Budget 2025 : coupes dans les crédits ministériels et stabilité des dotations

Sous la pression des parlementaires, Matignon a rendu publics ce 19 septembre les plafonds de dépenses ministériels prévus au mois d'août par le Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal. En dévoilant de nouvelles orientations, notamment concernant les dotations de l'État aux collectivités territoriales. À 27,2 milliards d'euros, la dotation globale de fonctionnement est annoncée stable en valeur l'an prochain. Les coupes dans les budgets de nombreux ministères sont confirmées, avec des conséquences prévisibles sur les politiques publiques locales. Le fonds vert doit bien être amputé de 60%.

Ils réclamaient à cor et à cri les lettres plafonds déterminant les montants maximums prévus pour chaque ministère dans le projet de budget pour 2025. Après des visites infructueuses à Matignon puis à Bercy, Éric Coquerel et Charles de Courson, respectivement président et rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, se sont vu finalement remettre ce 19 septembre par le Premier ministre, Michel Barnier, un "projet de rapport" de treize pages synthétisant les lettres plafonds signées le 20 août par l'ex-chef du gouvernement, Gabriel Attal.

"Ces plafonds constituent une base technique pour préparer le budget", mais "ne préjugent pas des modifications et ajustements qui pourront être proposés", prévient le document dès la première page. Une façon de réaffirmer que le projet de budget ayant été élaboré par le gouvernement cantonné aux affaires courantes à partir du 16 juillet est "réversible", selon l'expression de Gabriel Attal.

Budget de l'État en baisse de 3 milliards d'euros

En incluant les pensions des fonctionnaires, ainsi que les prélèvements sur recettes pour les collectivités territoriales et l'Union européenne, les dépenses de l'État doivent à ce stade s'élever à 492 milliards d'euros, un montant identique à 2024. En reconduisant le montant du dernier budget, Gabriel Attal se fixait pour objectif de réaliser une dizaine de milliards d'économies, compte tenu d'une inflation estimée à environ 2% en 2025. Mais les crédits budgétaires de l'État stricto sensu baisseraient de 3,1 milliards d'euros (353,8 milliards d'euros en 2025, contre 356,9 milliards d'euros en 2024), selon le document que la direction du Budget a publié peu après qu'il a été remis aux parlementaires.

Au sein de ce projet de budget de l'État, les missions réussissant à tirer leur épingle du jeu sont rares. Seules les Armées (50,5 milliards d'euros l'an prochain après les 47,2 milliards inscrits dans la loi de finances pour 2024) et l'Intérieur (en hausse de 0,5 milliard pour atteindre 17,2 milliards d'euros) semblent préservés. La mission "Solidarité, insertion et égalité des chances" s'en sort elle aussi plutôt bien, avec une croissance très légèrement inférieure à l'inflation (de 31 milliards d'euros dans la loi de finances (LFI) 2024 à 31,6 milliards d'euros dans la lettre plafond pour 2025).

D'autres ministères verraient leurs crédits également augmenter, mais bien moins que l'inflation. C'est le cas de la Cohésion des territoires (de 20,2 milliards dans la LFI 2024 à 20,5 milliards d'euros dans le projet de budget 2025), de la Justice (10,2 milliards d'euros l'an prochain contre 10,1 milliards en 2024) et, surtout, de l'Enseignement scolaire (en hausse de seulement 100 millions d'euros pour atteindre 64,5 milliards d'euros l'an prochain).

Beaucoup de perdants parmi les ministères

D'autres ministères subissent, eux, de franches coupes budgétaires. Selon les calculs du président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, "en tenant compte d'une inflation à 2%", les baisses sont "importantes" pour l'Aide publique au développement (-21%), le Sport (-12,3%), l'Outre-Mer (-9,2%), l'Agriculture (-7,8%), ou encore la mission Immigration et asile (-6,4%). 

