Jeux olympiques et paralympiques 2030 : les députés achèvent l’examen du projet de loi, avant le vote solennel le 6 janvier
L’Assemblée nationale a examiné tout schuss le projet de loi relatif à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) d’hiver 2030 dans les Alpes françaises, avant la trêve des confiseurs. Contesté à gauche de l’hémicycle pour ses nombreuses mesures dérogatoires et son impact environnemental, le texte, déjà adopté en première lecture au Sénat, devrait éviter la sortie de piste, et être largement approuvé par les députés, lors du vote solennel prévu le 6 janvier prochain. La ministre des Sports, Marina Ferrari, s’est déjà félicitée du rétablissement, en commission, du principe d’une garantie commune entre l’État et les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur, afin de compenser une part éventuelle du déficit du comité d’organisation des Jeux (Cojop).
© Capture vidéo Assemblée nationale/ Olga Givernet, Béatrice Bellamy, Christophe Proença, Bertrand Sorre et Marina Ferrari
Les députés ont achevé tard dans la soirée, ce 18 décembre, l’examen en séance, en première lecture, du projet de loi relatif à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) d’hiver 2030 dans les Alpes françaises, engagé en début de semaine. Le vote solennel n’est toutefois prévu que le 6 janvier prochain. Ce texte, construit sur le modèle des lois adoptées en 2018 et 2023 pour les Jeux de Paris 2024, contient une batterie de dispositions exorbitantes du droit de l’urbanisme, de l’environnement et de la participation du public pour tenir les échéances de livraison de l’ensemble des équipements nécessaires à l'évènement. Il comprend par ailleurs plusieurs dispositifs inédits, en particulier s’agissant de la sécurisation des grands évènements. Un volet sécuritaire qui braque particulièrement la gauche de l’hémicycle, s’agissant notamment de reconduire l’expérimentation de la vidéoprotection algorithmique jusqu’à fin 2027.
Ce texte est "une boîte à outils essentielle pour lancer les chantiers structurants" des JO 2030, avait relevé quelques jours auparavant, la ministre des Sports, Marina Ferrari, en audition devant la commission des affaires culturelles. "Plus on attend, plus on a le risque que les chantiers nous coûtent parce qu'il va falloir qu'on travaille en 2/8, voire en 3/8", a-t-elle insisté.
Un examen sous-tension
Ce projet de loi relatif à l'organisation des JO 2030, adopté au Sénat en juin dernier, a déjà pâti de la crise politique, puisqu’il devait initialement arriver devant l'Assemblée nationale en septembre. Et les problèmes de gouvernance survenus ces dernières semaines ne favorisent pas la sérénité des débats. Le comité d'organisation des JOP (Cojop) vient d’essuyer un sérieux revers avec la démission surprise de sa directrice des opérations, Anne Murac, en poste depuis cinq mois seulement. D’autant qu’elle était entre autres chargée d’une tâche clef : superviser la "carte des sites" (attendue pour juin 2026), qui attribue les différentes compétitions aux quatre grands pôles, Savoie, Haute-Savoie, Nice et Briançonnais, et pour laquelle figurent encore plusieurs inconnues, comme la réintégration définitive de Val d'Isère dans le projet pour accueillir les épreuves techniques de ski alpin, ou encore la localisation en Italie ou aux Pays-Bas de l'anneau de vitesse. Le Cojop a par ailleurs fait part de la démission de deux administrateurs, l’ancien patron de Jeux de Paris 2024 Tony Estanguet et le biathlète Martin Fourcade, "pour éviter les conflits d’intérêts".
Un autre couac est venu d’un des départements hôtes. Début décembre, le conseil départemental de Savoie, par la voix de son président Hervé Gaymard, a annoncé "suspendre jusqu'à nouvel ordre" sa participation aux réunions de préparation de l’événement, refusant notamment d'être "une variable d'ajustement budgétaire".
Des procédures contentieuses sont par ailleurs en cours, devant un organe des Nations unies, le Comité d'examen du respect des dispositions de la Convention d’Aarhus - que la France a ratifiée -, et devant plusieurs tribunaux administratifs français, à l'initiative d’associations environnementales et du collectif citoyen JOP 2030, pour dénoncer "l'absence de participation du public au processus décisionnel" avant la candidature comme depuis l'attribution des Jeux. Le collectif citoyen JOP 2030, accompagné de députés LFI et écologistes munis de chèques en blanc factices, s’est posté devant l'Assemblée nationale le 10 décembre, pendant que le président et le directeur général du Cojop étaient entendus sur le projet de loi, pour rappeler sa position contre ce projet "coûteux et anti-démocratique".
