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Environnement - Transition énergétique : la commission spéciale adopte le projet de loi

Le 27 septembre, les députés ont adopté en commission spéciale le projet de loi sur la transition énergétique, après avoir examiné les titres VI (sûreté nucléaire), VII (simplification des procédures) et VIII (gouvernance), achevant ainsi la discussion de 2.300 amendements déposés. La veille, la commission s'était penchée sur les titres IV et V, respectivement dédiés à l'économie circulaire et aux énergies renouvelables. Au total, quatre journées de débats intensifs, sous la présidence du socialiste François Brottes, marqués toutefois par l'absence des groupes UMP et UDI qui ont souhaité, lors de la dernière journée, protester contre des "conditions d'examen inacceptables". Prochaine étape : l'examen en séance publique devant l'Assemblée nationale qui doit débuter le mercredi 1er octobre.

Plusieurs amendements au projet de loi sur la transition énergétique ont été adoptés le 26 septembre au soir, en commission spéciale. Plusieurs visent directement la réduction des déchet, venant compléter le titre IV dédié à l'économie circulaire. Ils permettent en particulier, à l'initiative de l'un des cinq rapporteurs du texte, Sabine Buis (PS, Ardèche), de faire entrer dans le Code de l'environnement une définition claire de cette notion. La rapporteure est par ailleurs à l'origine d'une nouvelle rédaction de l'article 19 du projet de loi, au terme duquel l'objectif de réduction des quantités de déchets ménagers et assimilés produits par habitant passe à 10% (au lieu de 7%), en 2020 par rapport à 2010.
Par ailleurs, "le déploiement de nouvelles installations de tri-mécano-biologique d'ordures ménagères résiduelles en vue de la valorisation en épandage agricole doit être évité", ajoute l'amendement. Autre priorité affichée : la lutte contre les sites illégaux de tri et de traitement des déchets. Les soutiens et aides publiques devront respecter la "hiérarchie des modes de traitement des déchets", précise le texte amendé.

La commande publique, levier majeur de l'économie circulaire

Le schéma de promotion des achats publics mis en place par la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire comprendra également une réflexion sur les moyens concrets de promouvoir l'économie circulaire. Les plans départementaux ou interdépartementaux de prévention et de gestion des déchets non dangereux devront désormais fixer "des objectifs d'intégration de produits issus du réemploi ou de la réutilisation dans la commande publique". Ils devront par ailleurs déterminer les modalités selon lesquelles les collectivités territoriales contribuent au développement de l'économie sociale et solidaire en mettant à disposition des entreprises solidaires d'utilité sociale agréées leurs fournitures inutilisées à la suite d'un rééquipement. Ces plans fixeront également "des objectifs de performance en matière de réduction du gaspillage alimentaire".
Il s'agira en outre - au plan interrégional ou interdépartemental - de rechercher une optimisation des équipements de traitement des déchets existants plutôt que de construire de nouveaux équipements fonctionnant en sous-capacité, "notamment lors des phases de baisse de la quantité de déchets à traiter ou lors de la fin de vie d'un équipement".

Renforcement du cadre juridique des épaves

Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, il appartiendra par ailleurs au gouvernement de remettre un rapport sur la réversibilité des installations de stockage de déchets. Les schémas régionaux "Climat-air-énergie" (SRCAE) devront quant à eux procéder au recensement de l'ensemble des réseaux de chaleur, selon un amendement des écologistes. Tandis que les plans climat énergie territoriaux (PCET) devront favoriser la récupération des 150 térawattheures perdus dans l'industrie (soit 30 % de la consommation énergétique française), selon un amendement défendu par François-Michel Lambert (EELV).
Un amendement de la rapporteure permet aux maires (ou aux présidents d'EPCI) d'interdire le stockage de véhicules hors d'usage sur la voie publique ou dans les jardins, de faire enlever les épaves dans les propriétés privées et de les envoyer dans des filières de recyclage. Il s'agit de contribuer à résoudre "un problème majeur de santé publique dans les DOM-TOM", une des causes du développement du chikungunya étant la stagnation de l'eau dans ces épaves, a insisté la ministre de l'Ecologie.

Interdiction des sacs plastiques

Un amendement gouvernemental réintroduit, à compter du 1er janvier 2016, l'interdiction des sacs plastiques à usage unique, "sauf pour les sacs compostables en compostage domestique et constitués pour tout ou partie de matières biosourcées". Une mesure similaire figure en effet dans le projet de loi sur la biodiversité, pour lequel aucune date d'examen n'est encore fixée. De même, un amendement de la rapporteure Sabine Buis interdit, jusqu'à ce soit démontrée leur innocuité, "la production, la distribution, la vente, la mise à disposition et l'utilisation de sacs à usage unique destinés au transport de marchandises et constitués de plastique oxo-fragmentable".
A noter également, l'obsolescence programmée par les fabricants constituera désormais une tromperie "sur la durée de vie du produit intentionnellement raccourcie lors de sa conception", passible de deux ans de prison et de 300.000 euros d'amende, au terme d'un amendement d'Eric Alauzet (EELV-Doubs).

