L'aéronautique occitan reprend son envol
L'Occitanie a affiché l'une des plus grandes délégations régionales au Salon international de l'aéronautique et de l'espace qui a fermé ses portes le 22 juin 2025. Sous le triple effet du retour à la croissance du secteur aérien, du nouvel élan donné à l'Europe de l'espace et de la forte augmentation des dépenses militaires, le secteur y est en plein développement. Retour sur ses ambitions.

© @CaroleDelga/ Carole Delga au salon du Bourget le 17 juin
Les régions françaises étaient à l'honneur lors du Salon international de l'aéronautique et de l'espace (SIA) Paris-Le Bourget qui s'est tenu du 16 au 22 juin 2025. Et parmi elles, l'Occitanie, très engagée, avec une délégation sur place de près de 130 entreprises du secteur aéronautique et spatial et un pavillon régional de 43 entreprises.
Le secteur est le troisième plus important en termes d'emplois en Occitanie après le tourisme et l'agriculture, le premier en termes d'emplois industriels : 900 établissements, 66.000 emplois, 30% de l'emploi national dans l'aérospatial avec quelque 9.000 chercheurs et 19.000 étudiants et une centaine d'entreprises étrangères implantées. La présence d'Airbus n'y est bien sûr pas pour rien.
Durement frappée par la crise sanitaire (avec les avions cloués au sol), la région profite aujourd'hui d'un contexte favorable. Le transport aérien a dépassé en 2024 son niveau d'avant-covid, avec 4,89 milliards d'euros de passagers et les carnets de commandes sont remplis. "Nous avons onze ans de commande devant nous, 900 milliards d'euros, Airbus est une vraie locomotive pour nous, explique à Localtis Jalil Benabdillah, vice-président de la région Occitanie, en charge de l'économie, l'emploi, l'innovation et la réindustrialisation, c'est le plus gros carnet de commande du monde, mis à part deux entreprises chinoises fortement soutenues par leur Etat, cela tire toute la filière".
Réduire la cadence tout en gardant la visibilité
Le succès d'Airbus s'explique aussi par les difficultés rencontrées par son principal concurrent américain Boeing en matière de sécurité et de qualité. En mai 2025, le groupe a livré 51 avions commerciaux à 32 clients. Depuis le début de l'année, il en est à 243 appareils à 61 clients et vise 820 livraisons d'avions commerciaux cette année. Parmi ses clients : Vietjet Air, la compagnie taïwanaise Starlux, Egyptair et tout récemment, et pour la première fois, la compagnie nationale polonaise LOT Polish Airlines, sans compter le loueur saoudien AviLease et la compagnie saoudienne Riyadh Air...
Le succès est tel qu'Airbus envisage même de réduire la voilure en raison de la trop forte pression exercée sur les sous-traitants en termes de cadence.
"Le nombre de 75 avions par mois en 2026 comme prévu ne sera pas atteint mais le secteur va augmenter les compétences, recruter, former. Ce sont un peu des problèmes de riches, mais même si on a la chance d'avoir cette visibilité en termes de commande, ils sont très sérieux et nous devons les traiter", poursuit l'élu régional.
Le projet de l'avion à hydrogène
L'Occitanie n'a pas pour autant réduit ses ambitions autour de "l'avion "vert" ou à hydrogène. Des ambitions affichées au sortir du covid (voir notre article). Un plan, doté de 150 millions d'euros, a été acté dès 2022 jusqu'en 2030. La région veut maintenir le cap. Près de 100 millions d'euros ont déjà été engagés pour soutenir plusieurs projets. Le Technocampus Hydrogène, qui devrait devenir le plus grand centre européen de recherche et d'innovation sur l'aviation durable, mobilise à lui seul 46 millions d'euros. Des entreprises régionales, comme Aura Aéro, Ascendance Flight Technologies et Beyond Aerospace, se démènent sur le sujet. Exemple avec Aura Aéro qui développe actuellement un avion régional électrique qui permettra de réduire les émissions de CO2 ou Ascendance Flight Technologies qui travaille sur un aéronef hybride électrique, alternative aux hélicoptères traditionnels. L'entreprise a déjà récolté 600 intentions de commande.
Autre secteur mis en avant par la région Occitanie lors du salon : l'industrie spatiale, avec des applications civiles ou de défense. Un plan de 30 millions d'euros a été mis en place jusqu'en 2027, reposant sur une feuille de route élaborée et partagée par tous les acteurs du spatial, pour que "tous ne soient pas qu'observateurs, souligne Jalil Benabdillah, et qu'ils forment un collectif avec les collectivités". Le secteur "est en train de se développer beaucoup dans la région, cinq à huit entreprises viennent s'installer chaque année, pour la plupart des entreprises étrangères mais certaines d'entre elles viennent d'autres régions pour installer une unité de recherche ou envisager des partenariats avec d'autres, détaille Jalil Benabdillah, au total, ce secteur représente 15.000 emplois, 50% du spatial de France et 25% des emplois du spatial d'Europe. Cela se renforce, on garde une position de leader européen dans ce domaine !". On compte dans le territoire des établissements comme le Cnes (Centre national d'études spatiales), Thalès Alenia Space, Airbus Defense & Space. Un volet sur le "new space" est aussi d'actualité avec des startups qui explorent toutes les possibilités envisageables (coopérative montpelliéraine TeleScoip pour la télédétection via les images satellitaires, Anywawes pour les antennes spatiales…).
