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Le fonds national des aides à la pierre n'a pas atteint ses objectifs en 2018

Le sénateur Philippe Dallier s'est penché sur les crédits consacrés aux aides à la pierre, crédits qui s'avèrent peu lisibles - du fait, notamment, de la part des dépenses fiscales - et sujets à une sous-consommation. Sur le fonds national des aides à la pierre (Fnap), il pointe "l'incapacité de certains territoires à engager des dossiers qui n'a pas permis de répondre aux objectifs".

Dans le cadre du rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018, le rapporteur spécial Philippe Dallier, sénateur (LR) de Seine-Saint-Denis et spécialiste reconnu du logement, s'est penché sur les crédits du programme 135, qui porte notamment les crédits consacrés aux aides à la pierre. Pour le rapporteur, ce programme "relève d'une gestion budgétaire atypique, de sorte que le montant des crédits indiqué dans les documents budgétaires donne une vision peu exacte de l'effort réel des politiques de l'État en faveur de la construction et de la rénovation de l'habitat".

Où est passée la TVA à 10% ?

Ce manque de visibilité tient au fait que ces politiques font très majoritairement l'objet de dépenses fiscales. Pas moins de 50 d'entre elles sont en effet rattachées au programme 135 à titre principal, pour un coût total estimé à 11,4 milliards d'euros en 2018. S'y ajoutent quatre dépenses fiscales rattachées à ce programme de manière subsidiaire, pour un coût estimé à 1,8 milliard d'euros. Sur ce point, le rapporteur s'étonne de constater que la dépense fiscale liée au taux réduit de TVA sur les travaux des bailleurs sociaux "reste absolument constante dans les documents budgétaires", alors que le gouvernement a prévu de faire provisoirement remonter le taux de 5,5% à 10%, pour un gain attendu de 870 millions d'euros en 2018, 1,05 milliard en 2019 et 690 millions à compter de 2020. Interrogé, le ministère de l'Économie et des Finances a répondu que "les données disponibles n'ont pas permis de simuler l'incidence du passage du taux de TVA de 10% spécifiquement sur cette dépense en 2018 et 2019"...

Une sous-consommation des crédits budgétaires de 20%

Si on s'en tient aux seuls crédits budgétaires, qui proviennent en majorité des acteurs du logement, les crédits consommés en 2018 ont été de 694 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 685 millions d'euros en crédits de paiement (soit 6% seulement du montant des dépenses fiscales).

Sur 809 millions d'euros ouverts en 2018 (en tenant compte des reports 2017), seuls 685 millions d'euros ont finalement été consommés, le reliquat, soit 124 millions, étant à nouveau reporté sur le budget 2019. Le rapporteur spécial considère que "le programme est ainsi marqué par une déconnexion croissante entre le montant des crédits de paiement voté en loi de finances initiale et celui réellement consommé, une fois pris en compte les fonds de concours".

Fnap : "L'incapacité de certains territoires à engager des dossiers"

Enfin, sur le fonds national des aides à la pierre (Fnap), le rapport constate également "une activité moins soutenue que prévu et une gestion budgétaire atypique". Sur les 486,6 millions d'euros budgétés en 2018, seuls 440,5 millions ont été effectivement dépensés. Reprenant les explications de la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire, Philippe Dallier rappelle que certaines recettes ont certes été moins importantes que prévu, "mais c'est aussi l'incapacité de certains territoires à engager des dossiers qui n'a pas permis de répondre aux objectifs fixés par le conseil d'administration du Fnap".

S'ajoutent à cette difficulté le niveau important des reports et, de façon plus générale, "la tension qui s'exerce entre la règle de l'annualité budgétaire et la nécessité de programmer les crédits d'aide à la pierre sur plusieurs années, tout en respectant la règle de bonne gestion selon laquelle le montant annuel des nouvelles opérations programmées ne peut être supérieur au montant total des versements effectués par le fonds au profit de l'État au cours de l'exercice".

Le rapport aurait pu également ajouter que le Fnap s'est trouvé sans président durant plus d'un an, après la démission, en octobre 2017, d'Emmanuel Couet, président de Rennes Métropole, pour dénoncer "le désengagement de l'État du dispositif des aides à la pierre et ses conséquences sur le financement du logement social". La situation est revenue à la normale seulement en décembre 2018, avec la nomination de Frédéric Sanchez, président de Rouen Métropole Normandie (voir nos articles ci-dessous du 9 octobre 2017 et du 18 décembre 2018). Frédéric Sanchez qui par ailleurs doit quitter sa fonction d’élu, ayant été nommé début juillet consul général de France au Québec.

Résultat : en 2018, le nombre de logements financés en prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) a été de 34.930, alors que la cible était de 40.000 logements, conduisant à annuler 46,3 millions d'euros en autorisations d'engagement par un décret du 7 février 2019. Il convient toutefois de rappeler que, même si le l'objectif n'a pas été atteint l'an dernier, le ministère de la Cohésion des territoires et le Fnap, ont lancé, en juin 2017 un nouvel appel à projets pour des opérations de PLAI adaptés, dans le cadre d'un "programme de logements très sociaux à bas niveau de quittance", lancé en 2013 et repris par le Fnap en 2016. Cet appel à projets bénéficie de procédures "considérablement assouplies", qui devraient accélérer les décisions et leur traduction concrète (voir notre article ci-dessous du 29 juin 2017).

 

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