Incitation à réduire l'éclairage public

Dans l'esprit de la responsabilité élargie du producteur, un amendement gouvernemental demande, à compter du 1er janvier 2017, à l'ensemble des distributeurs de matériaux de construction d'organiser sur leur site de vente la reprise des déchets issus de l'utilisation de ces matériaux. Afin de lutter contre la pollution lumineuse, un amendement de Joël Giraud (RRDP-Hautes-Alpes) réduit à deux ans (au lieu de six ans) la date limite de dérogation à la mise en conformité des obligations relatives aux enseignes lumineuse, alignant ainsi leur régime sur celui des publicités et pré-enseignes. Les communes rurales sont par ailleurs incitées à la sobriété énergétique, par une forme de bonus, à savoir le doublement de la longueur de la voirie dans la dotation de solidarité rurale (DSR), pour celles pratiquant une réduction d'au moins 50 % du volume de leur éclairage public.

Possibilité pour les collectivités de bénéficier de l'obligation d'achat...

S'agissant du titre V sur les énergies renouvelables, le texte amendé prévoit la prise en compte de la production d'énergie de récupération, telle que par exemple la récupération de chaleur sur eaux usées ou sur air extrait, dans l'ensemble des textes relatifs à la construction et à l'urbanisme, et en particulier dans les réglementations thermiques, énergétiques et environnementales des bâtiments.
Dans la suite du rapport d'information de la députée Ericka Bareigts (PS-Réunion) sur la situation énergétique dans les Outre-mer, un amendement pose le principe de tarifs d'achats spécifiques aux zones non interconnectées (ZNI), fixés par les ministres de l'Energie et des Outre-mer, sur demande des présidents de région, de département ou de collectivité. Lorsque le développement d'une filière est inférieur aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, un droit d'alerte permettra en outre aux collectivités de solliciter l'expertise de la Commission de régulation de l'énergie qui se prononcera sur l'adéquation entre le tarif d'achat et le coût de production.
Les procédures d'appel d'offres sont elles aussi adaptées pour y associer les collectivités et leur reconnaître un droit d'alerte. L'assiette de l'indemnité forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) et le tarif d'obligation d'achat reposeront désormais suite à un autre amendement sur "la puissance active maximale injectée au point de livraison". Un amendement défendu par Frédérique Massat (PS-Ariège) ouvre à certaines entités publiques, tels les syndicats mixtes et les ententes départementales, la possibilité de bénéficier du dispositif de l'obligation d'achat.

... et d'investir dans des sociétés de production d'énergie renouvelable

A l'initiative de la rapporteure, Marie-Noëlle Battistel (PS-Isère), un autre amendement prévoit la possibilité pour les collectivités et les citoyens d'investir dans les sociétés production d'énergie renouvelable au moment d'une "évolution" du capital. Il s'agit également de prévoir expressément que les collectivités peuvent investir dans des sociétés coopératives de projet, notamment des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC), "lorsque le statut de la société coopérative concernée l'autorise".
Sous l'impulsion de la rapporteure, la commission spéciale s'est également emparée de la question du calcul des barycentres pour les vallées qui comportent plusieurs concessionnaires. Pour rappel, en son titre V, le projet de loi vise à moderniser la gestion des concessions hydroélectriques en associant mieux les collectivités. Un amendement de Martine Lignières-Cassou (PS-Pyrénées-Atlantiques) permet aux groupements de communes d'accéder à la répartition des redevances proportionnelles. A l'initiative de Frédérique Massat, un amendement à l'article 29 permet aux collectivités et leurs groupements qui exercent la compétence d'autorité organisatrice de la distribution publique d'électricité de prendre une participation dans le capital d'une société d'économie mixte hydroélectrique (SEMH). Là où il n'existe pas de SEMH, le texte ouvre la possibilité de créer un comité de suivi des usages de l'eau.
Toujours sur le volet de l'eau, un autre amendement prévoit la réévaluation du classement des cours d'eau dans le cadre de la révision du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage).

Expérimentation d'une autorisation unique en matière d'ICPE

Après l'article 38, un amendement gouvernemental étend à tout le territoire, y compris ultramarin, l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), ce dans un délai de trois mois après la promulgation du projet de loi. Sont concernées les éoliennes et installations de méthanisation, mais également les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à la loi sur l'eau ("Iota").
Un amendement à l'article 40 modifiant le Code de l'énergie et porté par la rapporteure Ericka Bareigts, vise à donner la possibilité au gestionnaire du réseau public de transport d'électricité RTE de "prémunir la collectivité contre les risques de manipulation frauduleuse" sur des mécanismes liés aux marchés de l'électricité. Il fait écho aux fraudes observées sur celui des crédits CO2 et cite au rang de ceux à préserver celui, encore émergent, des effacements.

