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Personnes âgées - La CNSA procède à un "big bang" dans la répartition des concours APA

A l'occasion de son dernier conseil d'administration, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a adopté une réforme en profondeur des clés de répartition de ses 1,54 milliard d'euros de concours financiers aux départements au titre de l'APA. Outre cette réforme, qui fera des gagnants et des perdants, le conseil s'est prononcé sur plusieurs points qui intéressent très directement les collectivités.

Le dernier conseil d'administration de la CNSA, qui s'est tenu le 29 juin, s'est déroulé dans une ambiance plus consensuelle que d'habitude. Ceci ne signifie pas, pour autant, que l'ordre du jour ne comportait pas des délibérations importantes. Bien au contraire, plusieurs décisions essentielles ont été prises au cours de cette réunion, dont plusieurs intéressent très directement les départements.

De nouvelles clés de répartition

La décision la plus importante - adoptée à l'unanimité par le conseil d'administration - concerne les modalités de calcul de la contribution de la CNSA aux dépenses d'allocation personnalisée d'autonomie. L'enjeu est de taille, puisque ces concours aux départements au titre de l'APA ont représenté 1,548 milliard d'euros en 2009, sur une dépense totale de 5,028 milliards. Les clés de répartition de cette enveloppe se sont en effet rapidement révélées inadaptées. La prise en compte, parmi les critères, du nombre de bénéficiaires du RMI (aujourd'hui RSA socle) dans le département - supposé refléter les difficultés sociales du territoire - favorisait en effet certains grands départements urbains, qui ont un nombre important de bénéficiaires du RMI, mais un nombre proportionnellement plus faible d'allocataires de l'APA. La CNSA a donc procédé à une remise à plat complète de ses critères de répartition. Premier changement : le nombre de bénéficiaires du RSA ne sera plus pris en compte. Les autres clés de répartition sont maintenues, mais leur pondération est très fortement modifiée :
- le critère du nombre de personnes âgées de plus de 75 ans passe d'une pondération de 50% à une pondération de 40%,
- le critère de la dépense d'APA par habitant passe de 20% à 60% (ce qui s'apparente à une évidence qui aurait pu être mieux prise en compte dès le départ),
- le critère du potentiel fiscal, qui permet de corriger les résultats précédents en fonction de la richesse fiscale du département, passe de -25% à -30%.
Cette refonte en profondeur doit bénéficier aux départements qui supportaient le poids relatif le plus important en matière de dépenses d'APA. Selon la simulation réalisée par la CNSA, cette réforme aura un impact sur un grand nombre de départements. Ainsi, les concours de la CNSA augmenteraient de plus de trois points dans 10 départements et entre un et trois points dans 28 départements, essentiellement ruraux. Dans 28 autres départements, la réforme serait complètement neutre. Côté "perdants", 23 départements verraient l'apport de la CNSA diminuer de un à trois points, tandis que 11 - "dont certains en Ile-de-France" - verraient les concours de la Caisse baisser de trois points. Avec 38 "gagnants" et 34 "perdants", la réforme apparaît donc équilibrée, du moins si l'on raisonne en nombre de départements impactés.

"En attendant une réforme de fond"...

Sur le plan juridique, seule une loi pourrait modifier la liste des clés de répartition, ce qui semble peu probable avant un éventuel projet de loi sur le cinquième risque. Aussi la CNSA envisage-t-elle de proposer au gouvernement "dans les prochains jours", une modification de l'article R.14-10-38 du Code de l'action sociale et des familles - introduit par le décret du 23 décembre 2006 relatif au concours dû aux départements au titre de l'APA - qui fixe la pondération de ces différents critères. Faute de pouvoir supprimer le critère "nombre de bénéficiaires du RSA", sa pondération serait ainsi mise à zéro.
L'adoption de cette réforme - qui plus est à l'unanimité du conseil d'administration - a de quoi satisfaire en partie l'Assemblée des départements de France (ADF). Celle-ci contestait en effet, depuis longtemps, les actuelles clés de répartition. Les nouvelles clés sont le résultat d'une réflexion lancée par Francis Idrac, le président de la CNSA, lors du conseil d'administration du 17 novembre dernier (voir notre article ci-contre du 20 novembre 2009). Le groupe de travail qui a élaboré les propositions associait, outre la Caisse, l'ADF, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et la direction générale des collectivités locales (DGCL). Cette implication de l'ADF dans l'élaboration des nouvelles clés de répartition des concours de la CNSA ne devrait cependant pas empêcher certains départements "perdants" de protester contre les conséquences pratiques de la réforme sur leurs financements.
Par ailleurs, le compte rendu du conseil d'administration précise que "plusieurs membres du conseil ont souligné que cette modification des critères de péréquation ne pouvait être qu'une solution temporaire, en attente d'une réforme de fond". Les représentants des départements font certainement partie des auteurs de cette remarque. Le décrochage entre les financements de la CNSA et l'évolution effective des dépenses d'APA (+3,5% en 2009) a en effet conduit à une nette réduction de la part de la Caisse dans la dépense totale, désormais tombée à 31%. La situation devrait d'ailleurs continuer à se dégrader, ainsi que le reconnaît le conseil d'administration lui-même en admettant que "les prévisions 2010 confirment la tendance à la baisse du concours, puisque le taux de couverture serait de 30%".
L'ADF a d'ailleurs choisi de mettre largement l'accent sur ce constat. Dans un communiqué diffusé ce 2 juillet, elle déclare que "dans ces conditions, améliorer la péréquation entre départements est une mesure cosmétique" et parle d'une "péréquation des déficits".

