Saison des feux de forêt : jusqu'ici, tout va (presque) bien

Alors que début juin marque traditionnellement le début de la "saison des feux", Agnès Pannier-Runacher et Bruno Retailleau ont officiellement signé, ce 5 juin, la nouvelle stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies. Si les pluies abondantes de l'hiver et du printemps ont minimisé la menace à court terme, elles pourraient l'attiser cet été en cas de sécheresse, en augmentant le combustible disponible. Comme toujours, les collectivités sont donc invitées à se mobiliser.

Si le réchauffement climatique fait perdre à la notion son acuité, le début juin marque traditionnellement l'entrée dans la "saison des feux" de forêt et de végétation. Le 29 mai, les ministères de la Transition écologique et de l'Intérieur ont ainsi donné le coup d'envoi de leur désormais traditionnelle campagne annuelle de prévention, qui sera diffusée sur différents médias tout au long de l'été. Avec une nouveauté cette année : la diffusion des messages sera renforcée sur les territoires qui seront identifiés comme particulièrement à risque par la "météo des forêts", relancée par Météo France ce 2 juin, jusqu'au 30 septembre.

De son côté, la direction générale de la sécurité civile est prête à faire feu, si l'on peut dire, avec la mise en place, depuis le 1er juin, de son dispositif estival. D'une part, sa flotte aérienne, composée de 3 avions d'investigation, 12 canadairs et 8 Dash. Lesquels sont complétés par la location de 6 hélicoptères bombardiers lourds – prépositionnés à Avignon (Vaucluse), à Jonzac (Charente-Maritime), au Luc (Var) et à Corte (Corse), avec 2 autres en réserve –, de 4 hélicoptères bombardiers d'eau légers – 2 prépositionnés à Carcassonne (Aude) et 2 en réserve – et de 6 avions bombardiers d'eau légers prépositionnés à Bordeaux. S'y ajoute la mobilisation sur terre de 51 colonnes de lutte contre les feux de forêt, soit 4.000 sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et 500 véhicules.

Enfin, Agnès Pannier-Runacher et Bruno Retailleau ont officiellement signé, ce 5 juin, lors d'un déplacement dans les Pyrénées-Orientales, la nouvelle – et attendue (lire notre article du 11 avril) – stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies (voir encadré), dont le projet avait été mis en consultation en février dernier (lire notre article du 10 février).

Indicateurs globalement au vert, pour l'instant

Alors que les incendies ravagent actuellement le Canada, les indicateurs sont à ce stade, et comme l'an passé (lire notre article du 12 juin), plutôt au vert dans l'Hexagone – même si l'on a déploré plusieurs incendies ces dernières semaines : "Une centaine d'hectares brûlés dans les Côtes-d'Armor,  190 hectares dans le Puy de Sancy, une cinquantaine d'hectares en Ille-et-Vilaine et 300 hectares entre l'Indre-et-Loire et le Maine-et-Loire", égrène Isabelle Bertrand, chargée de mission Défense des forêts contre les incendies à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises.

Une situation plutôt positive due aux pluies abondantes de l'hiver et du printemps. Lesquelles n'offrent pour autant aucune assurance. "Tout va vraiment dépendre des conditions météorologiques à venir", rappelle Catherine Robert, coordinatrice nationale feux à Météo France. Ainsi, à court terme, la sécheresse des sols qui affecte actuellement la moitié nord du pays (lire notre article du 4 juin), et en particulier les Pays de la Loire, ne semble pas l'inquiéter outre mesure au vu des épisodes pluvieux annoncés ces prochains jours. L'experte juge également moins préoccupante que l'an passé la situation "du côté des Pyrénées-Orientales et sur le Sud-Est". "Mais si on a des épisodes sans pluie, des températures élevées et des épisodes venteux, le niveau de danger s'élèvera partout, y compris sur les zones encore humides, comme dans les Alpes", avertit-elle. Et ce, d'autant plus qu'elle souligne que les précipitations des derniers mois "ont favorisé la pousse des végétaux. Si la sécheresse s'installe, ils renforceront la quantité de combustible disponible".

