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Politique de la ville - La géographie prioritaire mise en boîtes

Finis les zonages, vivent les boîtes ! La nouvelle géographie prioritaire telle qu'elle s'esquisse au fil de la concertation sur la réforme de la politique de la ville serait "emboîtée". Une grosse boîte intercommunale, une moyenne boîte communale, une petite boîte pour le quartier. Un comité interministériel à la ville se réunira fin février, pour préparer un projet de loi pour le printemps.

La concertation nationale sur la politique de la ville, lancée par François Lamy à Roubaix, débouchera fin février sur un comité interministériel à la ville (CIV) qui lui-même donnera les grandes lignes du projet de loi. Initialement prévu comme un volet de la grande loi-cadre Logement et Urbanisme, ce texte législatif fera probablement l'objet, au final, d'un projet de loi à part entière.
L'exposé des motifs mettra certainement en avant la décennie d'échec de cette politique, épinglée cet été par la Cour des comptes, et insistera sur le contexte de resserrement des crédits budgétaires. Il affirmera le principe du droit commun, le renforcement de la participation des habitants dans les projets, la fin du zonage avec un renouvellement de la "géographie prioritaire" et son pendant : la nouvelle contractualisation entre l'Etat, les collectivités et leurs partenaires, dans un contexte de nouvelle étape de la décentralisation. "Ce que nous devons aujourd'hui inventer, ce sont des contrats uniques globaux qui entraînent tout un territoire dans un projet", avait déclaré François Lamy dans son discours de Roubaix, ajoutant que "le trinôme de la politique de la ville doit rester le maire, le président de l'EPCI et le préfet".

Le mot "zonage" banni du vocabulaire

Présentée le 22 novembre, le compte-rendu à mi-parcours de la concertation n'a pas avancé de propositions révolutionnaires, ce qui n'était d'ailleurs pas son objet. "On connaît finalement tous la conclusion", s'était même permis de déclarer Stéphane Beaudet, maire de Courcouronnes, vice-président de la communauté d'agglomération Evry-Centre-Essonne, et coprésident d'un groupe de travail : "La réforme de la politique de la ville passera par un projet de territoire contractualisé, à l'échelle intercommunale, dont les contours devront s'adapter aux spécificités territoriales."
Le groupe de travail coprésidé par le sénateur Claude Dilain a banni de son vocabulaire le mot "zonage", pour présenter une géographie prioritaire "emboîtée" ("sur le modèle des poupées russes", avions-nous traduit dans un article de Localtis). La plus grosse boîte serait celle de la contractualisation et se situerait à l'échelle intercommunale ; la moyenne boîte serait celle de la maîtrise d'oeuvre et se situerait à l'échelle de la commune ; la petite boîte correspondrait aux "territoires cibles" qui bénéficieront seuls de crédits spécifiques de la politique de la ville.
Pour la "grosse boîte", le groupe de travail coprésidé par Annie Guillemot, maire de Bron (et pas encore présidente de l'Epareca), a imaginé deux niveaux de contrat. L'un, fixé par la loi, entre l'Etat, la commune et la communauté, mais aussi le conseil régional et le conseil général. Le deuxième serait sous forme de "fiches complémentaires" à la carte, engageant d'autres partenaires tels que des bailleurs sociaux, des entreprises, des syndicats patronaux, des associations…

Péréquation intra-interco ?

A noter que l'échelle intercommunale, voulue par le ministre, attise encore les inquiétudes et les revendications. Ainsi pour la "grosse boîte", celle de la contractualisation à l'échelle intercommunale, les grandes villes, les communautés urbaines et les communes de banlieue (AMGFV, Acuf et Ville & Banlieue) insistent pour que les maires soient également signataires, en plus de l'Etat et du président de l'intercommunalité. Quant à la "moyenne boîte", celle de la maîtrise d'oeuvre, elle ne serait pas pilotée par l'intercommunalité, car cela poserait "beaucoup de difficultés aux maires", a témoigné la préfète Nicole Klein, coprésidente du groupe de travail sur la contractualisation, expliquant qu'au sein d'une même intercommunalité, "les communes riches ne sont pas d'accord pour payer pour les autres".
Cet éternel frein à la péréquation de fait (la péréquation de principe ne rencontrant jamais d'opposant) constitue l'objet d'une mission confiée par François Lamy à François Pupponi. Le député-maire de Sarcelles, qui doit présenter ses propositions avant le CIV, envisagerait un dispositif incitant à la péréquation à l'intérieur même des intercommunalités.
Voilà qui devraient ravir les maires urbains. "Il ne peut pas y avoir de double peine : si une agglo joue la solidarité entre ses communes membres, il faut le prendre en compte dans les dotations de l'Etat", estime Pierre Cohen, président du Grand Toulouse, au nom de l'Acuf. Quant aux quartiers pauvres de villes pauvres, appartenant à une agglomération pauvre, c'est "bien entendu la solidarité nationale qui doit jouer", complète Renaud Gauquelin, président de Ville & Banlieue.

Mobilisation du droit commun

Au niveau national justement, les ministres concernés par la politique de la ville doivent signer, avant le CIV, avec leur collègue François Lamy, une "convention d'objectifs pour les quartiers populaires" qui couvrirait la période 2013-2015. Jean-Marc Ayrault le leur a demandé, fin novembre, par une circulaire où il explique qu'il s'agit "de créer les conditions d'une mobilisation effective des politiques de droit commun au bénéfice des quartiers prioritaires de la politique de la ville".
La convention avec le ministère de l'Emploi devrait comprendre un gros chapitre sur les emplois d'avenir ; celle avec le ministère de l'Intérieur, un volet sur les zones de sécurité prioritaires ; celle avec le ministère de l'Education nationale, des objectifs sur la scolarisation des enfants de moins de trois ans…
Au niveau territorial, les sites bénéficiant depuis 2011 d'avenants expérimentaux aux Cucs (contrats urbains de cohésion sociale) pour la mobilisation du droit commun "constitueront un terrain d'observation privilégié de ces engagements, permettant le cas échéant de réajuster le dispositif". Ce n'est qu'en 2014 que "les engagements seront déclinés dans le cadre du futur contrat urbain global [NDLR : la "grosse boîte"], dont les objectifs et les modalités d'élaboration seront précisés par le CIV".

 

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