Un contrat de filière souveraineté et industrie de défense de 200 millions d'euros
La filière bénéficie aussi de l'augmentation des dépenses militaires. A l'occasion du salon, la région Occitanie a présenté son contrat de filière "souveraineté et industrie de défense" de 200 millions d'euros, destiné à maintenir la compétitivité de l'industrie de la défense. Le secteur représente 25.000 emplois dans la région, soit 15% des effectifs français. Adopté le 12 juin 2025 en assemblée plénière, le contrat doit permettre de faire de l'Occitanie un acteur clé du réarmement et de la souveraineté européenne. Il comprend 20 mesures dont 10 mobilisent à elles seules 185 millions d'euros. Il prévoit notamment la création d'un Fonds défense et industrie du futur doté de 100 millions d'euros, rattaché au Fonds souverain régional. Le fonds doit permettre de renforcer les filières stratégiques, notamment l'aéronautique, le spatial, la cybersécurité, l'intelligence artificielle et les drones. Pour ce dernier secteur, une enveloppe de 7 millions d'euros sera mobilisée en vue de consolider en trois ans la filière régionale. La deuxième grande mesure du contrat de filière concerne l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) "Défense, Innovation, Souveraineté et Réindustrialisation des territoires", doté de 50 millions d'euros et ouvert du second semestre 2025 au 30 juin 2026. Il accompagnera des projets d'innovation et de développement, la montée en capacité des installations de production et l'implantation d'entreprises civiles et de défense en Occitanie. La région espère avec ce nouveau contrat créer 2.000 nouveaux emplois nets dans la filière spatiale d'ici 5 ans.
Mais la région Occitanie n'est pas la seule à miser sur ce secteur en forte croissance. C'est aussi le cas du Grand Est, avec son programme "Horizon 2026" adopté fin 2024 et porté par le cluster Aeriades, en lien avec la Direction générale de l'armement, qui accompagne les entreprises dans ce domaine. Les régions Nouvelle-Aquitaine et Centre-Val de Loire s'inscrivent pour leur part dans le dispositif "Aero Excellence", conçu en partenariat avec le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) et destiné à accompagner les acteurs de la filière aéronautique. A l'occasion du salon, la région Paca a aussi présenté son plan "Sud Défense", une stratégie régionale dotée d'un fonds de 50 millions d'euros et d'un volet formation sur les "compétences souveraines de demain"...
› Nîmes veut devenir la capitale européenne de la sécurité civile aérienne"Nîmes a la volonté de devenir la capitale européenne de la sécurité civile aérienne", a déclaré au quotidien Les Échos le directeur de cabinet de Franck Proust, le président LR de Nîmes Métropole. L'ambition ne surprendra pas, puisque Nîmes Métropole fait depuis plusieurs années de son aéroport "un outil stratégique d'aménagement du territoire", selon les termes de son président, Franck Proust. La collectivité est ainsi devenue propriétaire de la plateforme, transférée par l'État, le 29 février 2024. Cette dernière dispose d'évidents atouts, puisqu'elle accueille depuis 2017 la base avions de la sécurité civile, transférée depuis l'aéroport de Marseille-Provence sur décision de Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur. Une base qui devrait en outre rester la seule de l'Hexagone, puisque le projet de création d'une seconde base similaire semble désormais enterré (lire notre article du 6 juin), comme le préconisait notamment la commission des finances du Sénat (lire notre article du 10 juillet 2023). D'après la métropole, l'aéroport générerait 126 millions d'euros à l'économie locale et 850 emplois directs, dont un tiers lié à l'activité civile (8.427 mouvements d'avions et hélicoptères enregistrés l'an passé). La collectivité entend également bénéficier du renouvellement en cours de la flotte des bombardiers d'eau, qui pourrait se traduire par la fin du "tout Canadair", comme l'indiquait le ministère de l'Intérieur, le 5 juin dernier, dans une réponse ministérielle. Parmi les pistes évoquées par le ministère pour diversifier ses moyens de lutte contre les incendies, figure notamment un projet d'avion amphibie – le frégate F-100 – de la société française Hynaero, qui bénéficiera de 7 millions d'euros de financement via France 2030. Un projet que Nîmes Métropole aurait aimé attirer dans ses filets, indique Les Échos. Sans succès, puisque l'entreprise vient d'annoncer avoir retenu Istres pour le développer. Mais Franck Proust a plusieurs fers au feu. D'après Objectif Gard, il aurait ainsi adressé il y a peu un courrier au président de Safran pour vanter les atouts de son site, après que le directeur général de l'entreprise a déclaré lors de son audition à l'Assemblée, en avril dernier, qu'il n'était pour lui "plus question d'investir dans une ville qui est détenue par une majorité écologiste". Frédéric Fortin, Epique communication pour Localtis |