Autre indicateur au vert à ce stade, la disponibilité effective de la flotte aérienne, "qui s'est grandement améliorée depuis l'année dernière", se félicite le lieutenant-colonel Fabrice Chassagne, chargé de mission Feux de forêts à l'état-major à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, qui la juge globalement "bonne". Interrogé par ailleurs sur le projet de construction d'une nouvelle base fixe à Mont-de-Marsan, ce dernier a confirmé qu'elle n'était plus "dans l'air du temps". L'officier argue d'un rapport "coûts-bénéfices" insuffisant, alors que la base de Nîmes, où converge "la maintenance, la formation des pilotes et les moyens aériens" permet déjà de "rayonner partout en France" puisqu'il y a "autant de bases avions ou hélicoptères qu'il y a d'aéroports en France".

Les collectivités mobilisées

Pour conjurer le risque d'incendie, les collectivités, en première ligne, sont évidemment mobilisées. Elles sont notamment invitées à promouvoir les bons gestes et relayer la campagne ministérielle – un "kit de communication" est mis à leur disposition à cet effet. Le ministère rappelle également que le fonds vert (lire notre article du 5 mars) comporte une mesure relative à la prévention des risques incendies, "focalisée sur l'interface entre les zones bâties et les massifs boisés ou végétalisés, où naissent 80% des feux", et pilotée par le préfet de département. 

Stéphanie Croguennec, sous-directrice des aléas et des ouvrages hydrauliques à la direction générale de la prévention des risques, indique que 570 projets ont pu être soutenus dans ce cadre l'an passé, portés dans 80% des cas par des communes. "Il s'agit notamment de travaux pour faciliter les interventions des secours et les évacuations, de la création de points d'eau, de l'acquisition du foncier pour créer des zones coupe-feux, de l'acquisition d'équipements de détection précoce et de surveillance des feux (drones, caméras, capteurs…), d'outils numériques de contrôle de la mise en œuvre des obligations légales de débroussaillement ou encore d'actions d'information et de sensibilisation pour renforcer la culture du risque des populations", détaille-t-elle.

Défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies : une stratégie qui veut fédérer tous les acteurs

Mentionnée à la mesure 7 du nouveau Plan national d’adaptation au changement climatique, la Stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies a été officiellement signée ce 5 juin par les ministres de l’Intérieur et de la Transition écologique lors d’un déplacement dans les Pyrénées-Orientales. Face au risque d’incendie appelé à s’amplifier avec le dérèglement climatique, elle entend fédérer "l’ensemble des acteurs dans une approche collective cohérente" pour "mieux prévenir les incendies de forêts et de surfaces non boisées", "réduire le nombre d’incendies", "maîtriser les éclosions et limiter les superficies brûlées", "mieux protéger les personnes, les biens et l’environnement face aux incendies", "contenir" leur impact sur les espaces naturels et "adapter l’approche et les moyens de prévention, de protection et de lutte face aux conséquences prévisibles du changement climatique sur le risque d’incendie". 

Elle repose sur "quatre principes fondamentaux" dont découle l’élaboration des mesures de défense des forêts et des surfaces non boisées et intègre à la fois la prévention, la prévision, la protection et la lutte contre les incendies. 

Le premier principe est celui d’une "approche globale d’une diversité d’acteurs et de territoires". La responsabilité partagée de l’Etat avec les partenaires locaux doit se traduire par une gouvernance intégrant de multiples acteurs à différents échelons (régions, départements, EPCI, communes, services d’incendie et de secours, propriétaires fonciers, gestionnaires d’aires protégées et d’espaces naturels, profession agricole, filière forêt bois, associations de protection de l’environnement, bénévoles de réserves communales et de sécurité civile…). Dans ce cadre, les préfets sont les "catalyseurs" de la création des plans de protection des forêts contre l’incendie (PPFCI) et le rôle "primordial" des maires dans la mise en œuvre de la stratégie, "au regard de leurs compétences", est souligné : prévention du risque (information de la population, maîtrise de l’urbanisation, entre autres), prise en compte du risque dans l’aménagement et l’équipement du territoire (création et entretien des équipements de défense des forêts, notamment), préparation à la gestion de crise (plans communaux et intercommunaux de sauvegarde), pouvoir de police et de contrôle (en particulier sur les obligations légales de débroussaillement ou OLD).

