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Un plan sénatorial préconise de "faire du numérique une priorité de la relance"

La commission des affaires économiques du Sénat vient de remettre au ministre de l’Économie et des Finances un plan pour faire du numérique une priorité de la relance, basé sur un rapport publié début juin 2020. Il déroule 24 mesures visant à "favoriser la transition numérique complète du pays". 

"Nous avons [...] assisté à l'explosion des usages et des besoins numériques [...] et regretté, une fois de plus, notre incapacité à faire émerger des champions du numérique, conduisant à une perte de souveraineté alors que les Français se sont rués en masse vers des solutions américaines", déplorent les auteurs d’un plan intitulé "Pour faire du numérique une priorité de la relance" publié début juin 2020. Au terme de nombreuses auditions menées pour établir ce document, "c’est [...] le manque de stratégie globale sur le numérique dans notre pays qui nous a frappés", concluent les auteurs, invitant la France à publier, comme l’Europe l’a fait le 19 février 2020, "une stratégie numérique" et "à nommer un ministre du numérique, doté d’une administration centrale dédiée".
Ces constats et recommandations, synthétisés en 24 mesures, visent principalement à favoriser la transition numérique complète du pays. Les deux premières recommandant, à la lumière de l’expérience inédite du confinement, d’"élaborer un plan de résilience des réseaux de communications électroniques en cas de circonstances exceptionnelles amenant à une explosion des usages". 

"La fracture numérique ne peut plus durer" 

D’ailleurs, "durant le confinement, ces disparités de couverture se sont traduites, très concrètement, par des enfants qui ne peuvent pas suivre leurs cours en ligne, des salariés qui ne peuvent pas télétravailler, des commerces qui ne peuvent pas développer des offres en ligne", rappelle la commission des affaires économiques, chiffres à l'appui. Ainsi, avant le confinement, la filière du déploiement de la fibre avait atteint des records, à 4,8 millions de prises par an en 2019. Mais, mi-avril, Infranum évoquait des risques de retards importants sur le plan France très haut débit et une baisse de 70% de l’activité de production, faisant état du risque d’écroulement de la filière du plus grand chantier de France. Depuis le déconfinement, l’activité de production "aurait repris à hauteur de 50% de mobilisation des effectifs", mentionne le document avant de souligner que "le coût des déploiements a augmenté". Plusieurs mesures ont été mises en place en soutien à la filière. Ainsi, "pour aller plus loin, une avance de trésorerie des crédits disponibles du fonds pour la société numérique (FSN) - estimée à 200 millions d’euros par les industriels - devrait être envisagée à titre exceptionnel là où cela pourrait venir en soutien à des entreprises en difficulté". Par ailleurs, la commission estime que la "question se pose de savoir comment devront être traités les éventuels retards dans les déploiements dus à la crise". Les échéances contraignantes pour les opérateurs cette année seront nombreuses, tant sur le mobile (1) que sur le fixe (2). "Il reviendra au régulateur de traiter ces retards au cas par cas, en faisant preuve d’indulgence lorsque cela apparaît justifié mais aussi de fermeté lorsqu’un tel retard n’apparaît pas justifié par les circonstances exceptionnelles de la crise", tranche la commission, précisant que s’agissant des 8% de sites raccordables à la demande en zone dite Amii fin 2020, "il conviendra de s’assurer de la commercialisation effective de l’offre par au moins un opérateur de détail". 

Des objectifs ambitieux d’ici à 2025

Au-delà de la crise, le plan préconise de "fixer - enfin ! - des objectifs ambitieux d’ici à 2025 dans le cadre d’une loi de programmation des infrastructures numériques, qui déterminerait également une trajectoire financière indicative des concours de l’État". 
Sur le fixe, la Commission européenne a donné pour objectif d’atteindre la société du gigabit en 2025 (3). Un objectif qui "devrait être poursuivi par la France", estiment les auteurs. Concernant le mobile, la commission sénatoriale avance que "ce serait l’occasion que le Parlement, qui n’a pas été associé à l’élaboration du New Deal mobile de janvier 2018, reprenne la main, tant sur le volet 4G que sur les déploiements à venir de la 5G".
Sans surprise, l’inclusion numérique est aussi abordée, sous l'angle d'un renforcement du plan déjà en mis en oeuvre (lire notre article du 7 février). Cela pourrait aussi passer par "l’aide au financement du premier équipement numérique, et l’amplification des efforts en matière de formation aux usages, autour des maisons France Services".

"Prendre le virage numérique"

Numérisation de l’organisation interne des services, investissements en matière de smart city, développement des solutions numériques pour les usagers du service public... Les initiatives pour que les collectivités territoriales prennent "le virage numérique" ne manquent pas. Pour les financer, la commission met en avant l’intérêt d'"un dispositif incitatif d’investissement dans les technologies numériques [qui] pourrait être intégré au FCTVA". "La Banque des territoires pourrait développer son offre d’ingénierie pour accompagner les collectivités dans la transition numérique, en particulier en matière de cybersécurité", suggère-t-elle par ailleurs.

Cybersécurité, vers une autonomie stratégique

Sur cette question ultrasensible de la cybersécurité et des supercalculateurs, le rapport préconise de "s’assurer de l’autonomie stratégique sur des produits et services numériques critiques". Il juge "impératif" d'identifier ceux "sur lesquels une rupture d’approvisionnement aurait des effets désastreux sur notre économie et de déterminer en conséquence une stratégie de diversification des sources d’approvisionnement et de relocalisation des activités".
Face à la recrudescence des cyberattaques, la sécurité des systèmes d’information est un enjeu crucial de souveraineté, rappelle la commission qui approuve "le développement de solutions informatiques sécurisées". En l'occurrence, elle cite l’initiative franco-allemande Gaïa-X, dont l’ambition est d’offrir une alternative aux solutions de Google, Amazon et Microsoft, et qui vise à promouvoir les offres cloud européennes se différenciant par leur niveau de confiance. Elle estime enfin qu’une plus ample promotion des démarches de certification Cnil et Anssi pourrait également être mise en place.

(1) Échéance du premier arrêté du dispositif de couverture ciblée concernant 485 sites le 27 juin, fin de l’année 2020 pour le deuxième arrêté concernant 185 sites supplémentaires, pour le passage en 4G des réseaux existants et pour la couverture de 75% des sites du programme "zones blanches centres-bourgs".
(2) 92% de locaux raccordables à fin 2020, le complément devant être "raccordable à la demande".
(3) 100% des locaux couverts par un débit de 100 Mbit/s, convertible en gigabit.