Le Travail et l'Emploi sont eux aussi particulièrement visés par les économies : leur budget serait ramené en un an de 33,1 à 30,8 milliards d'euros (-8,8% en prenant en compte l'inflation). Rappelant que le taux de chômage est tombé à peine au-dessus de 7% de la population active, le gouvernement Attal prévoyait de faire évoluer les primes à l'embauche des apprentis "pour cibler les contrats pour lesquels le soutien public est le plus efficient". Il évoquait aussi la nécessaire "optimisation de la gestion de France compétences", l'organisme en charge du financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Le projet de rapport reprend ces pistes.

Les moyens de la mission Écologie, développement et mobilité durables progresseraient de 27,7 à 29,8 milliards d'euros en un an, "avec une dynamique particulièrement significative sur le financement des énergies renouvelables". Mais cette "augmentation apparente (…) cacherait en réalité une baisse sur les moyens mêmes du ministère de l'Écologie", analysait dès ce jeudi Éric Coquerel, lors d'un point presse retransmis par les chaînes parlementaires. Une partie de l'augmentation affichée des crédits dédiés à l'Écologie s'expliquerait, selon le député LFI, par "des sommes obligatoirement versées à des opérateurs, notamment la CRE [Commission de régulation de l'énergie] en lien avec l'évolution des prix de l'énergie".

Coupes drastiques dans le fonds vert 

Le document budgétaire ne passe pas d'ailleurs sous silence le fait que des économies sont prévues sur les politiques en faveur de la transition écologique. Confirmant des informations révélées fin août dans la presse (voir notre article), il indique que les dépenses d’aides à l’acquisition de véhicules propres "seraient ainsi concentrées sur le bonus écologique et sur le leasing". Et s'agissant de "Ma Prime Rénov’", dispositif d'aide à la rénovation énergétique des logements, "une optimisation des aides à l’achat d’équipements fonctionnant à la biomasse et du soutien aux mono-gestes", est envisagée. 

Les collectivités locales retiendront surtout la confirmation de la volonté du gouvernement démissionnaire de réduire les crédits du fonds vert de 60% en 2025. "Outre les moyens nécessaires pour le financement des chantiers déjà lancés", le fonds mis en place en 2023 pour accompagner les collectivités territoriales dans le financement de la transition écologique, "bénéficierait d’une nouvelle enveloppe de 1 milliard d'euros d’autorisations d’engagement pour lancer de nouveaux projets en 2025", précise le projet de rapport. Or, pour rappel, les crédits dédiés au fonds vert s'élevaient à 2,5 milliards d'euros dans la loi de finances pour 2024 votée en fin d'année dernière - un décret de février 2024 les ayant toutefois amputés de plus de 400 millions d'euros. Ces quelques lignes du document devraient contrarier les associations d'élus locaux, dont Intercommunalités de France et France urbaine, qui réclamaient récemment la "sanctuarisation" du fonds vert (voir notre article).

DGF stable en valeur

Également scrutés avec une extrême attention par les élus locaux, les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales seraient en hausse de 0,5 milliard d'euros en 2025 (par rapport à la LFI 2024) et s'élèveraient à 54,7 milliards d'euros "hors mesures exceptionnelles". A l'intérieur de cette enveloppe, la dotation globale de fonctionnement (DGF) "serait reconduite" à 27,2 milliards d'euros, "montant qui consoliderait les deux hausses successives de +320 millions d'euros en LFI 2023 et +320 millions d'euros en LFI 2024", est-il détaillé.

Pour leur part, les dotations dédiées à l’investissement local (dotation d'équipement des territoires ruraux, dotation de soutien à l'investissement local…) "demeureraient à un haut niveau de 2 milliards d'euros". En outre, la bonne tenue de l'investissement local depuis deux ans porterait le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) à un montant de 7,6 milliards d'euros.

Dans une note dévoilée début septembre par les ministres démissionnaires chargés de l'économie et des comptes publics, la direction du Trésor estimait à 30 milliards d'euros le montant des économies à réaliser dans le budget pour 2025. "On peut donc craindre que le Premier ministre annonce une aggravation supplémentaire de la baisse des dépenses publiques", alerte Éric Coquerel.

Avec ses collègues de la commission des finances de l'Assemblée nationale, il compte bien mettre les pieds dans le plat lors d'une audition, dans les jours prochains, du futur ministre des Finances.

 

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