Accompagner le changement de destination des bâtiments pour répondre aux enjeux sociétaux
Le secteur immobilier fait face à une crise complexe : d’un côté, des immeubles de bureaux et de locaux d’activités qui se vident et de l’autre, une offre de logements sociaux qui ne suffit plus à satisfaire une demande croissante. Transformer ces espaces professionnels vacants en logements est une solution prometteuse, mais le processus de changement de destination est souvent coûteux. Dans une logique de transformation écologique et sociétale, la Banque des Territoires soutient activement les politiques publiques en apportant un appui financier aux bailleurs.

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Une crise du logement aux multiples facettes
La France fait face à une crise du logement majeure, marquée par une pénurie de logements abordables et une demande toujours en hausse. Pour répondre à cette demande croissante, la Fédération des Promoteurs Immobiliers, dans une étude de 2023, a estimé qu'il serait nécessaire de construire annuellement environ 500 000 nouveaux logements à l'échelle nationale, dont 60 000 en Île-de-France seulement. Cette cadence de construction devrait être maintenue sur une période de 10 ans pour satisfaire efficacement les besoins.
Ces tensions sur le marché de l’immobilier concernent également le logement social. Au 30 juin 2024, 2,7 millions de ménages étaient candidats à la location d'un logement social, un nombre qui ne cesse d'augmenter en raison des difficultés croissantes à trouver un logement sur le marché privé.
La ministre du Logement et les représentants des fédérations ont signé une feuille de route prévoyant notamment la construction de 100 000 logements sociaux pour l’année 2025. À titre de comparaison, le nombre d’agréments de logements sociaux délivrés en 2024 est évalué à 85 300, selon l’Union Sociale pour l’Habitat.
S’adapter à la contrainte de la limitation d’artificialisation des sols et aux nouvelles formes de travail
Bien que la production de nouveaux logements sociaux demeure un impératif, elle se heurte à la complexité des enjeux liés à la limitation de l'artificialisation des sols. La France s'est en effet fixée l'objectif d'atteindre le « Zéro Artificialisation Nette » des sols en 2050, dans le cadre de la loi Climat et résilience de 2021. Un dispositif qui tend à contraindre les Plans locaux d’urbanisme des collectivités et leur programme local de l’habitat.
Parallèlement, la crise du Covid a accéléré l'adoption du télétravail, qu'il soit hybride ou à temps plein. Conjuguée à un besoin croissant d'accessibilité et de modularité, cette évolution a entraîné une diminution de la demande de locaux professionnels, en particulier dans les hypercentres urbains. Le GIE Immostat estime que le volume de bureaux vacants en Île-de-France dépasse les 5,64 millions de m2 au quatrième trimestre 2024. Cela représente 10 % du parc total de bureaux. Selon certaines prévisions, ce chiffre pourrait doubler en 2030.
Vidés de leurs occupants, les espaces professionnels, souvent situés dans des zones déjà connectées aux infrastructures urbaines, pourraient constituer une réponse aux besoins de logements abordables. La transformation de ces locaux vacants en logements permettrait de réduire la pression sur le marché immobilier mais aussi de contribuer à revitaliser certains centres-villes.
D’après une étude en cours de la Chaire du logement de demain : 89 000 projets de transformation de locaux d’activités en logement ont vu le jour entre 2013 et 2022, et 200 000 logements ont pu être créés. Cela représente 5 % du nombre total de logements créés sur la période.
Aujourd’hui, une volonté politique forte existe et le cadre réglementaire est en cours d’adaptation pour inciter ce type d’opération, comme en témoigne la loi du 16 juin 2025 visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements. La préfecture d’Île-de-France a lancé début 2025 un appel à manifestation d’intérêts pour soutenir et accélérer les projets de transformation de locaux d’activités en logements.
Néanmoins, et en dépit de l’engagement des professionnels de l’immobilier sur le sujet, le modèle économique de ces opérations reste fragile. En cause : une identification parfois complexe des opportunités ainsi que de fortes contraintes techniques, financières et administratives. Ces reconversions immobilières ont un coût, qu’il est indispensable d’accompagner.
