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Conférence des métiers sociaux : le rapport Piveteau propose une approche complémentaire de la revalorisation

A la veille de la "conférence des métiers et de l'accompagnement social et médicosocial", Denis Piveteau a remis son rapport "Experts, acteurs, ensemble… pour une société qui change". Le document concerne en premier lieu, mais pas seulement, les professionnels du handicap. Son postulat de départ : les métiers sociaux et médicosociaux seront d'autant plus valorisés que l'on donnera un "pouvoir d'agir" aux personnes accompagnées.

Alors que s'ouvre, le 18 février, la "conférence des métiers et de l'accompagnement social et médicosocial", Denis Piveteau, conseiller d'Etat ayant assumé de multiples responsabilités dans le secteur social, a remis au Premier ministre son rapport "Experts, acteurs, ensemble… pour une société qui change", commandé en novembre dernier (voir notre article du 10 novembre 2021). A l'origine, cette commande visait spécifiquement la revalorisation des métiers du social dans le secteur du handicap. Mais l'annonce surprise de la conférence des métiers a modifié l'approche. Dans un avertissement qui ouvre son rapport, Denis Piveteau précise donc que "c'est à partir des personnes en situation de handicap et de leurs familles et autour des principaux acteurs professionnels de leur accompagnement qu'ont été élaborées les considérations et propositions qui suivent", dont la vocation est plus générale que celle prévue à l'origine.

Le "changement de paradigme" de la reconnaissance des droits des personnes accompagnées

Autre précaution oratoire : "Le contexte tendu des établissements et services médicosociaux, marqué par des départs de personnels, des attentes salariales et des difficultés de recrutement, crée une attente très forte, au sein des équipes". Pour autant, "ce rapport n'a pas pour objet d'apporter des réponses immédiates. Il tente de resituer l'action à conduire dans une perspective plus structurelle, gage de solutions  durables". Conformément à sa lettre de mission, Denis Piveteau laisse donc clairement de côté le volet des revalorisations salariales – qui sera néanmoins au cœur de la conférence – au profit d'une réflexion sur un autre aspect de la revalorisation des métiers sociaux et médicosociaux.

Plus précisément, le rapport "explore [...] le lien entre cette revalorisation et le 'changement de paradigme' qu'est la reconnaissance des droits (et savoirs propres) des personnes accompagnées". Le fondement de la démarche tourne donc autour du "pouvoir d'agir" des personnes accompagnées. Une approche qui "amène de profondes transformations de l'exercice professionnel" et crée davantage d'interactions avec d'autres acteurs sociaux, médicosociaux ou sanitaires.

Le rapport pointe néanmoins un certain nombre d'"entraves". Parmi celles-ci figurent notamment le caractère de la démarche jugé "irréaliste" par certains ou les inquiétudes des salariés autour de la thématique de la désinstitutionalisation. Sur ce dernier point, Denis Piveteau souligne que le dernier rapport du comité de l'ONU sur les droits des personnes handicapées a été très mal vécu, en raison de ses critiques systématiques sur la politique et la pratique françaises en la matière (voir notre article du 17 septembre 2021). Autres craintes exprimées face à la démarche : la mise en danger du besoin de répit des aidants familiaux (que risquerait d'engendrer une désinstitutionalisation) ou encore la crainte d'une perte de technicité par les professionnels. Au-delà de ces ressentis, le rapport souligne aussi que le cadre financier, peu propice à l'innovation, est "insuffisamment porteur" pour l'approche envisagée. Il pointe aussi "l'impression diffuse d'une absence de cohérence" : cultures administratives peu homogènes et canaux de régulation publique mal adaptés.

En dépit de ce contexte, le rapport de Denis Piveteau exprime une conviction : "Le 'pouvoir d'agir' des personnes accompagnées et la revalorisation des métiers de l'accompagnement appellent une même chose : un projet de société". En d'autres termes, ils supposent "une authentique transformation sociale". En effet reconnaître ce pouvoir d'agir des personnes accompagnées n'interpelle pas seulement les professionnels du social et du médicosocial. Il interroge l'ensemble de la société. Ce pouvoir d'agir ne peut pas se résumer à "tenter l'inclusion" dans une société qui ne changerait pas et il en va de même de la valorisation des métiers de l'accompagnement.

Denis Piveteau fixe donc un objectif ambitieux, consistant à se placer dans une autre perspective : "Sans nier la nécessité de conserver des espaces protecteurs pour tout ou partie du parcours de vie des personnes les plus fragiles, la promotion de leur participation à la vie sociale suppose, non pas seulement leur accompagnement personnel (qui reste nécessaire), mais aussi, concomitamment, l''accompagnement au changement' de la société toute entière. Perspective qui, on en conviendra, ouvre d'autres horizons aux professionnels dont ce serait le métier".

Un horizon ambitieux, mais une démarche pragmatique

Face à cet "horizon ambitieux", Denis Piveteau reconnaît qu'"il ne s'agit pas de faire d'une utopie – la réalisation de la société inclusive – un préalable à toute revalorisation professionnelle. Mais de dire que la démarche ayant cette utopie comme horizon doit s'enclencher tout de suite, avec sérieux, et constituer le cadre de référence des différents instruments de revalorisation professionnelle à mettre en place". Parmi les démarches pragmatiques envisageables, le rapport évoque diverses pistes comme le fait de s'adapter à une relation symétrique, de prendre des risques pour "explorer l'espace des possibles" ou encore de développer le management participatif.

Enfin, la troisième partie du rapport est consacrée à un "agenda de transformation des organisations de travail". Plutôt qu'un agenda au sens traditionnel du terme, il s'agit davantage d'une série de préceptes ou de  préconisations, regroupés en différents thèmes : penser l'"institution" à partir des valeurs de l'exercice professionnel collectif, renouveler le dialogue entre les gestionnaires et les pouvoirs publics (avec par exemple l'explicitation et le financement d'objectifs de ressources humaines dans les CPOM ou l'engagement d'une réflexion sur la gouvernance), outiller et sécuriser au quotidien l'exercice professionnel, ou encore articuler l'exercice professionnel avec les interventions des autres accompagnants (par exemple en facilitant l'ouverture à l'engagement citoyen). Dans le même esprit, le rapport propose un "agenda pour de nouvelles règles d'allocation des ressources", regroupant également une série de recommandations autour de thèmes comme le fait d'aborder la question des effectifs à partir du "temps présentiel" (et non plus des seuls ratios d'encadrement), de développer l'innovation en la sécurisant (en sortant notamment du "tout financement par projet"), ou encore d'adapter l'outil tarifaire aux nouveaux parcours de vie (en évitant, par exemple, de pénaliser les parcours inclusifs et en tenant compte des moyens requis par les nouvelles cibles du travail social).

 

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