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Développement touristique - Une station de ski veut se reconvertir dans la "montagne douce"

Confrontée à un déficit important, la station de Drouzin-le-Mont, en Haute-Savoie, pourrait renoncer au ski alpin d'ici à l'hiver prochain. Une décision rare en France qui soulève la question de l'avenir des petites stations de moyenne montagne.

Henri-Victor Tournier, maire du Biot, commune sur laquelle est située la station de ski alpin de Drouzin-le-Mont (Haute-Savoie), veut conclure l'affaire avant les prochaines municipales de 2014 : démonter les deux télésièges et se reconvertir dans "la montagne douce". "Il y a plein de choses à faire en montagne sans avoir des câbles au-dessus de nos têtes. On aura du monde, je n'ai pas peur", assure-t-il. Son idée est de développer de nouvelles activités : ski de fond, raquettes, VTT, randonnée ou via ferrata. Le maire envisage de conserver uniquement deux des quatre tire-fesses "pour amuser les jeunes".
"Les stations de moyenne montagne n'ont pas d'avenir à 10 ou 15 ans en raison du changement climatique. Plus une station se reconvertit tôt et plus elle sera attractive", acquiesce le sous-préfet de Thonon-les-Bains, Jean-Yves Moracchini, qui soutient cette démarche.

Reprise sous (mauvaise) condition

Située sur le col du Corbier, à 1.230 mètres d'altitude, la station de Drouzin-le-Mont fonctionne depuis 1973 et compte 2 télésièges, 4 tire-fesses et 16 pistes. Son propriétaire actuel, le promoteur immobilier Michel Vivien, a décidé au printemps dernier d'en arrêter l'exploitation, très déficitaire. La station perd en effet entre 120.000 et 150.000 euros par an, selon le maire. Un autre promoteur immobilier, Maurice Martin, s'est dit prêt à reprendre le flambeau, à condition de pouvoir construire plus d'une centaine de logements, ce qui serait impossible au vu des règles actuelles d'urbanisme. "Les stations pas rentables, il vaut mieux les fermer intelligemment", ajoute le préfet Moracchini.
Un avis que ne partagent pas les propriétaires de résidences secondaires. "S'il n'y a plus de station, les appartements vont perdre entre 25 et 50% de leur valeur", s'énerve Jean Beslard, président d'une association qui regroupe "environ 400 foyers". Il assure que les propriétaires sont prêts "à participer au déficit de la station" pour qu'elle reste ouverte et espère encore convaincre Michel Vivien de tenir une saison de plus. Jean Beslard va même jusqu'à brandir la menace d'une inscription sur les listes électorales pour faire "sauter" le maire de cette petite commune de 450 habitants.

Diversification par le bien-être

Avec des quantités de neige en baisse de 30% sur 30 ans dans les Alpes, selon l'observatoire du changement climatique, l'avenir des petites stations est particulièrement incertain.
Malgré cela, les cas de fermetures de stations demeurent "extrêmement rares" en France, selon Laurent Reynaud, président de Domaines skiables de France, qui regroupe 236 opérateurs. "Les remontées mécaniques créent des emplois difficilement substituables. La fermeture fait courir le risque de la désertification", pointe-t-il. Le ski reste une "activité économique irremplaçable", assure également Gilbert Blanc-Tailleur, président de l'Association nationale des maires de station de montagne (ANMSM), qui souligne que "les stations se sont toutes un peu diversifiées dans le ludique et le bien-être". Une politique de diversification choisi par Saint-Pierre-de-Chartreuse (Isère) qui a fermé sa télécabine principale en semaine sauf le mercredi et en dehors des vacances scolaires, mais qui a lancé en 2011 la première station dédiée au trail (course en pleine nature) de France.
Un des rares cas de fermeture s'est déroulé à Abondance, station voisine de Drouzin, qui avait décidé d'arrêter le ski alpin en 2007, avant de rouvrir deux ans plus tard grâce à sa reprise par des investisseurs américains. Ces derniers se sont cependant retirés en 2011 après "deux années de grosses pertes" et la station est à nouveau gérée… par la mairie.