Acte III de la loi Montagne : les élus espèrent un texte "au premier semestre 2026"

L'Association nationale des élus de la montagne (Anem) a dévoilé, mercredi 17 décembre, les points clés d'un texte de loi coconstruit avec le gouvernement visant à un "acte III de la loi Montagne". Les élus attendent aussi une suite au plan Avenir montagnes qui s'achève cette année.

L’Association nationale des élus de la montagne (Anem) est "en train de travailler en collaboration avec les membres du gouvernement" à la finalisation d’un texte "transpartisan" (projet ou proposition de loi) pour un "acte III de la loi Montagne", a annoncé le député de la Haute-Loire Jean-Pierre Vigier, président de l’association, mercredi 17 décembre. "L’objectif, c’est d’inscrire ce texte au premier semestre 2026, de telle sorte qu’il puisse être présenté et, j’espère, validé à l’Assemblée courant 2026", a-t-il précisé lors d’une conférence de presse. 

Cet acte III viendrait après la loi fondatrice de 1985 et celle de 2016. Deux lois qui "ont très bien fonctionné" mais qui doivent être "adaptées", dans le contexte du changement climatique (diminution de l'enneigement, accroissement des risques naturels...) et de la modification des modes de vie, a expliqué le député. "Le dérèglement climatique est beaucoup plus important en montagne qu’en plaine", a-t-il souligné.

Une dizaine d’articles 

Un texte de loi comportant une dizaine d’articles est déjà sur la table. Il s’inspire du catalogue de 43 propositions sur lesquelles l’Anem a travaillé pendant un an avant de les valider lors de son dernier congrès aux Angles mi-octobre (lire notre article). D’autres de ces propositions pourront passer par voie réglementaire.

Si la loi de 1985 avait inscrit le "droit à la différenciation" dans le marbre, aujourd’hui il "n’est pas du tout appliqué et respecté", s’est agacé le député, regrettant que les textes de lois soient "appliqués de manière uniforme", sans tenir compte des spécificités de la montagne (pente, climat…). Pour s’assurer que ce soit le cas, l’Anem réclame la création d’un poste de "délégué interministériel à la montagne", mesure prévue dans la loi mais restée lettre morte. 

Cette différenciation a notamment vocation à s’appliquer aux services publics. L’un des chevaux de bataille de l’Anem tient aux fermetures de classes. "Si on ferme la classe, on sait très bien que dans les quatre ou cinq ans qui arrivent, c’est l’école qu’on ferme", a fustigé Jean-Pierre Vigier, demandant aux inspecteurs d'académie de faire preuve de "souplesse" dans l’exécution des seuils de fermeture fixés à 21 élèves. L’Anem souhaite également que soit garanti un temps maximum pour l’accès aux soins (20 minutes pour un généraliste, 30 pour les urgences, 45 pour une maternité) et instaurer un critère "montagne" pour la labellisation des futures maisons France santé.  Il n’est "pas possible" que des femmes enceintes doivent parcourir 1h30 pour rejoindre une maternité ni que des stations se trouvent à une heure des premiers services d’urgence, a pointé la sénatrice socialiste des Pyrénées-Atlantiques Frédérique Espagnac, secrétaire générale de l'Anem.

Avenir montagnes II

Sur le plan économique, l’Anem soutient le développement de retenues collinaires "multi-usages", de l'hydroélectricité, et le déploiement de bornes des recharges rapides. Elle réclame aussi une "exemption" dans la mise en oeuvre du zéro artificialisation nette (ZAN) pour les projets d’intérêt général. Comme dans la loi de 2016, le texte pourrait aussi comporter des mesures visant à faciliter le logement des saisonniers. Attachés au pastoralisme, les élus de la montagne sont favorables à une plus grande régulation de la présence du loup, "non son éradication", insiste Jean-Pierre Vigier. L’Anem plaide pour relever le plafond de tir fixé à 19% depuis 2019. Le député de la Haute-Loire conteste la fiabilité des estimations de la population de loups en France, alors que les attaques ont augmenté "de 20% en un an", selon lui. "Là où il y a de l’élevage, il ne peut pas y avoir de loup", considère-t-il. Les élus insistent aussi sur l'importance du pastoralisme pour l'entretien des paysages de montagne et le maintien des "trouées vertes".

