Revalorisation des métiers de la petite enfance : des assistantes maternelles "à bout de souffle"
Représentant le premier mode d’accueil des jeunes enfants, les assistantes maternelles, par la voix de l’Ufnafaam, demandent au gouvernement davantage de "considération" et des actions rapides pour revaloriser un métier qui voit ses effectifs baisser d’année en année. Présidente du comité de filière petite enfance, Élisabeth Laithier s’inquiète des conséquences d’une "désertification de la profession" pour les territoires, notamment ruraux, qui ne peuvent compter que sur ce mode d’accueil.

© Marta NASCIMENTO/REA
Alors que les crèches font largement parler d’elles, les assistantes maternelles sont les "piliers invisibles de la structure qui soutient des milliers de familles françaises", pour l’Union fédérative nationale des associations de familles d’accueil et assistants maternels (Ufnafaam). Or, "le secteur des assistantes maternelles est à bout de souffle", alerte cette Union dans un communiqué du 23 juin 2025. Ce "cri d’alarme" vise à dénoncer ce "paradoxe" jugé "insupportable" : alors que "les assistantes maternelles représentent une part prépondérante des solutions d’accueil en France", les mesures promises par le gouvernement pour améliorer les conditions de travail et revaloriser le métier n’ont toujours pas été mises en œuvre. L’Ufnafaam déplore une "inertie gouvernementale" et demande de la "considération", des moyens et "les actions nécessaires à la dignité de [leur] profession".
Des territoires qui pourraient se retrouver dépourvus de solutions d’accueil
Avec l’accélération des départs à la retraite et le manque d’attractivité du métier, la baisse du nombre d’assistantes maternelles, et donc du nombre de places proposées aux familles, se poursuit alors que ce mode d’accueil est encore majoritaire (voir notre article). "Si cette désertification de la profession continue, on risque de se retrouver assez rapidement avec des pans entiers de notre territoire, notamment ruraux et semi-ruraux, qui ne seront plus pourvus en solutions d’accueil", s’inquiète Élisabeth Laithier. Interrogée par Localtis, la présidente du comité de filière petite enfance alerte sur les conséquences en cascade, en termes d’attractivité, qui pourraient concerner ces territoires.
Dès juillet 2023, le comité de filière, dont les organismes représentatifs des assistantes maternelles sont parties prenantes, avait formulé des propositions pour revaloriser l’accueil individuel en agissant sur différents leviers dont la formation, les conditions d’exercice et la rémunération. En octobre 2023, Aurore Bergé, alors ministre des Solidarités et des Familles, avait présenté un plan d’actions centré sur l’accueil individuel dont quelques mesures ont été mises en œuvre (par exemple le doublement de la prime d’installation). L’accueil individuel devrait également devenir plus accessible pour les familles, avec la réforme du complément de mode de garde (CMG) qui entrera en vigueur au 1er septembre 2025 et qui permet de rapprocher les restes à charge entre accueil individuel et collectif (voir notre article).
Assistante maternelle en crèche familiale : un statut à repenser pour sauver le modèle
Mais globalement, dans un contexte d’instabilité gouvernementale et de restrictions budgétaires, "les assistantes maternelles ont vu peu de choses arriver", confirme Elisabeth Laithier, qui estime que "l’accueil individuel a toujours été le parent pauvre" en matière de petite enfance. Les revalorisations salariales annoncées en mars 2024 (voir notre article) ne concernaient que l’accueil collectif de jeunes enfants. Et le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur l’accueil individuel n’a toujours pas été publié, bien qu’il ait été remis au gouvernement en réponse à une saisine de février 2024. "En raison de ce retard, de nombreuses initiatives et projets, cruciaux pour l’amélioration des conditions de travail et de vie des assistantes maternelles, sont suspendus", déplorait Sandra Onyszko, porte-parole de l’Ufnafaam, dans une tribune publiée en mai 2025 sur le média Les pros de la petite enfance.
"Des travaux nationaux sont en cours sur les crèches familiales puisque ce modèle jugé pertinent est en perte de vitesse totale", indique par ailleurs Élisabeth Laithier. "Entre 2018 et 2023, les crèches familiales ont perdu 40% de leurs places", a récemment rappelé Annick Bouquet, maire-adjointe à Versailles, sur le réseau LinkedIn. Avec notamment le Collectif national des assistants maternels en crèche familiale, l’élue se mobilise pour sauver ce "mode d'accueil de grande qualité mais hélas en péril".
Se pose en particulier la question du statut des assistantes maternelles travaillant en crèche familiale mais également en maison d’assistantes maternelles (MAM) ; le conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) plaide pour leur intégration dans la fonction publique territoriale (voir notre article). "Les assistantes maternelles qui sont en crèche familiale ont un statut complètement hybride : elles ne font pas partie de la fonction publique territoriale alors qu’elles dépendent des collectivités et n’ont pas le choix des enfants, des salaires, des congés – des éléments auxquels les assistantes maternelles indépendantes sont très attachées", décrypte la présidente du comité de filière. Pour cette dernière, les avantages qu’on donne aux professionnelles des crèches familiales (par exemple, avoir accès à un médecin ou un référent santé) "ne contrebalancent pas les inconvénients".
Endiguer la pénurie de professionnels : "On part des profondeurs et il faut retourner à la surface"
Plus globalement, malgré les efforts du comité de filière depuis trois ans, les résultats en termes d’attractivité des métiers de la petite enfance se font attendre. Elisabeth Laithier fait valoir les avancées obtenues : les revalorisations salariales dans les crèches, des campagnes de communication, le démarrage imminent d’un observatoire de la qualité de vie au travail… Mais n’est malgré tout pas optimiste, "au vu des remontées de terrain" et à l’approche de la publication par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) de données actualisées sur la pénurie de professionnels.
"Il y a une vraie volonté de la part des acteurs qui sont réunis au sein du comité de filière de faire bouger les lignes, de revaloriser ces métiers et d’endiguer la pénurie. Mais il n’y pas de miracle, on part de très loin parce qu’on a trop attendu, que ce soit en accueil individuel ou collectif", explique-t-elle. L’ancienne maire-adjointe de Nancy conclut : "On y arrivera mais c’est long, cela demande un effort collectif et un gros investissement financier de l’État. On part des profondeurs et il faut retourner à la surface."