits similaires à ceux du statut de réfugié", explique France urbaine, le 9 mars, après avoir participé, la veille, à une réunion avec les associations nationales d’élus locaux au quai d’Orsay. Réunion au cours de laquelle, "le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a appelé à travailler en 'équipe France' pour faire face à ce conflit", indique l’association qui annonce qu'une prochaine réunion se tiendra dans un mois.

Plan d'action

De son côté, l’Association des maires de France (AMF) a proposé à l’État, ce vendredi, de coordonner ensemble un plan d’action notamment pour définir "le rôle de chaque intervenant dans la chaîne de l’accueil". L’association souligne la nécessité d’organiser une prise en charge le plus tôt possible, avant même l’arrivée des réfugiés en France. Ce plan d’action a ainsi pour objet de "limiter les risques humanitaires et sécuritaires". "Plus les réfugiés sont pris en charge en amont, c’est-à-dire en Ukraine ou dans les pays voisins, plus leur intégration et le contrôle de leur situation sont facilités", souligne le président de l’association, David Lisnard, qui s’est rendu sur place du 7 au 9 mars.

L’AMF conçoit ce plan à trois niveaux d’exécution : les autorités ukrainiennes ou des pays limitrophes auraient pour mission "d’identifier les Ukrainiens volontaires et de procéder aux vérifications afférentes avant de proposer une destination en France, validée ensuite par les autorités françaises, en lien avec les communes d’accueil qui le souhaitent". Les services de l’État en France assureront "la prise en charge administrative des personnes concernées, notamment les demandes de protection temporaire européenne, et affectent les hébergements en lien avec les communes". Quant aux communes volontaires, elles sont là pour préparer l’accueil des réfugiés "en indiquant leurs capacités d’accueil aux préfectures", "en organisant les modalités opérationnelles du transport", "en encadrant sur place l’accueil des familles" et "en mobilisant les ressources locales qui participent à l’insertion des personnes concernées, dont la traduction, des cours de Français, la scolarisation des enfants, le travail". L’AMF demande aussi à être associée aux travaux de la cellule interministérielle de crise. Elle propose enfin que soit mis en place un dispositif d’information des associations de collectivités "sur le modèle des réunions de gestion de crise sanitaire", pilotées par le ministère de la Cohésion des territoires.

10.000 places d'hébergement disponibles

France urbaine recense actuellement "10.000 places disponibles d’hébergement dont 3.700 via les collectivités territoriales". Soit une offre supérieure aux besoins. Lors de la réunion du 8 mars, "il a toutefois été rappelé que nous ne sommes qu’au début d’un conflit qui risque de s’inscrire dans la durée. Il faudra de fait discuter au sein de l’Union européenne sur la gestion de l’ensemble des flux, car certains petits pays limitrophes risqueront d’être submergés prochainement", souligne l’association dans son communiqué.

France urbaine fait par ailleurs un point sur l’activation du fonds d’action extérieure des collectivités territoriales (Faceco) géré par le quai d’Orsay, qui permet "de fédérer les contributions des collectivités et d’assurer la traçabilité de ce qui sera financé" (voir aussi notre article du 1er mars 2022). "Suite à la mobilisation d’une dizaine de régions et d’une douzaine de villes, on estime les contributions au Faceco à 1,5 million d’euros, qui serviront aux achats de première nécessité et dans le domaine médical", indique l’association. "Ce fonds va être puissamment abondé, on peut escompter 2 voire 2,5 millions d’euros", indique-t-on au sein de l’association, en évoquant un afflux de contributions. La région Occitanie a ainsi annoncé une participation de 300.000 euros à ce fonds, la Nouvelle-Aquitaine donne 100.000 euros et la région Paca 50.000 euros, en plus d’autres fonds et outils…

La Commission européenne travaille de son côté à une nouvelle proposition législative dans le cadre de la politique de cohésion, intitulée "Action de cohésion en faveur des réfugiés en Europe" (Care). Après la tonalité très belliqueuse du sommet des villes et régions d’Europe la semaine dernière à Marseille (voir notre article du 4 mars 2022), la tendance n’est ni à l’apaisement ni au débat. Si, lors du sommet de Versailles, l'idée d'une procédure d'adhésion express de l'Ukraine à l'Union européenne a finalement été écartée, vendredi, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a proposé de porter à 1 milliard d’euros les crédits de la "facilité européenne pour la paix" pour fournir des armes à l’Ukraine. Sur son compte twitter, David Lisnard déclarait le 7 mars : "Dans certaines circonstances, il ne faut pas finasser, il faut trancher. La complexité du raisonnement reviendra en temps calme."