Salon des maires – 61 nouvelles maisons France services face à un sentiment d'abandon qui se renforce

Le gouvernement a dévoilé, mercredi 19 novembre, une liste de 61 nouvelles maisons France services labellisées. Ce qui porte le total à 2.865. Pour autant, le "sentiment d’abandon" des habitants de la ruralité se renforce.

Voilà un sondage dont le gouvernement se serait bien passé à quatre mois des municipales : 59% des habitants de la ruralité considèrent leur territoire "abandonné" et un sur deux qu'il est en "déclin", selon l’enquête "Territoires ruraux : perceptions et réalités de vie" réalisée par l’Ifop pour la fédération nationales Familles rurales (à télécharger ci-dessous). C’est 13 points de plus qu’en 2023. "Ces chiffres dépassent même ceux de 2018, à la veille de la crise des Gilets jaunes", alerte la fédération qui a remis son baromètre au ministre délégué chargé de la ruralité, Michel Fournier, mercredi 19 novembre, au Salon des maires. "Les habitants expriment le sentiment d’un recul silencieux – celui d’une égalité républicaine qui s’effrite, d’un État qui s’éloigne", analyse-t-elle. 

Le mouvement de contestation venu de la "France périphérique" avait débouché sur toute une série de dispositifs destinés à combattre ce sentiment d’abandon : l’Agenda rural (issu d’une proposition de l’Association des maires ruraux de France), remplacé depuis par le plan France ruralités, les programmes Petites Villes de demain, Villages d’avenir… Et le déploiement massif des maison France services à partir de 2019 qui se poursuit à bon rythme avec l’annonce, le même jour, de la labellisation de 61 nouvelles maisons. "Nous traitons chaque année plus de 12 millions de demandes, avec un taux de satisfaction entre 90 et 95% et 80% de demandes traitées en une seule fois. On a plus de services qu’avant", s’est félicitée la ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation, Françoise Gatel, entourée de Michel Fournier, du ministre de la Ville et du Logement, Vincent Jeanbrun (qui a rappelé que 577 maisons sont dans des quartiers politique de la ville), Antoine Saintoyant, le directeur de la Banque des Territoires, et Christophe Bouillon, le président de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) qui pilote le programme.

3.000 maisons d'ici à 2027

Ces nouvelles labellisations portent à 2.865 le nombre de ces maisons. L’objectif de 3.000 maisons en 2027 est donc en bonne voie. "Grâce à ce maillage territorial, 99,7% des Français ont accès à un service public de qualité à moins de 20 minutes de route de chez eux", assure le ministère. Pour pointer les tracasseries administratives que les conseillers des maisons France services aident à résoudre, François Gatel a cru bon de se référer à "Zézette", le personnage du Père Noël est une ordure incarné par Marie-Anne Chazel qui ne parvient pas à remplir son formulaire de la CAF. Ce qui lui vaut cette réplique culte : "On vous demande de remplir par oui ou par non, alors forcément ça dépend ça dépasse…"

Figurant sur la liste des nouveaux "labellisés", Laurent Barbalat, maire de Loudes (Haute-Loire) a dû se montrer patient. Candidat depuis 2022, l’ancien chef-lieu de canton a pâti d’une trop grande proximité avec Le Puy-en-Velay. C’est aujourd’hui une grande satisfaction. "Notre volonté est d’y associer la chambre de commerce et d’industrie pour permettre un contact plus facile avec les entreprises", explique-t-il à Localtis.

"Ça marche parce qu'il y a de l'humain"

"Les maisons France services, ça marche et ça marche bien. Parce qu’il y a de l’humain, c’est essentiel", a également salué Christophe Bouillon, par ailleurs président de l’Association des petites villes de France (APVF). Selon lui, c’est ce modèle "duplicable" qui a inspiré le principe des maisons France santé que le gouvernement entend à présent déployer pour lutter contre la désertification médicale (lire notre article). Un sujet qui est au cœur des préoccupations des ruraux, comme en atteste le baromètre de Familles rurales. "L’accès aux services de santé est identifié par les ruraux comme celui s’étant le plus dégradé au cours des dernières années (72% ; +15 pts vs 2018 et +36 pts vs 2003 !)", s’inquiète l’association qui demande au gouvernement de "créer un plan d’urgence pour mettre fin aux déserts médicaux". 

Ce sentiment d’abandon, Laurent Barbalat le connaît bien. La commune de Loudes s’est dotée d’un pôle de santé. "Mais il faut mener une bataille quotidienne pour maintenir les médecins ou en faire venir de nouveaux", explique-t-il. "On est aussi abandonnés par les entreprises privées, telles que le Crédit agricole qui déserte nos campagnes. On a aucun recours contre eux, ils n’ont pas la reconnaissance du ventre", fustige l’élu. "Du jour au lendemain", la banque a annoncé qu’elle fermerait son bureau et son guichet d’ici deux ans.

"Redonner des moyens aux communes"

Fervent défenseur de la ruralité, le sénateur du Cantal Bernard Delcros partage lui aussi ce constat. "Beaucoup de choses ont été faites mais l’accès au soin reste de plus en plus difficile", relève-t-il, citant également les problèmes d’accès au logement. Un autre sujet lui tient à cœur : la méthode de calcul de la carte scolaire, avec la volonté maintes fois répétée par les gouvernements successifs depuis 2023 de donner aux élus une visibilité à trois ans sur les projets de fermetures de classes. Mais pour l’heure rien n’a changé et de nombreux maires sont toujours mis devant le fait accompli (lire notre article du 26 juin).

Pour les Familles rurales, "l’embellie portée ces dernières années par 'l’effet confinement' s’estompe", même si les ruraux restent très attachés à leur cadre de vie. "Ce baromètre rappelle avec force l’urgence d’agir : l’action publique doit renouer avec le terrain, redonner des moyens aux communes, soutenir les services essentiels – santé, éducation, mobilité, accompagnement des familles – et appuyer les acteurs associatifs qui maintiennent la vie dans nos villages", soutient Guylaine Brohan, présidente de la fédération.

 

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