Fibre : un nouveau module d'e-intervention promet d'éradiquer les débranchements intempestifs
Bouygues Telecom, Orange et SFR annoncent la généralisation d'un dispositif permettant aux techniciens de détecter et réparer immédiatement les débranchements accidentels lors de leurs interventions sur les armoires fibre. Une réponse technique bienvenue, qui reste incomplète et n'efface pas les problèmes structurels de qualité que dénoncent les collectivités. L'Avicca estime que la proposition de loi sur la qualité des raccordements reste d'actualité.
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Orange, Bouygues Telecom et SFR ont annoncé le 4 décembre 2025 la "généralisation d'e-intervention (lot 2)". Une application mobile qui vise à réduire l'un des principaux irritants de la fibre optique : les coupures de connexion provoquées involontairement lors d'interventions techniques dans un point de mutualisation (PM).
On en parle depuis 4 ans
Cette application est le résultat d'un long processus. L'Arcep évoquait déjà "un outil de notification en temps réel des interventions" dans son point d'étape sur le plan qualité fibre publié en novembre 2021. Le projet a ensuite été découpé en deux lots. Le lot 1, déployé progressivement à partir de l'été 2022, permet déjà de notifier aux opérateurs d'infrastructure (OI) et commerciaux (OC) du début et de la fin des interventions.
Le lot 2, défini à l'automne 2024, va un cran plus loin. Intégré directement dans l'interface mobile des techniciens terrain, il entend éviter toute déconnexion d'un client en les alertant d'une coupure et en leur imposant, en lien avec les opérateurs concernés, le rétablissement de la connexion avant de quitter le PM. Il a été conçu à partir de "check voisinage", un logiciel libre développé dès 2021 par Bouygues Telecom et repris dans le cadre des travaux d'Interop'Fibre. Testé en version pilote en septembre 2025 en Gironde, il a été étendu à plusieurs départements en octobre 2025.
Le déploiement de la solution se fera en 2026 avec l'intégration progressive de l'outil par d'autres OI gérant des réseaux d'initiative publique (Altitude, Axione). Car pour le moment, elle ne marche que sur les réseaux d'Orange en zone dense et les réseaux d'initiative publique d'Orange Concessions.
Une avancée sous réserve de sa généralisation
Cette annonce suscite un accueil mitigé à l'Avicca. "Quatre ans pour qu'un outil conçu en 2021 soit implémenté partout, ça traduit une absence de volonté des acteurs d'aller vite", cingle son délégué général, Ariel Turpin. En outre, "le fait que Free n'en soit pas annonce un échec. Car ça ne peut marcher que si tout le monde l'utilise." "Sans Free, le "ping-pong" entre opérateurs dénoncé par la présidente de l'Arcep continuera" promet-t-il. Le déploiement risque en outre de "prendre du temps" car il nécessite des développements au sein des systèmes d'information des OI. Et de regretter l'absence des OI dans un projet où "la Fédération française des télécoms [représentant les OC] décide et les OI doivent suivre."
Néanmoins, l'Avicca estime que l'outil est à ce jour "le seul vraiment opérationnel" parmi toutes les solutions proposées par la filière depuis 2020 (relevés photos, auto-labellisation des techniciens...). A court terme, il devrait diminuer la fréquence de la première cause de plainte, mais ne résoudra ni les armoires mal câblées, ni le déficit de formation des intervenants. Ce qui fait que la proposition de loi sur la qualité des raccordements est toujours d'actualité.
Trois parlementaires appellent à examiner la proposition de loi qualité
Dans une tribune publiée fin novembre 2025, les sénateurs Patrick Chaize et Jean-Louis Thieriot, avec le député Emmanuel Maurel, ont dénoncé un "déni de réalité" de la part des pouvoirs publics sur les problèmes de raccordement à la fibre.
Ils estiment le "blocage" de la proposition de loi visant à améliorer la qualité des raccordements à la fibre optique "injustifié" alors qu'elle a été votée à l'unanimité par le Senat. Le gouvernement justifierait ce blocage par une prétendue "déstabilisation" du mode STOC (Sous-traitance opérateur commercial), argument que les parlementaires réfutent, expliquant que le texte ne remet pas en cause le mode Stoc mais le valide législativement et cherche à corriger ses dérives.
La tribune souligne que l'absence de cadre législatif conduit à "une cascade de sous-traitants mal formés et sous-payés, entraînant des raccordements de mauvaise qualité". Ils pointent même une augmentation des accidents professionnels dans le secteur des télécoms alors que ceux-ci diminuent dans les autres branches du BTP.
Les parlementaires demandent au nouveau gouvernement et à la ministre Anne Le Hénanff de "prioriser" la proposition de loi en l'inscrivant à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. A minima pour qu'il y ait un "débat public" sur un sujet qui impacte la vie des Français.