Entrée des élus chez ERDF

Les deux députés de l'Isère Marie-Noëlle Battistel et François Brottes, Frédérique Massat et Ericka Bareigts ont introduit une disposition qui, dans la foulée des conférences départementales déjà menées et visant à "désamorcer les conflits locaux sur les décisions d'investissement" qui minent les relations entre collectivités et ERDF, va plus loin et parachute un représentant des collectivités au sein du conseil d'administration ou de surveillance du gestionnaire. Il crée aussi un "comité du système de distribution publique d'électricité", ancrant ainsi dans la loi "le principe de collégialité des investissements sur les réseaux publics de distribution, au bénéfice de la qualité du réseau et du service rendu aux usagers".
Une avancée complétée par un amendement des députés parisiens Denis Baupin et Cécile Duflot, qui insère l'obligation, sur le modèle des contrats de délégation des services publics existants pour l'eau et l'assainissement, de remise à la collectivité concédante par les concessionnaires de la distribution publique et fourniture d'électricité d'un inventaire détaillé et localisé du patrimoine concédé. Et ce "au plus tard 18 mois avant le terme du contrat".

Stratégie bas-carbone

Le titre VIII portant sur la gouvernance a aussi été amendé. Denis Baupin, très "productif" sur l'ensemble du texte, s'est fait entendre pour que soit désormais pris en compte, dans la stratégie bas-carbone du pays (articles 48 et 49), le poids des importations. Il revient au Gouvernement de la définir. Pour l'accompagner dans cette lourde tâche, un comité d'experts est prévu, constitué de dix membres n'ayant aucune responsabilité d'élu ni d'intérêts dans une entreprise du secteur de l'énergie.
Il est aussi prévu que le Parlement soit informé, via un rapport annuel du Gouvernement, des engagements financiers pris en faveur de la transition énergétique. A l'article 49, des précisions ont été apportées au seuil de déconnexion des énergies renouvelables – un mécanisme désormais consacré au niveau législatif – afin qu'il soit moins uniforme et plus adapté aux spécificités territoriales.

Spécificités des Outre-mer

Comme y incite un autre amendement (article 53), la recherche sur les capacités de stockage de ces énergies, en particulier dans les DOM, devrait être renforcée. En outre, dans ces zones non interconnectées, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) sera "spécifique" et mettra entre autres l'accent sur "le développement des énergies renouvelables stables telles que la géothermie ou la biomasse", avec, en Guyane, un programme spécifiquement inclus afin "de répondre à la situation grave des communes de l'intérieur".
Autre amendement adopté qui intéresse les élus des départements et régions d'outre-mer (Drom) : l'instauration d'une peine contraventionnelle pour "lutter contre l'augmentation des abandons de véhicules usagés, spécialement en pleine nature" (article 63). Et l'obligation, pour le Gouvernement, de présenter un rapport au Parlement "d'ici la fin 2015, indiquant quelles mesures spécifiques d'accompagnement il entend développer en faveur de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna afin de permettre à ces trois collectivités territoriales d'appliquer les principaux dispositifs de la présente loi".

Élargir la base des données transmises

Un amendement à l'article 51 porté par le gouvernement contraint les gestionnaires ERDF, GrDF et les entreprises locales de distribution (ELD) à mettre à disposition des personnes publiques, "dans le respect de la réglementation en vigueur", les données de transport, consommation et production d'électricité, de gaz naturel et biogaz. En jeu ici, l'accès des collectivités en charge des politiques de transition énergétique, et tout particulièrement du volet maîtrise de la demande en énergie, énergies renouvelables et lutte contre la précarité énergétique, à "des données plus fines que la maille communale".
Quant à la liste des acteurs amenés à participer à l'expérimentation, sur des portions du réseau public, du "service de flexibilité local" (article 58), lequel sera destiné à optimiser à l'échelle d'un territoire la gestion des flux d'électricité entre producteurs et consommateurs, elle a été élargie.

Régions chefs de file, plans climat en aire urbaine

L'amendement attendu à l'article 56 sur la transition énergétique dans les territoires réaffirme le rôle des régions. Défendu par une soixantaine de députés, il insiste sur "la nécessité de prendre en compte les évolutions techniques et les savoir-faire qui découlent de la transition énergétique dans les formations proposées aux futurs artisans ou artisans apprentis dans les lycées professionnels et centres de formation des apprentis".
Un autre amendement permet aux collectivités d'élaborer leur plan climat-air-énergie territorial (PCAET) à l'échelle du territoire couvert par un schéma de cohérence territoriale (Scot) en cours d'élaboration, de révision ou de modification. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dotés d'un PCAET et qui ne pouvaient jusque-là agir que sur les réseaux de gaz et d'électricité, voient aussi leur marge de manœuvre s'étendre. Et les territoires qui sont investis dans une action de sobriété, d'efficacité énergétiques ou de production d'énergies renouvelables, mais sans être forcément dotés d'un PCAET, notamment les plus ruraux, qui agissent parfois "par d'autres moyens que la loi", ne seront pas exclus et pourront être accompagnés dans le cadre du dispositif des 200 territoires à énergie positive, qui devront être engagés en 2017.

 

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