Rétablissement de la garantie financière des deux régions hôtes…
Le projet de loi a été examiné par cinq commissions saisies au fond et pour avis - comme au Sénat -, qui ont adopté au total une trentaine d’amendements. En séance, une quarantaine d’amendements a également été approuvée par les députés - dont bon nombre sont revenus sur des ajouts en commission rendant difficilement lisible le travail parlementaire. Le texte qui a fait l’objet d’une motion de rejet préalable défendue par Jean-François Coulomme, député LFI de Savoie, a franchi sans difficulté ce premier obstacle. Les écologistes qui ont voté pour la motion aux côtés des insoumis pourraient également faire barrage à l’adoption du texte.
Les socialistes devraient en revanche l’approuver, malgré des inquiétudes partagées, dans un contexte de réchauffement climatique et de forte contrainte financière pour les collectivités. D’autant que la facture finale des JOP 2030 reste incertaine. Le 20 octobre dernier, le conseil d’administration du Cojop a adopté à l’unanimité le budget, qui atteint désormais 2,132 milliards d’euros, car il prend "en compte les aléas", a souligné en séance la ministre des Sports. "(…) Ce montant est cohérent avec la ligne de sobriété budgétaire que nous nous sommes fixée. Trois quarts du budget proviennent de fonds privés". "Notre gestion est très prudente et, [avec ce texte] nous nous dotons d’outils afin de rester au plus près de cette prévision budgétaire", a t-elle assuré.
S’agissant d’exigence budgétaire, Marina Ferrari s’est d’ailleurs félicitée de la réintroduction, dès le stade de la commission, du principe d’une garantie commune entre l’État et les régions Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) afin de compenser, une part éventuelle du déficit du Cojop (art.5), objet d’une suppression au Sénat. Le texte rétablit seulement une faculté, qui ne pourra être activée que si les régions en conviennent avec l’État et uniquement dans le cadre d’une convention. Cette garantie sera en outre doublement plafonnée : à un quart du solde déficitaire pour chaque région, et dans la limite d’un pourcentage de leurs recettes réelles de fonctionnement.
… et réintégration du ZAN
Également très discuté, l’article 18 bis, introduit au Sénat, qui prévoit d’exclure de la trajectoire zéro artificialisation nette (ZAN) l’ensemble des consommations foncières liées aux constructions nécessaires aux JOP 2030. "La commission du développement durable a fait un choix politique clair : elle a voté la suppression de cet article. Toutefois, la commission des affaires culturelles n’a pas suivi ce choix et l’a conservé", a déploré sur le fond et la forme la rapporteure Olga Givernet (EPR), lors de la discussion générale. "Le bilan d’artificialisation des Jeux des Alpes de 2030, qui se situera à environ 20 hectares, est faible, mais nous devons conserver cette exigence (…) en cohérence, si nous poursuivons cet objectif de sobriété et d’exemplarité écologique", a appuyé la ministre. En séance, les amendements de suppression de l’article 18 bis présentés par la rapporteure et des députés de gauche ont finalement été adoptés. Ce vote a fait tomber l’amendement du gouvernement qui proposait de mutualiser l’artificialisation des JO 2030 à l’échelle nationale au titre des projets d’envergure nationale ou européenne (Pene).
L’Assemblée nationale a aussi apporté les modifications suivantes :
Dispositions permettant le respect des stipulations du contrat-hôte (titre 1er)
Comme pour les jeux de Paris 2024, des dérogations ciblées et temporaires au respect du règlement national de publicité et règlement local de publicité sont prévues (art.3) pour l'installation de compte à rebours dans les communes olympiques ainsi que pour l'affichage publicitaire. Cette publicité ne peut être réalisée au moyen d’aéronefs (précise un amendement en séance de Valérie Rossi-socialiste).
L’estimation et le bilan de l’impact environnemental des JOP devront également tenir compte de l’artificialisation des sols (amendement en commission de Marie Pochon-Ecologiste), ainsi que des effets de la surconsommation d’eau sur les populations locales et les terres agricoles (amendement de Jean-François Coulomme – LFI) - art. 3bis.
Un article additionnel ajouté en séance (amendements des écologistes et des socialistes) inscrit les JOP 2030 dans une trajectoire zéro déchet et zéro plastique à usage unique pendant l’événement. Il y associe la publication par le comité d’organisation d’un plan d’action spécifique, en lien avec les communes concernées, à l’instar de ce que propose la charte Montagne zéro déchet 2030. Il est aussi proposé d’interdire la vente et la distribution de bouteilles en plastique de petit format pendant toute la durée des jeux.
