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Logement social - Cour des comptes : la CGLLS, nouveau "dodu dormant" ?

La Cour des comptes rend public, après la réponse des ministres concernés, un référé sur les "conditions d'exercice des missions de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS)", portant sur les exercices 2002 à 2011. Etablissement public national à caractère administratif, la CGLLS a une double mission : d'une part, accorder sa garantie à des prêts consentis par la Caisse des Dépôts pour la construction, l'acquisition ou l'amélioration de logements locatifs sociaux ; d'autre part, contribuer, par des concours financiers, à la prévention et au redressement des bailleurs sociaux en difficulté. Pour exercer la première de ces missions, la CGLLS a le statut d'une "institution financière spécialisée" (IFS) et est donc soumise aux obligations prudentielles prévues par la réglementation "Bâle II" sur les ratios de solvabilité.

Une politique prudentielle très... prudente

Si le référé ne met pas en cause les missions et le fonctionnement de la Caisse, il se montre en revanche plutôt sévère sur sa politique prudentielle et celle de ses tutelles. La Cour rappelle ainsi que le volume des prêts garantis par la CGLLS ne représente que 3% des prêts réglementés accordés par la Caisse des Dépôts, ce qui correspond néanmoins à un encours de 2,8 milliards d'euros. Au passage, la Cour explique cette très faible proportion (pour un organisme voué à cette mission) par l'empressement des collectivités territoriales à apporter leur garantie aux opérations sur le logement social, ce qui dispense de solliciter la CGLLS.
Pour couvrir les sinistres éventuels, la Caisse disposait à son bilan 2011 (section du fonds de garantie) d'un total de 463,7 millions d'euros. Ceci correspond à un ratio de solvabilité d'environ 29%, alors que Bâle II prévoit que ce ratio doit seulement être d'au moins 8%. Comme l'indique le référé, "l'immobilisation de près d'un demi-milliard d'euros de fonds propres est hors de proportion avec la sinistralité de cette activité". En effet, depuis 2002, la CGLLS n'a été appelée que trois fois en garantie, pour un montant total limité à... 232.000 euros (que les bailleurs concernés ont d'ailleurs remboursé dès l'exercice suivant). Le montant de cette immobilisation est d'autant plus paradoxal que la CGLLS est financée par une cotisation des bailleurs sociaux, qui pèse, de ce fait, sur leur capacité d'autofinancement.
Autre paradoxe relevé par le référé : l'encours des garanties accordées a diminué au cours de la décennie 2000 - passant de 3,2 à 2,8 milliards d'euros -, alors que le montant du fonds de garantie s'est nettement accru sur la période, passant de 330,1 à 463,7 millions d'euros. Des remarques qui ne sont pas sans rappeler - dans un contexte certes différent - celles adressées aux célèbres "dodus dormants", ces organismes HLM qui accumulent des réserves au lieu d'investir dans de nouveaux logements.
La Cour propose donc aux tutelles d'étudier une solution radicale, en s'appuyant sur la très faible sinistralité constatée. L'Etat pourrait accorder sa garantie aux engagements en garantie souscrits par la CGLLS (ce qui équivaut à une contre-garantie), rendant ainsi disponibles les sommes bloquées sur le fonds actuel, dont le montant équivaut au financement d'environ 35.000 prêts locatifs aidés d'insertion (PLAI). Selon le référé, une opération de ce type avait déjà été mise en œuvre par la loi de finances pour 2006 sur la Société de gestion du fonds de garantie de l'accession sociale (SGFGAS), ce qui avait permis de transférer au budget de l'Etat 1,43 milliard d'euros du fonds.

Des aides qui ne contribuent pas assez à l'efficience des organismes HLM

Le référé émet également des réserves sur la seconde mission de la CGLLS : les aides apportées aux bailleurs sociaux. Il estime en effet que ces aides "ne contribuent pas suffisamment à l'efficience du secteur HLM". Sur ce point, la Cour rejoint les préconisations de la direction générale du Trésor, qui pousse à renforcer le caractère subsidiaire et la conditionnalité des aides. La Cour relève en effet que 28% des plans d'aide ont un caractère récurrent et que la CGLLS n'utilise pratiquement pas la possibilité de suspendre le versement de ses aides en cas de non-respect des engagements de l'organisme.
Dans leur réponse, le ministre de l'Economie et des Finances et celui du Budget estiment que le niveau des fonds propres de la CGLLS "n'est pas anormal", mais rappellent que la récente décision du gouvernement de centraliser la trésorerie de ses opérateurs répond pour partie aux observations de la Cour. Ils renvoient également aux travaux à venir du groupe de travail sur les missions et l'organisation de la CGLSS, mis en place dans le cadre du pacte entre l'Union sociale pour l'habitat (USH) et l'Etat (voir notre article ci-contre du 9 juillet 2013). La porte reste donc entrouverte pour une évolution du cadre juridique et du fonctionnement de la CGLLS, sans doute sous la forme d'amendements au projet de loi Alur (pour l'accès au logement et un urbanisme rénové), dont l'examen débute le 10 septembre à l'Assemblée.