Congrès des maires – Un service public de la petite enfance qui prend forme, malgré les enjeux RH et financiers

Avec peu de moyens techniques et financiers, et parfois une répartition communes-intercommunalité pas encore bien définie, des élus s'efforcent de mettre en place le service public de la petite enfance. Ils y voient notamment un progrès pour le dialogue entre tous les acteurs du territoire – la commune ou intercommunalité ayant désormais la légitimité associée au statut d'autorité organisatrice. 

Il y a un an, des élus présents au Congrès des maires avaient exprimé leurs inquiétudes sur la mise en œuvre à venir du service public de la petite enfance (SPPE), s'interrogeant notamment sur le niveau de compensation financière qui leur serait accordé (voir notre article). Un an plus tard, la première année de cette mise en œuvre s'achève et des maires et élus en charge de la petite enfance ont pu échanger sur leurs expériences respectives le 19 novembre 2025 lors d'un forum du 107e Congrès des maires. Avec d'abord une confirmation : cette "ambition", que l'Association des maires de France (AMF) avait soutenue, est "fragilisée par des moyens insuffisants".

Une compensation de l'État insuffisante 

"Nous estimions que le sujet était trop grave, trop important pour nous y opposer", rappelle Daniel Cornalba, maire de L’Étang-la-Ville et coprésident du groupe de travail petite enfance de l'AMF. Pour l'élu, l'enjeu du SPPE est en effet de "récréer la confiance" des familles après les scandales mis en lumière dans le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales de 2023 (voir notre article) et différents ouvrages (voir notre article). "Nous jouons donc évidemment le jeu du SPPE, mais donnez-nous les moyens qui vont avec", insiste le maire des Yvelines, qui indique que, "de l'aveu même de l'État, la compensation ne s'élève qu'à 50% de la réalité du coût". Après la publication de l'arrêté de répartition entre les communes (voir notre article) de ces 86 millions d'euros, la ministre des Familles, Stéphanie Rist, s'est engagée, dans un courrier adressé le 18 novembre 2025 aux maires, à ce que ce financement "soit versé à toutes les communes de plus de 3.500 habitants d'ici la fin de l'année, puis tous les ans". 

Les communes de moins de 3.500 habitants et les intercommunalités composées de petites communes ne toucheront rien. Une intercommunalité ayant au moins une commune de plus de 3.500 habitants et compétente sur une ou plusieurs missions du SPPE "devra récupérer son dû" par un tranfert financier des communes ayant reçu la somme, rappelle Clotilde Robin, adjointe au maire de Roanne et coprésidente du groupe de travail petite enfance de l'AMF. Il faut pour cela que la relation entre l'intercommunalité et les communes soit "la plus fluide possible". 

Des communes "légitimes pour réunir les acteurs"… et s'opposer à des projets 

Au-delà des quatre compétences formellement créées avec le SPPE – recensement des besoins, information et accompagnement des familles, planification de l'offre d'accueil et garantie de la qualité -, l'accent a été mis lors du forum sur la "légitimité" nouvelle de la commune (ou intercommunalité) devenue autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant. 

"Nous sommes légitimes pour pouvoir réunir les acteurs", a témoigné Clotilde Robin, en particulier lorsqu'il s'agit de donner un avis sur un projet d'installation d'une nouvelle structure. Le cas s'est présenté pour l'agglomération de Roanne, qui a consulté la protection maternelle et infantile (PMI) puis réuni la caisse d'allocations familiales (CAF), la commune d'accueil, avant de finalement rendre un avis défavorable. Ce dernier a pu être "argumenté" par l'intercommunalité qui s'est appuyée sur une foire aux questions (FAQ) du ministère des Solidarités listant les "fondements" sur lesquels l'autorité organisatrice forme son avis (exemple : "la zone choisie pour l'implantation comprend ou non une offre suffisante pour répondre à la demande actuelle ou projetée", l'installation "viendrait équilibrer ou déséquilibrer l'offre existante", "la grille tarifaire répond ou non aux critères d'accessibilité financière au regard de la sociologie de la zone", etc.) 

À L’Étang-La-Ville, un avis favorable a été à l'inverse donné pour un projet d'installation de micro-crèche, explique le maire. Ce dernier vante également le "dialogue beaucoup plus fructueux et fréquent" avec les acteurs de la petite enfance de sa commune, qui serait le fruit du SPPE. 

Transfert à l'intercommunalité : suite logique ou objet d'âpres négociations 

Pour Christine Fornès, maire d'Ambérieux-en-Dombes et vice-présidente de la communauté de communes Dombes Saône Vallée, le SPPE, transféré à l'intercommunalité qui gérait déjà les crèches et le relais petite enfance (RPE), permet d'"améliorer la discussion" entre les maires, en lien notamment avec la convention territoriale globale (CTG) signée avec la CAF. L'élue estime que le niveau intercommunal est le bon échelon, qu'une commune de 2.000 habitants comme la sienne "manque d'ingénierie". 

Dans un contexte plus urbain, Djida Djallali-Techtach, maire de Villiers-le-Bel, partage la même conviction mais a dû prendre son "bâton de pèlerin" pour aller convaincre ses collègues maires de la nécessité d'un transfert du SPPE à l'intercommunalité. Elle s'efforce notamment de les rassurer : non, ils ne perdront pas la main sur l'attribution des places en crèche. Tout en leur glissant que l'anonymisation des familles dans le cadre de l'attribution "rassure" les familles et "protège" les élus. 

Dédier des moyens CAF à la consolidation de l'existant 

Abordé plus succinctement lors du forum, l'enjeu des ressources humaines est pourtant au cœur des préoccupations des élus locaux et central pour garantir la qualité de l'accueil des jeunes enfants. La plupart des élus qui s'expriment témoignent de difficultés importantes de recrutement, de turnover dans les structures. Les départs à la retraite des assistantes maternelles réduisent par ailleurs l'offre d'accueil. "On en avait 50 il y a 10 ans, il en reste 10", indique la maire de Villiers-le-Bel. 

S'il manque au secteur de l'ordre de 6.000 postes ETP, l'AMF plaide pour que des moyens soient dégagés afin de consolider l'existant. Alors que des crédits CAF sont dédiés à la création de places, "l'un des combats que nous avons, c'est qu'une partie de cet argent qui n'est pas dépensé puisse être utilisé pour l'existant", souligne Daniel Cornalba. "Ce n'est pas anecdotique pour les maires, parce que le coût unitaire d'un berceau a augmenté ces dernières années, donc le choix de construire ou de ne pas construire à l'avenir dépend de la réalité de ce coût", ajoute-t-il. Pour mieux rémunérer leurs employés de crèche, les communes peuvent aussi se saisir du bonus attractivité. "On peut rajouter 100 euros nets à nos employés, c'est un bel encouragement", indique Jean-François Guillaume, maire de Ville-en-Vermois, commune de 600 habitants où une crèche de 27 berceaux a été créée dans le but de maintenir l'école sur le territoire. 

Les maires réitèrent en outre leur demande d'un "plan métier", alors que ce dernier avait été élaboré par tous les acteurs sous la houlette du comité de filière petite enfance. Désormais, on en attend beaucoup plus des professionnels, selon l'adjointe au maire de Roanne qui cite le soutien à la parentalité et l'approche globale du développement du jeune enfant (voir notre article sur le référentiel national qualité). Pour Clotilde Robin, "ce virage n'a pas été appréhendé et les formations d'hier ne sont pas adaptées à la profession d'aujourd'hui". 

 

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