Un nouvel article 5 bis prévoit la remise par le gouvernement d’un rapport au Parlement sur le montant, la répartition et l’utilisation de l’excédent d’exploitation éventuel résultant de l’organisation des JOP 2030 (ajout en commission).
Dispositions relatives à l’éthique et à l’intégrité (titre 2)
Les volontaires bénévoles appelés à participer à l’organisation des Jeux seront formés au handicap -art. 6 (amendement des socialistes en séance). La charte du volontariat présente une stratégie de valorisation de l’engagement des volontaires bénévoles (amendement de Géraldine Bannier- démocrate)
Un nouvel article (après l’art.6) ouvre les jeux paralympiques de 2030 à tous les athlètes présentant un handicap mental (amendement DR en séance).
Les députés ont rétabli (en commission) la participation d’un député et d’un sénateur au comité d’éthique et au comité des rémunérations, avec voix délibérative (art.7).
Ils ont également élargi le champ du rapport annuel aux commissions permanentes chargées des sports de l’Assemblée nationale et du Sénat aux vingt rémunérations les plus importantes des dirigeants du Cojop (art.7).
Le rapport de la Cour des comptes sur l'organisation, le coût et l'héritage des JOP devra être transmis au Parlement au cours du second semestre de l’année 2028 (précision en commission). L’article 8 reprend dans un seul et même article les dispositions de l’article 8 Bis, qui, en cohérence, est supprimé (séance).
Un nouvel article 8 bis A prévoit un rapport public présentant un suivi d’ensemble des dépenses fiscales relatives aux JOP de Paris 2024 et à la mission budgétaire "Sport, jeunesse et vie associative" (ajout en commission-amendement de Jean-Claude Raux-Ecologiste).
Un nouvel article (après l’article 11) est introduit pour contraindre les clubs nationaux à mettre à disposition leurs joueurs de nationalité française convoqués pour participer aux JOP (amendement en séance du rapporteur Christophe Proença et des socialistes).
Dispositions relatives à l'aménagement, à l'urbanisme, à l'environnement et au logement (titre 3)
En séance, le gouvernement est revenu sur des modifications adoptées en commission, notamment en rétablissant le caractère systématique (et non facultatif) du recours à la procédure de participation du public par voie électronique (PPVE) ad hoc prévue à l’article 12 pour les décisions ayant une incidence sur l'environnement nécessaires à la préparation, l'organisation ou le déroulement des JOP 2030. Pour répondre aux inquiétudes, un article additionnel (après l’art.12) organise au moins une réunion publique physique dans chaque bassin de vie accueillant des compétitions sportives ou des villages des athlètes à l’occasion des JOP 2030 afin d’informer les résidents, notamment sur les enjeux environnementaux associés.
L’occupation temporaire des terrains privés pour permettre la réalisation ou l’implantation temporaire des constructions, installations et aménagements nécessaires aux JOP 2030 inclut la période nécessaire au démontage et à l’enlèvement - art.16 (précision en commission).
L’article 18 a été réécrit entièrement en commission, pour reprendre l'apport du Sénat qui consistait à transférer du préfet au maire la compétence de prorogation, mais en réservant la possibilité de prorogation aux autorisations précaires délivrées avant l'entrée en vigueur de la loi. En séance, le gouvernement a également rétabli la durée maximale de prorogation telle que prévue dans le texte initial, à savoir pour une durée maximale de six ans après la date d'enlèvement initialement fixée.
A l’article 20, l’expérimentation permettant, dans les départements hôtes des JOP 2030, aux collectivités territoriales et à leurs groupements de porter des opérations combinant les effets d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat (Opah) et d'une opération de réhabilitation de l'immobilier de loisir (Oril) est étendue - à l’initiative du gouvernement -, à l’ensemble du massif des Alpes.
L’article 21 a été réécrit en commission pour prescrire l’élaboration par les régions Aura et Paca, dans l’année suivant la promulgation de la loi, d’un rapport plus ambitieux détaillant l’ensemble des mesures de renforcement de l’offre de transports publics desservant les sites des Jeux, en donnant la priorité aux projets ferroviaires et aux autres transports collectifs structurants (amendement de Denis Fégné-Socialiste, sous-amendé par Marie Pochon-Ecologiste).
En séance, la rapporteure Olga Givernet a obtenu la suppression d’une disposition redondante - l’article 21 bis introduit en commission - sur l’élaboration par les régions Aura et Paca d’un rapport spécifique sur le développement de la mobilité durable pendant les JOP 2030 et sur l’amélioration pérenne de la desserte des territoires de montagne.