Le deuxième principe est celui du "développement coordonné et continu des connaissances scientifiques, techniques et opérationnelles" et de leur "partage coordonné". Cela se traduit notamment par leur mise à disposition auprès de l’ensemble des acteurs "quel que soit l’échelon de compétence ou le service de rattachement" et l"organisation coordonnée" de leur formation  en l’adaptant au public visé (élus et leurs services, acteurs de la lutte, propriétaires forestiers, professionnels agricoles et de la filière forêt-bois, gestionnaires d’espaces naturels, entreprises de travaux, qui interviennent en particulier dans le débroussaillement…). 

Le troisième principe, celui de l’anticipation, a conduit à définir trois types de territoires, avec des actions prioritaires associées : les départements situés dans des zones historiquement exposées aux incendies et concernés par une aggravation du danger ; les "nouveaux territoires du feu", qui regroupent les départements au sein desquels le risque d’incendie est constaté et dans lesquels la fréquence des feux va augmenter à moyen terme entre 2035 et 2050 ; les "territoires d’extension future", qui rassemblent les départements encore peu concernés mais qui sont susceptibles d’être de plus en plus concernés par les incendies au regard des projections concernant les indices météorologiques.

Le quatrième principe est celui de la résilience face aux conséquences du changement climatique, ce qui suppose notamment "l’intégration et l’engagement de l’ensemble des acteurs locaux autour d’un projet commun d’adaptation" ; une "gestion dynamique des zones combustibles des forêts et des surfaces non boisées et des interfaces avec les zones urbanisées visant à réduire leur vulnérabilité face au feu et au changement climatique tout en favorisant la biodiversité par le biais de pratiques durables" ; le "développement et le maintien d’une culture du risque d’incendie de l’ensemble des publics".

Pour guider les politiques publiques et la mobilisation de moyens et de ressources, la stratégie nationale s’appuie sur "trois objectifs majeurs dont l’atteinte doit pouvoir être concrètement évaluée par le biais d’indicateurs".  Le premier – "Gérer les territoires de façon résiliente pour éviter l’éclosion des feux" - devra ainsi être évalué par le nombre d’incendies recensés sur un territoire. Le document détaille les moyens de réduire au maximum le nombre d’éclosions d’incendies, notamment par la connaissance du risque et du territoire, l’aménagement et la gestion dynamique des espaces, la maîtrise de l’urbanisation et l’aménagement des interfaces, la réglementation et un usage coordonné des forêts et des surfaces non boisées combustibles, la surveillance et la dissuasion et la réhabilitation des territoires post-incendie. 

Le deuxième objectif – "Réduire les superficies brûlées" - peut être apprécié par la surface brûlée par incendie pour un territoire donné, en prenant en compte les conditions météo et les caractéristiques propres au territoire. Parmi les moyens pour y parvenir, la stratégie met en avant les outils de prévision/prédiction pour éviter l’éclosion et réduire les superficies brûlées, le déploiement préventif de moyens de lutte et d’intervention rapides, la détection précoce, "l’engagement massif et la diversification des modes d’action", les plans de massif forestier, le développement et la densification des équipements DFCI.

Enfin, le troisième objectif vise à "limiter les conséquences humaines, matérielles, environnementales et économiques" en augmentant l’efficacité de la lutte et de la gestion de crise et en favorisant la résilience du territoire à travers la planification urbaine, la préparation à une gestion de crise interservices ou encore la "protection des populations et des enjeux". A ce titre, dans les secteurs réglementés au titre de l’urbanisme (PPRI), la stratégie évoque la création de zones refuges offrant une résistance au feu, accessibles au public et facilement identifiables et l’intégration dans les plans communaux de sauvegarde des plans de mise en sécurité et/ou d’évacuation des populations des secteurs menacés par les incendies. 
Anne Lenormand/ Localtis

 

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