La Banque des Territoires accompagne l'urbanisme de la transformation
Pour répondre à ces enjeux de cohésion sociale et territoriale et de transformation écologique, la Banque des Territoires se mobilise pour créer du logement social et abordable. Elle accompagne aussi les territoires dans leur trajectoire de sobriété foncière.
Ainsi, la Banque des Territoires a souhaité soutenir ce nouvel urbanisme de la transformation, en métropole comme en outre-mer. Pour ce faire, elle accompagne financièrement les bailleurs sociaux dans ce type d’opération – dont les coûts sont supérieurs à ceux de la production neuve.
Aujourd’hui, on estime que les coûts de logements sociaux issus d’opérations de transformation sont entre 10 à 30 % plus élevés que pour une construction neuve. Ils sont complexes à déterminer en amont et dépendent de la singularité de chaque actif : valorisation de l’actif à transformer, coût des travaux selon la qualité du bâti, de sa structure, de la gestion des fluides ou encore d’éventuels sujets de pollution.
Le prêt PHB 2.0 (Prêt Haut de Bilan 2ᵉ génération) Transformation écologique vise à appuyer la transformation écologique des bâtiments. Son objectif est de :
- financer les travaux de transformation ou d'aménagement de locaux ou d'immeubles non initialement dédiés au logement (comme des locaux d'activités, bureaux, ou pieds d'immeubles) en logements - il complète les prêts classiques PLAI, PLUS, et PLS ;
- accorder un montant de 20 000 € à 25 000 € par logement social produit pour les opérations de transformation, le montant exact étant déterminé en fonction de l'étiquette DPE (avec un minimum d'étiquette C) ;
- soutenir environ 80 opérations sur l'ensemble du territoire grâce à un appel à manifestation d'intérêts qui sera lancé début 2025.
Dispositif Transfo + : un levier financier stratégique
Le dispositif Transfo + intervient en complémentarité de ce panel d’offres de financement. Le dispositif n’est pas intégré en tant que tel au plan de financement des projets de transformation, mais il vise à apporter aux bailleurs menant de telles opérations. Ce soutien financier prend la forme d'un réaménagement des prêts déjà contractualisés avec la Banque des Territoires.
Transfo + est un dispositif avantageux pour les OLS, qui se traduit par des baisses de marge, sans réitération de garantie, sur leur portefeuille de prêts à la Banque des Territoires.
La baisse de marge proposée via Transfo + fonctionne comme celle du dispositif RIAD en zones détendues, (Remise d’Intérêts Actuariels pour la Démolition, en place depuis 2016 et disponible jusqu’en 2029) bien connue des OLS.
Le dispositif Transfo + sera accessible dans les zones tendues et détendues jusqu'en 2029. De plus, les logements sociaux de ce programme de transformation devront atteindre au minimum une étiquette énergétique C.
En somme, la transformation de locaux vacants en logements est une réponse pragmatique et nécessaire aux défis croisés que sont la crise du logement, les impératifs de la Zéro Artificialisation Nette (ZAN) et l'évolution des modes de travail. Au-delà des obstacles techniques et financiers, des dispositifs comme Transfo + et le prêt PHB 2.0 de la Banque des Territoires démontrent une volonté collective d'accompagner les bailleurs vers l’urbanisme de la transformation.
Les experts

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Emeric Lepez
Expert réaménagement de la dette à la Direction de prêts de la Banque des Territoires
Emeric Lepez est l’un des 6 expert(e)s en charge du réaménagement des prêts adossés au Fonds d'Épargne. Avant de rejoindre la BDT fin 2020, il a exercé pendant une vingtaine d’années dans le domaine du développement économique, en s’efforçant de mobiliser les outils financiers au service d’une logique d’intérêt général. Son parcours l’a notamment conduit à travailler pour des filiales du groupe comme Bpifrance, la SCET, ou encore avec des partenaires comme l’AFD ou France Active.