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Insertion - Suppression de la PPE et fusion avec le RSA : les députés veulent des précisions

L'article 15 du projet de loi de finances rectificative pour 2014 présenté en Conseil des ministres le 12 novembre prévoit la suppression de la prime pour l'emploi (PPE) à compter du 1er janvier 2016 (voir notre article ci-contre du 12 novembre). Cette mesure, qui n'avait pas vraiment été annoncée, a aussitôt suscité des interrogations, voire des inquiétudes, chez nombre de parlementaires, de la majorité comme de l'opposition.

Un exposé des motifs laconique

Il est vrai que l'exposé des motifs de l'article 15 est pour le moins laconique. Après avoir évoqué le rapport de Christophe Sirugue sur la réforme des dispositifs de soutien aux revenus d'activité modestes (voir notre article ci-contre du 16 juillet 2013) et celui de Dominique Lefebvre et François Auvigne sur la fiscalité des ménages (voir notre article ci-contre du 21 mai 2014), il se contente d'indiquer que "le présent article propose de supprimer la prime pour l'emploi (PPE), afin de permettre son remplacement, à compter du 1er janvier 2016, par un nouveau dispositif plus efficace d'incitation à l'activité et de soutien au pouvoir d'achat des salariés modestes". Il s'agira d'"un nouvel instrument de soutien au pouvoir d'achat des travailleurs modestes et d'incitation à l'activité, plus lisible et plus efficace", qui sera opérationnel "au 1er janvier 2016".
Plusieurs parlementaires ont trouvé l'explication un peu courte, d'autant que l'article 15 supprime 1,94 milliard d'euros de crédits destinés à financer la PPE sur les revenus 2015 (donc en 2016), sans préciser à quel usage précis ils seront réaffectés.

Le gouvernement prié de prendre un engagement

En commission, la rapporteure générale du budget, Valérie Rabault (PS), a ainsi demandé au gouvernement de prendre un engagement sur la mise en place du nouveau dispositif en 2016. Michel Sapin lui a répondu que, pour "pouvoir fusionner PPE-RSA-RSA activité en 2016, nous devons décider maintenant que la PPE ne s'appliquera plus dès 2015" (tout en étant versée durant cette année au titre des revenus de 2014). Le ministre des Finances a également affirmé que "lorsque le débat aura lieu en séance, le gouvernement sera en capacité de vous présenter les grandes lignes de cette réforme".
Sentant les interrogations monter au sein de la majorité, Christian Eckert a ajouté qu'il s'agit d'un travail "complexe", qui devrait aboutir "dans les prochains jours, voire les prochaines heures". Le secrétaire d'Etat au Budget a aussi indiqué que le futur dispositif prendra "la forme d'un versement mensuel", procédera "à des ouvertures de droits par périodes de trois mois" et aura "un lien plus direct avec les revenus d'activité". Des précisions qui n'éclairent guère la question, mais qui ressemblent furieusement à la définition du RSA activité. En revanche, Christian Eckert a voulu rassurer les députés en affirmant que la réforme consacrera "deux milliards d'euros au nouveau dispositif a minima", autrement dit la totalité des crédits dégagés par la suppression de la PPE.
En attendant une présentation détaillée de la réforme, ces explications n'ont pas convaincu tous les députés. Karine Berger, députée des Hautes-Alpes et secrétaire nationale à l'économie du Parti socialiste, a ainsi déclaré avoir encore "beaucoup d'interrogations" et entend "vérifier que cela ne sera pas à la charge d'un autre agent public" que l'Etat (i.e les collectivités). Les interrogations sont tout aussi présentes au sein de l'opposition, où Charles de Courson (UDI) se demande "où en est-on des réflexions sur le recyclage" de ces fonds en vue de la mise en place d'un nouveau dispositif, tandis qu'Olivier Carré (UMP) estime que "sur la PPE, il faudra quand même des explications plus larges".
Les doutes et interrogations ne se cantonnent d'ailleurs pas aux seuls parlementaires. Dans un communiqué du 13 novembre, la Fnars (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale) estime que "le gouvernement ne peut pas supprimer la PPE sans indiquer quel est le dispositif qui s'y substitue pour garantir le pouvoir d'achat des plus modestes". Elle lui demande donc "un engagement clair pour lutter contre la pauvreté au travail ainsi qu'un calendrier de réforme".

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : article 15 du projet de loi de finances rectificative pour 2014 (présenté au Conseil des ministres du 12 novembre 2014).