Une nouvelle gouvernance pour Aggir et Pathos

Le conseil d'administration du 29 juin a également été l'occasion de présenter les principales actions engagées au titre du renouvellement de la gouvernance des outils Aggir et Pathos. Le nouveau dispositif qui va être proposé aux ministres concernés devrait comprendre trois composantes :
- un comité de pilotage - composé du DGCS, de la directrice générale de l'organisation des soins (DGOS), du directeur de la sécurité sociale (DSS), du directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et du directeur de la CNSA - chargé de définir les chantiers prioritaires et de préparer les instructions aux agences régionales de santé,
- un comité scientifique des référentiels Aggir et Pathos, réunissant l'ensemble des expertises utiles à l'optimisation de ces outils,
- un "comité opérationnel élargi", ouvert aux fédérations de gestionnaires d'établissements, aux acteurs professionnels et aux représentants des usagers.
En attendant, la CNSA a déjà engagé plusieurs actions pour améliorer ces outils. Elle s'investit tout d'abord dans la formation des médecins chargés de valider les évaluations du degré de dépendance des personnes accueillies en Ehpad et dans les unités de soins de longue durée (voir notre article ci-contre du 23 juin 2010). Elle assure ensuite, à la demande du secrétaire général des ministères sociaux, la reprise et la continuité de l'outil informatique Galaad, qui permet la saisie des grilles Aggir et Pathos par les médecins. Enfin, la CNSA va poursuivre la formation des médecins coordonnateurs des Ehpad et des départements, sur la base des outils pédagogiques qu'elle a déjà élaborés (DVD Aggir 2008 et Pathos 2010).

Bilan du plan Solidarité grand âge et COG 2010-2013

Le conseil d'administration a également procédé à un bilan, à mi-parcours, du plan Solidarité grand âge (PGSA) 2007-2012. Celui-ci prévoit la création de 93.000 places à l'échéance de décembre 2012. Ces places se décomposent en 37.500 places d'Ehpad et 60.000 places pour favoriser le maintien à domicile (dont certaines en Ehpad), dont 36.000 places en services de soins infirmiers à domicile, 12.750 en accueil de jour et 6.750 en hébergement temporaire. Les crédits dégagés à l'issue de la troisième année du plan (610 millions d'euros notifiés par la CNSA) correspondent au financement de 63.045 créations de places, soit 68% du plan. Sur ce total, 48.583 places ont déjà fait l'objet d'une autorisation administrative. Mais seules 19.261 sont d'ores et déjà ouvertes, dont 10.798 places de Ssiad, 1.490 places d'accueil de jour et 666 places d'hébergement temporaire. A contrario, le rythme d'ouverture des places d'Ehpad apparaît particulièrement lent, ce qui n'est pas sans lien avec le problème des excédents structurels de la CNSA. Mais il devrait toutefois s'accélérer fortement sur les dernières années du plan.
Le directeur de la CNSA a aussi présenté au conseil d'administration les premiers axes de la future convention d'objectifs et de gestion (COG) 2010-2013, en cours de négociation entre la Caisse et l'Etat. Cette élaboration va s'appuyer également sur une mission d'appui menée par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), dont les conclusions doivent être remises prochainement.
Enfin, un conseil d'administration de la CNSA ne serait pas complet sans une intervention du GR31, qui regroupe les membres du conseil représentant les personnes âgées, les personnes handicapées et les professionnels. Celui-ci a donc fait voter à nouveau un voeu - déjà formulé lors du conseil d'administration du 30 mars - demandant qu'une partie des crédits non-consommés en 2009 et des éventuels crédits non-consommés en 2010 soient "utilisés à la création d'un fonds d'urgence de l'aide à domicile, à la compensation de la convergence tarifaire à la baisse dans les établissements, et au maintien des crédits APA aux départements qui les verraient diminuer dans le cadre de cette nouvelle répartition". Une demande qui coïncide pratiquement mot pour mot à celle que formule l'ADF dans le communiqué du 2 juillet rappelant par ailleurs qu’"une proposition de loi est en cours de rédaction afin, s'agissant des allocations individuelles de solidarité (APA, PCH, RSA) d'en faire assurer la compensation intégrale par l'Etat".

 

Jean-Noël Escudié / PCA
 

 

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