Une commande publique davantage "circulaire" ?

Un décret renforce à terme les obligations d’acquisition par les acheteurs publics de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou (et ?) intégrant des matières recyclées.

Tenant compte des résultats encore "timides" du verdissement de la commande publique promu par la loi Agec, le décret du 9 mars 2021 (voir notre article du 10 mars 2021) vient comme prévu (voir notre article du 24 juillet 2023) d’être abrogé pour être remplacé par un nouveau décret visant à "accroître la part des acquisitions de biens issus de l’économie circulaire par les acheteurs publics de l’État et des collectivités territoriales" – selon les termes de la notice du texte. Lequel n’entrera étonnamment en vigueur que le 1er juillet prochain (le 1er janvier dernier était initialement prévu).

Les dons désormais comptabilisés

Première nouveauté, ces acquisitions pourront désormais se faire non seulement via les marchés publics, mais aussi à travers des dons (donc désormais comptabilisables), portant sur une liste – élaborée par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’environnement – de produits proposés sur la plateforme des dons mobiliers des administrations, désignée par le même arrêté. On suppose qu’il s’agira du site des dons des biens mobiliers du Domaine. La valorisation de ces dons sera réalisée à partir d’un barème prévu par arrêté des mêmes ministres, lequel, bien que soumis à consultation publique et à l’examen du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) en même temps que le projet de décret, n’a pas encore été publié.

Nouvelles catégories de produits, nouveaux objectifs

Surtout, le texte présente en annexe la liste – modifiée – des produits pour lesquels sont fixées des proportions minimales de montant annuel, hors taxes, d’acquisition de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées au regard de la dépense consacrée à "l’achat" – l’acquisition ? – de chaque catégorie de produits au cours d’une année civile. Ces proportions sont fixées de manière pluriannuelle et croissante, pour les années 2024, 2027 et 2030.

Le "et" paraît néanmoins préférable au "ou" dans la mesure où le texte prévoit deux part biens distinctes pour chaque catégorie de produits : un "pourcentage issu du réemploi ou de la réutilisation", d’une part ; un "pourcentage intégrant des matières recyclées", d’autre part. Si le projet de décret indiquait explicitement que ces proportions étaient "cumulatives", le texte publié ne le précise plus.

La liste détaillée des produits sera par ailleurs précisée par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’environnement, lequel, bien que son projet ait lui aussi été communiqué, n’est pas encore publié. Il ne sera pas de trop.

Quand c’est flou…

Les catégories de produits ayant été refondues, il n’est pas aisé de comparer les deux textes. Par exemple, la catégorie "bicyclettes" disparaît, et il restera à déterminer si les cycles émargent désormais au rang des "engins de transport" ou des "véhicules" (lesquels faisaient partie précédemment d’une seule et même catégorie). Dans le projet d’arrêté soumis, mais non publié, on notera ainsi que les "véhicules" (la mention "à moteur" a disparu) visaient ceux à " 2,3 et 4 roues", mais que les "bicyclettes et trottinettes" relevaient des "engins de transport"... On imagine par ailleurs que la disparition de la catégorie "sacs d’emballage" est en partie compensée par la nouvelle catégorie "équipement de collecte des déchets", même si les deux ne coïncident qu’imparfaitement. On notera encore que si la catégorie "Matériel d’entretien des espaces verts" fait son apparition, la catégorie "Vaisselle" a, elle, disparu. En revanche, alors que la catégorie "Jeux et jouets" avait été retirée dans le projet de texte, suscitant un véritable tollé, elle a bien été rétablie dans le texte publié. 

Déclaration

Autre nouveauté, les acheteurs publics devront désormais déclarer la part de leurs dépenses annuelles dans le cadre de marchés publics et la valorisation des dons acquis pour les catégories de produits ainsi énumérées sur le portail national de données ouvertes, et non plus auprès de l'Observatoire économique de la commande publique. Les modalités de cette déclaration seront là encore fixées par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’environnement.

Dérogation

Accessoirement, le décret desserre la contrainte interdisant à l’État d’acquérir des produits en plastique à usage unique, en accordant une nouvelle dérogation visant "les situations dans lesquelles l’utilisation de sacs poubelles en plastique à usage unique est nécessaire pour des raisons de santé ou de sécurité". 

Avis défavorable du CNEN

Contrairement à son prédécesseur – et à la version initiale du texte –, le présent décret ne prévoit plus d’évaluation de la mise en œuvre de ces dispositions. On soulignera également que le projet de texte avait reçu deux avis défavorables du CNEN, provisoire lors de la séance du 5 octobre 2023, et définitif lors de la séance du 9 novembre 2023. Une décision motivée par "l’existence de difficultés liée à l’intégration du critère de réemploi ou de contenu en matières recyclées" d’une part, et des "dénominations inexactes de certaines catégories de produits" d’autre part.

 
Référence : décret n° 2024-134 du 21 février 2024 relatif à l'obligation d'acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées et à l'interdiction d'acquisition par l'État de produits en plastique à usage unique, Journal officiel du 23 février 2024, texte n° 39.
 

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