Toujours en séance, l'article 22 a été complété pour permettre aux préfets d'ajuster les modalités de réservation des voies olympiques, au regard notamment de l'existence de routes à 2 x 1 voie, afin d'autoriser l'accès des résidents, salariés et entrepreneurs aux habitations et commerces riverains de ces voies réservées à certaines périodes de la journée (amendements de Virginie Duby-Muller-DR et Valerie Rossi-Socialiste). En revanche, l'autorisation de circulation des véhicules en covoiturage (introduite en commission) est retirée. Dans le cadre de la détermination des voies réservées, le principe de la consultation des autorités détentrices du pouvoir de police de la circulation est proposé en complément de la consultation déjà prévue pour la détermination des voies de délestage.
L’article 22 bis (introduit en commission) a aussi fait l’objet d’une réécriture en séance (amendement de Sébastien Peytavie-Ecologiste) pour donner un cadre au dispositif de licences de taxis dédiées au transport de personnes à mobilité réduite lors des JOP 2030.
Les députés ont augmenté de quatre à dix m2 l’emprise sur les propriétés privées permettant d’installer des pylônes pour les remontées mécaniques (amendement en séance de Vincent Rolland-DR) et diminué la hauteur minimale de survol à proximité des propriétés privées pour les ascenseurs valléens jusqu’à 10 mètres au lieu de 20 mètres (commission) - art. 24. Le texte propose également une définition de l’ascenseur valléen - une remontée mécanique n’ayant pas pour objet de desservir un domaine skiable - reprise de celle déjà connue en droit de l’urbanisme pour l’institution des unités touristiques nouvelles (amendement du gouvernement en séance).
Un amendement adopté en commission prévoit l’extension des possibilités de recours à la procédure de conception-réalisation aux opérations d’aménagement nécessaires à l’organisation des JOP 2030 (art. 26).
Un autre adopté en séance (porté par Vincent Rolland-DR) introduit un article additionnel (après l’art.26) qui prévoit de réserver en priorité les marchés aux entreprises implantées dans les régions hôtes, notamment les micro-entreprises, les PME ou les artisans.
Le bénéfice de l'article 27 bis - qui autorise les bâches publicitaires sur des immeubles bénéficiant du label "architecture contemporaine remarquable" (jusqu’au 31 mars 2030) - est recentré sur les seuls départements concernés par le déroulement d'au moins une épreuve (amendement de repli des socialistes en séance). L’affichage autorisé devra contribuer à la création artistique, ou présenter des éléments de contextualisation historique, architecturale ou paysagère en lien avec l’immeuble ou son territoire (amendement de Celine Calvez -EPR sous-amendé par le rapporteur Christophe Proença-Socialiste).
Deux articles additionnels (après l’art.27 ter), introduits en séance par amendement par Eric Martineau-Les démocrates, prévoit d’étendre les compétences de la cour administrative d’appel de Marseille aux actes déférés par les préfets en lien avec les projets olympiques pour l’un, et de lui attribuer également, la compétence de juger les référés pré-contractuels et contractuels, pour l’autre.
Dispositions relatives à la santé et au travail (titre 4)
Le texte autorise dans les cas d’urgence médicale, des professionnels de santé bénévoles dûment accrédités (dont l’exercice était cantonné aux polycliniques) à intervenir sur les sites de compétition -art. 29 (ajout en commission).
L’autorisation d’ouverture dominicale devra être octroyée par le préfet au moins deux mois avant le premier dimanche concerné -art.30 (ajout en commission-amendement de Pierrick Courbon-Socialiste). Cette possibilité se limite aux communes de l'EPCI où sont implantés les sites de compétition (précision en séance par amendement des socialistes). Le salarié refusant de travailler le dimanche ne peut pas subir de préjudice relatif à son contrat de travail (amendement des députés LFI).
Dispositions relatives à la sécurité (titre 5)
La rédaction de l’article 31 revient à la version initiale du texte, limitant clairement la nouvelle compétence d’inspection des coffres dévolue aux agents privés de sécurité (modification en commission). Il est précisé que le conducteur et ses passagers qui auraient refusé de se soumettre à l’inspection visuelle du véhicule pourront tout de même accéder à pied au site concerné (amendement de Sandra Regol-Ecologiste).
La formation des agents chargés de traiter les signalements issus du traitement algorithmique comprendra des éléments sur les enjeux liés aux libertés publiques et à l’éthique - art.35 (amendement de Sandra Regol).