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Délinquance enregistrée : 2021, encore un mauvais cru

Une "photographie provisoire" de la délinquance enregistrée en 2021 fait état d’une hausse plus que sensible de plusieurs indicateurs, qui dépasse même les deux chiffres pour les victimes de coups et blessures volontaires, les escroqueries et les violences sexuelles. Des augmentations que le ministre explique par le contexte de libération de la parole et l’essor de la cyberdélinquance.

Les années se suivent, et malheureusement se ressemblent, en matière de délinquance enregistrée. Après une année 2019 "oscillant entre médiocre et mauvais", selon le criminologue Alain Bauer (voir notre article), et une année 2020 particulière, le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) relève que "les indicateurs de la délinquance enregistrée qui étaient en légère hausse sur l’année 2020 malgré le contexte de la crise sanitaire poursuivent voire accélèrent en 2021 leur forte tendance haussière d’avant crise".

Hausses à deux chiffres

Dans ce qui n’est qu’encore qu’une "première photographie" – le bilan complet sera publié en juin –, le SSMSI relève notamment que le nombre de victimes de coups et blessures volontaires enregistrées "augmente très fortement en 2021 (+12%, après +1% en 2020 et +8% en 2019)", et ce "sur une grande majorité du territoire". Quatre départements portent toutefois "à eux seuls un cinquième de la hausse" : le Nord, Paris, les Bouches-du-Rhône et le Rhône. La hausse atteint même +14% pour les victimes de violences intrafamiliales. Pour ces dernières, est avancé "l’effet positif du Grenelle des violences conjugales".

Le service note que la hausse est "également très nette" pour les escroqueries (+15%, après +1% en 2020 et +11% en 2019, plus de la moitié suite à un achat sur Internet) "et encore plus forte pour les violences sexuelles enregistrées" (+33%, après +3% en 2020 et +12% en 2019), qui concerne autant les viols et tentatives de viol que les autres agressions sexuelles. Ces violences dépassent désormais les 21.000 par trimestre (données CVS-JO), contre moins de 7.000 au 1er trimestre 2012. Le SSMSI explique notamment cette lourde tendance haussière par "une évolution du comportement de dépôt de plaintes des victimes, y compris pour des violences subies plusieurs années auparavant, dans le climat de l’affaire Weinstein et des différents mouvements sur les réseaux sociaux pour la libération de la parole des victimes". Il met également en avant le "contexte d’amélioration des conditions d’accueil des victimes". Ainsi, la proportion des violences sexuelles commises plus de 5 ans avant leur enregistrement atteint 19% en 2021, et même 26% pour des faits anciens sur mineurs, dans "un contexte de révélations sur des faits d’inceste et la parution en octobre du rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église".

Ou hausses plus "modérées"

Les indicateurs qui avaient fortement reculé en 2020, "dans le contexte de début de crise sanitaire", rappelle le SSMSI, repartent également à la hausse, plus "modérée" toutefois : +5% pour les vols sans violence contre des personnes (où le tiers de la hausse est portée par le département du Rhône, où elle atteint +27%), +4% pour les vols d’accessoires sur véhicules et + 1% pour les vols dans les véhicules et les destructions et dégradations volontaires. À l’exception des mis en cause pour usage (+38%) ou trafic (+13%) de stupéfiants, conséquence de la mise en place de l’amende forfaitaire délictuelle. Mais aussi des homicides (+43 victimes, pour atteindre 1.206, chiffres provisoires), pour lesquels le taux est plus élevé outre-mer qu’en métropole (dans cette dernière, il est le plus important en Corse et en Paca). En revanche, les cambriolages de logements (les situations étant toutefois contrastées d’un département à l’autre : +21% dans la Vienne ou en Corrèze, -21% en Martinique, dans la Nièvre ou le Calvados) et vols de véhicules sont stables (la situation étant là encore très disparate d’un territoire à l’autre). Les vols violents, eux, diminuent (-2%). En ce domaine, le SSMSI relève que les baisses du nombre de vols violents sans arme enregistrés à Paris et en Seine-Saint-Denis "contribuent pour plus de la moitié à la baisse nationale".

Libération de la parole et cyberdélinquance

Prenant connaissance de ces résultats, le ministre de l’Intérieur s’est lui félicité de la "poursuite de la baisse engagée depuis le début du quinquennat", mettant en avant la "baisse historique des atteintes aux biens". S’agissant des augmentations des atteintes aux personnes et des escroqueries, il estime que les premières s’expliquent "principalement par la hausse du nombre de victimes déclarées de violences intrafamiliales (+57%) et de violences sexuelles (+82%)" qui "s’inscrivent dans le contexte de la libération de la parole et de la meilleure prise en considération de ce sujet par les forces de l’ordre". Et que les secondes tiennent notamment à "l’augmentation de la cyberdélinquance". Enfin, il indique que le nombre d’homicides s’inscrit "dans le contexte de la lutte sans relâche contre les trafics de drogue qui impliquent des règlements de compte".

 

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