Les Escales numériques, deux décennies d'inclusion numérique dans les Landes (40)

Tout commence par une initiative visionnaire d’Henri Emmanuelli. Sentant le virage numérique, le président du Département des Landes décide de créer des Ateliers multiservices informatiques (AMI) dans le but de démocratiser l’outil numérique et l’accès à internet. Plus de vingt ans plus tard, quelques AMI ont disparu et d’autres ont été repris en main par les communautés de communes, comme celle de Maremne Adour-Côte Sud (MACS), dans les Landes. Les trois espaces numériques ont évolué et sont devenus les Escales numériques, un service gratuit à destination principalement du grand public. 

Une fracture numérique qui touche tous les profils

Et le public répond présent. En 2024, plus de 500 habitants du territoire sont venus y suivre des ateliers ou demander des conseils. « Nous y accueillons des retraités qui n'ont jamais manipulé d'ordinateur, mais aussi des jeunes très à l'aise sur les réseaux sociaux mais incapables de remplir un formulaire en ligne », explique Frédérique Charpenel, vice-présidente de la communauté de communes, en charge du numérique. Contrairement aux idées reçues, la fracture numérique touche des profils très divers. « Elle n'est pas liée à l'âge, ni au niveau d'études, ni aux moyens financiers », liste Benoît Estevez, responsable des Escales numériques. « Nous recevons des gens qui ont eu des postes à responsabilité, mais qui étaient très assistés dans leurs tâches », donne-t-il pour exemple. Et le constat est le même pour tous : « Aujourd'hui, ne pas maîtriser l'outil, c'est être en marge de la société et ne plus pouvoir fonctionner. »

Les Escales numériques proposent des ateliers de formation thématiques : sur deux demi-journées, le jeudi matin et le vendredi matin, les participants volontaires viennent acquérir des compétences de base, au sein de groupes composés au plus de dix personnes. « Nous avons développé huit modules, que nous actualisons régulièrement. Cela concerne l’ordinateur, internet, le traitement de texte, le tableur, mais aussi des sujets en lien avec l’actualité, comme la cybersécurité », liste Benoît Estevez, qui développe en ce moment un nouveau module sur l’intelligence artificielle. « Nous essayons d’anticiper les problématiques auxquelles vont être confrontés les gens. »

Des formations sur-mesure développées pour les agents des collectivités

La Direction des services informatiques (DSI) de MACS, dont dépendent ces espaces, a eu la bonne idée de proposer des ateliers pour les agents des communes et de l’intercommunalité de MACS. « Depuis deux ans, nous avons ouvert les formations en interne. Les agents nous sont envoyés par les ressources humaines, qui décèlent un besoin. Les formations sont gratuites pour les communes et adaptées aux usages quotidiens des agents. » En 2024, quelque 200 agents se sont formés via les Escales numériques et onze modules ont été créés spécifiquement pour eux, notamment sur des logiciels utilisés pour les cantines, la gestion, la transmission des ordres du jour des conseils municipaux ou encore la cybersécurité.

Pour réussir ces formations internes, la DSI a suggéré d’ôter toute contrainte pour les agents participants. « Nous avons fait le choix de ne pas devenir organisme de formation, de ne pas donner de compte rendu. C’est un vrai positionnement, car ces agents viennent parfois sans l’avoir choisi. Ils peuvent être très éloignés du numérique, voire ne pas aimer ça du tout. Si on leur impose des tests, des comparaisons, c’est l’échec assuré. Nous voulons supprimer les freins de base pour les aider à franchir le pas », développe Benoît Estevez. 

Un accompagnement humain essentiel

Le résultat est à la hauteur : les agents viennent en confiance et se libèrent. « Les quatre formateurs sont une espèce d’épaule numérique sur laquelle les agents en formation peuvent s’appuyer, pour confier des choses dont ils ont un peu honte. Cela peut être par exemple une secrétaire de mairie qui ne sait pas se servir d’un traitement de texte, mais aussi des élus qui viennent accompagnés de leurs agents pour comprendre le fonctionnement d’un outil spécifique. » 

Vingt ans après leur création, les Escales numériques sont devenues indispensables sur le territoire. Et une source d’inspiration. « Des élus de toute la France, lors de leur passage, se sont intéressés à notre fonctionnement. Ils posent beaucoup de questions et sont très curieux », signale encore le responsable des Escales. Qui ne doute pas une seconde de leur intérêt, ni de leur pérennité. « La fracture numérique n'est pas quelque chose qui va se résorber sous deux ou trois ans. Je ne vois pas comment les Escales numériques pourraient disparaître, cela laisserait énormément de gens en détresse. » Frédérique Charpenel, l’élue en charge du numérique, abonde dans son sens. « Évidemment, on ne va pas lâcher les Escales ! Ça n’a jamais été remis en cause. Au contraire, l’idée est plutôt d’aller encore plus loin dans l’accompagnement. Le numérique évolue tellement vite ! Il y aura toujours besoin d’un être humain pour essayer de comprendre les problèmes de chacun et avoir un peu d’empathie », conclut l’élue.