L’Anem demande une suite au programme Avenir montagnes lancé en 2021 et qui s’achève cette année, pour financer la diversification économique dans le contexte de l’adaptation au changement climatique. Cet apport en ingénierie a été "essentiel pour la prévision et sur la transition potentielle à opérer", a souligné Frédérique Espagnac, qui s’inquiète de la fin des contrats de chefs de projets. "Tout ce travail remarquable arrive à terme avec plus aucun crédit", a-t-elle déploré, saluant en revanche le plan lancé par la Banque des Territoires au mois d'octobre (lire notre article). "L’État ne peut pas se désengager dans un moment où il a lui-même été à l’initiative de la transition en cours", a-t-elle fait valoir.

Coup de rabot catastrophique

Ce plan de 600 millions d’euros (à parité entre État et régions) n’était "pas énorme", mais "il a permis dans des petites stations de se poser la question de ce qu’on allait faire ces dix, vingt prochaines années sur l’ensemble des investissements", a souligné le député de la Haute-Savoie Xavier Roseren (Horizons), co-auteur d’un rapport d’information sur la transition des modèles des stations de montagne présenté le même jour (voir encadré ci-dessous).

Les propositions de l’Anem n’ont volontairement pas été chiffrées et le texte de loi ne comportera pas de mesures financières, a expliqué Jean-Pierre Vigier. "L’urgence aujourd’hui est que ce travail de coconstruction aboutisse", a-t-il affirmé. Toutefois, l’Anem demande une hausse des critères "montagne" dans le calcul de la fraction "péréquation" de la dotation de solidarité rurale (DSR) et le fléchage d'une part des crédits du fonds vert vers la montagne. Des mesures qui pourraient être portées dans un projet de loi de finances. La "saignée" pratiquée par le gouvernement sur le fonds vert (doté de 2 milliards d’euros à sa création, il devrait être abaissé à 650 millions d’euros en 2026) est une "aberration", a fustigé Frédérique Espagnac, évoquant un "coup de rabot catastrophique", "une erreur magistrale". Selon elle, l’entretien des routes va poser un problème de sécurité pour les habitants et les touristes alors que "les départements n’ont plus les moyens de le financer".

› Faire des guides et accompagnateurs les "sentinelles de l’environnement"

Les députés Xavier Roseren (Haute-Savoie, Horizons) et Denis Fégné (Hautes-Pyrénées, PS) ont présenté, mercredi 17 décembre, leur rapport d’information sur la transition des modèles des stations de montagne (voir ci-contre). Fort de 50 propositions, le rapport vise à adapter les territoires de montagne au changement climatique et à prolonger le plan Avenir montagnes qui s'achève. Il propose une approche globale ne se limitant pas au tourisme et prenant en compte tous les aspects du développement : logement, emploi, mobilités, services… En matière de logement, afin de lutter contre les "lits froids", les rapporteurs proposent un abattement de taxe foncière pour les propriétaires qui louent leur bien en résidence principale. Ils suggèrent aussi d’étendre MaPrimeRénov’ aux résidences secondaires, sous condition de mise en location longue durée. Autre enjeu : sortir de la dépendance au ski, alors que la neige se fait de plus en plus rare dans les stations de basse altitude. Les députés préconisent notamment la mise en place d’ascenseurs valléens pour relier les stations-villages de basse altitude aux stations de plus haute altitude. Ils invitent aussi à réfléchir à la durée des délégations de service public des remontées mécaniques par nature très longues et peu compatibles avec les évolutions rapides en cours. Le rapport propose enfin de s'appuyer sur les guides et accompagnateurs "pour sensibiliser et éduquer les pratiquants de la montagne" aux effets du changement climatique sur l’environnement et sur l’accroissement des risques naturels. Ce rôle de "sentinelle" est "essentiel" et sera "amené à s’accroître", considèrent-ils. Il "doit donc être pleinement reconnu et valorisé".

 

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