CFP post 2027 : Régions de France ne veut pas d'une politique commune de la pêche noyée dans la masse
Dans un livre blanc publié le 18 septembre, Régions de France dresse les contours de la réforme de la politique commune de la pêche qu'elle appelle de ses vœux. Elle y plaide singulièrement pour le maintien d'une politique autonome, mais aussi davantage régionalisée, à rebours des positions de la Commission européenne. Sur le fond, elle fait du renouvellement de la flotte une priorité et invite à mieux équilibrer préservation de la ressource et préservation des filières.

© Alexandre Prevot CC BY-SA 2.0
Politique agricole commune (PAC), politique commune de la pêche (PCP) : même combat. Après être montée au créneau, en juillet, pour défendre la place de la première dans le prochain cadre financier pluriannuel de l'UE (lire notre article), Régions de France plaide cette fois en faveur de la seconde, dans un livre blanc publié ce 18 septembre, à la tonalité plus offensive que défensive.
Le risque d'une PCP noyée dans les "plans de partenariat nationaux et régionaux"
Entre les deux, la Commission a officialisé ses positions pour l'après 2027 (lire notre article), funestes pour ces deux politiques. Comme la PAC, la PCP – et avec elle le fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (FEAMPA) – est en effet appelée à être noyée dans la masse des nouveaux "plans de partenariat nationaux et régionaux", par ailleurs fortement contestés (lire nos articles du 21 juillet et du 11 septembre). Le nouvel instrument "ne mentionne même pas la pêche dans son nom. La Commission croit elle vraiment qu'elle peut assurer la sécurité alimentaire et la résilience stratégique en ignorant le premier maillon de la chaîne ?", s'était d'emblée emportée, le 17 juillet dernier, Carmen Crespo Díaz (PPE, Espagne), présidente de la commission Pêche du Parlement européen. La parlementaire plaidait alors pour que la PCP "ne perde pas son identité", considérant que "sans fonds spécifique, il n'y a pas de politique spécifique". Un risque d'autant plus grand que, suivant les plans de la Commission, le budget qui serait alloué à la pêche après 2027 ne représenterait plus qu'"un tiers de ce qui a été alloué au cours de la période actuelle", estimait la parlementaire, dénonçant au passage "une coupe aussi injustifiée qu'alarmante", "un nouveau coup porté à un secteur essentiel déjà au bord du gouffre".
Un FEAMPA autonome, une PCP régionalisée
Une ligne partagée sans surprise par Régions de France, qui plaide elle aussi pour "le maintien d'un outil financier dédié à la PCP et indépendant des autres fonds". Un FEAMPA qui devrait en outre voir sa mise en œuvre "simplifiée", singulièrement "en accordant l'autorité de gestion aux régions" (en France, elle est actuellement exercée par la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture).
Afin de permettre une "régionalisation effective" de la PCP, Régions de France prône par ailleurs une réforme des conseils consultatifs (institués pour favoriser la participation du secteur de la pêche à l'élaboration de la PCP) afin de leur octroyer "une place centrale dans l’élaboration des plans pluriannuels et des recommandations communes". Ces conseils seraient également "systématiquement associés lorsque la Commission saisit le conseil scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP) ou le conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM)" ou encore lors de négociations avec les pays tiers. Régions de France recommande en outre que ces CCR intègrent à l'avenir les régions en leur sein, et soient nécessairement présidés par des élus.
Une priorité : renouveler la flotte
Sur le fond, Régions de France fait du renouvellement de la flotte de pêche l'objectif principal de la PCP, alors que l'âge moyen des navires de pêche en France est de 31 ans. Elle plaide en particulier pour adapter le FEAMPA "pour permettre le soutien à la construction de bateaux neufs". Une "nécessité absolue", estime-t-elle, non pour augmenter l'effort de pêche, mais pour disposer de navires "moins polluants [ce qui nécessite par ailleurs "une adaptation de la réglementation liée à la jauge", la décarbonation conduisant "vraisemblablement à des bateaux plus grands"], plus sélectifs [est suggéré un mécanisme de compensation pour les entreprises optant volontairement pour de tels engins, "à l'instar des mesures agroenvironnementales et climatiques" de la PAC], plus modernes et plus sûrs pour la navigation". Lesquels favoriseraient le renouvellement des générations en renforçant l'attractivité du secteur (avec le même objectif, l'âge plafond de 40 ans pour l'aide à l'acquisition d'un navire serait relevé).
Pour autant, et bien que la "décarbonation de la pêche soit un enjeu majeur", Régions de France invite à ne pas exclure, comme "solutions transitoires", "la remotorisation" des navires ou l'usage de carburants de substitution, tels que les biocarburants. Une décarbonation du secteur dont l'association souligne qu'elle passe aussi par l'adaptation des infrastructures portuaires, à laquelle l'Union européenne devrait "accélérer son soutien". Les régions françaises rappellent "qu'elles possèdent de nombreux ports de pêche et sont à ce titre directement actrices de la chaine alimentaire".
Préservation des ressources… et des filières halieutiques
En matière de chaine alimentaire, Régions de France considère que "la conservation des ressources halieutiques constitue une grande réussite de la PCP depuis 25 ans" et que "cet héritage doit être précieusement préservé". Elle demande ainsi que le système des "totaux admissibles de capture" (TAC) et quotas reste "un pilier" de la PCP, tout en préconisant de renforcer "le niveau de transparence sur la gestion et l'attribution" de ces derniers.
Pour autant, elle estime que "cette réussite s'est faite jusqu'à présent au détriment de la pérennité socio-économique des filières halieutiques" et se prononce donc en faveur d'une conciliation plus équilibrée entre préservation de la ressource et préservation des filières. À ce titre, Régions de France réclame notamment que la PCP "reconnaisse comme essentielle la coactivité des usages dans l'espace maritime", considérant que la production d'énergie ou la mise en place d'aires marines protégées (lire nos article du 4 avril 2023 et du 10 juin dernier) ne doivent pas conduire "à l'exclusion systématique de la pêche". Elle réclame en revanche "l'intensification des actions de lutte contre la pêche illégale".
Outre-mer… et au-delà de l'UE
Rappelant la nécessité de prendre en compte les spécificités de l'outre-mer, Régions de France demande également la mise en place d'un fonds POSEI pêche, sur le modèle du fonds existant dans le domaine agricole, et le maintien du taux préférentiel d'aide du FEAMPA aux régions ultra-périphériques.
Enfin, Régions de France invite l'Union européenne à "renforcer le contrôle aux frontières" et à "restreindre l'accès à son marché lorsque les pays tiers prennent des mesures unilatérales contraires aux avis scientifiques, aux accords internationaux ou contribuent à la surpêche". L'association défend de même "la mise en place de mesures miroirs dans les accords commerciaux". Agriculture et pêche, même combat.