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Le mouvement HLM se dote d'une charte en faveur des locataires "en fragilité économique"

Alors que les associations caritatives s'inquiètent de la difficulté croissante de nombreux ménages fragiles à assurer le paiement des loyers et des charges dans les prochains mois, l'ensemble des composantes de l'USH (Union sociale pour l'habitat) ont signé, avec les cinq organisations de locataires siégeant à la commission nationale de concertation, une "Charte nationale d'engagements de bonnes pratiques en faveur des locataires en situation de fragilité économique liée à la crise du Covid-19".

Une étude de l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires) – un "organisme au service des organisations syndicales représentatives des travailleurs" – estime que plus d'un tiers des actifs ont vu leur revenu baisser avec le confinement. Or, une partie de ces ménages doivent assumer des dépenses fixes de logement. L'Ires considère que 4,3 millions de ménages sont soumis à cet effet de ciseaux, dont 2,5 à 2,8 millions sont probablement déjà en difficulté (soit 6 à 7 millions de personnes). Cette situation s'explique, pour partie, par l'augmentation de la part relative des dépenses contraintes (dites aussi pré-engagées) passée, selon l'Insee, de 12% en 1960 à 27% en 2017. Or ces dépenses contraintes sont constituées principalement par les dépenses de logement, quel que soit le niveau de vie.

Au final, l'Ires estime la part des ménages d'actifs avec charge de logement ayant subi une baisse de leurs revenus d'activité à la suite du confinement – autrement dit la "population à risque en matière de loyers" – à 42% du total de la CSP chez les artisans, commerçants et chefs d'entreprise, 37% chez les ouvriers, 26% chez les employés, 19% chez les professions intermédiaires et 16% chez les cadres et professions intellectuelles supérieures. Au sein de cette population de ménages à risques, "la capacité d'absorber le choc consécutif à une baisse de revenu varie fortement, notamment selon le niveau de revenu et d'épargne".

Cinq revendications et vingt recommandations

La "Charte nationale d'engagements de bonnes pratiques en faveur des locataires en situation de fragilité économique liée à la crise du Covid-19", signée le 4 mai par l'ensemble des composantes de l'USH (Union sociale pour l'habitat) avec les cinq organisations de locataires siégeant à la commission nationale de concertation, comprend, tout d'abord, cinq "propositions communes pour soutenir les locataires fragilisés", qui reprennent très largement les revendications portées par l'USH : aide complémentaire aux ménages de 200 euros "correspondant au remboursement rétroactif des 5 euros d'APL qui leurs ont été retirés depuis 2017" et abrogation de cette mesure, engagement de revaloriser les aides au logement au-delà de l'inflation dès la loi de finances rectificative pour 2020 et le PLF 2021, retour dans le PLF 2021 sur "les coupes budgétaires imposées au logement social (réduction de loyer de solidarité, hausse du taux de TVA...) pour permettre le développement dans le plan de relance de plus de logements sociaux et très sociaux", mais aussi prolongation du moratoire sur les expulsions jusqu'au 31 octobre 2020 (la trêve hivernale commençant le lendemain) et, enfin, renforcement des fonds de solidarité logement (FSL) des départements par des crédits de l'État.

Au-delà de ces revendications, la charte formule aussi 20 "recommandations" pour les acteurs du logement social, que chaque organisme pourra ensuite décliner sous forme de protocole local, dans le cadre de la concertation locative.

Des dispositifs d'appui facilement accessibles et un possible étalement des loyers

Un premier groupe de recommandations concerne le développement d'"outils et de dispositifs d'appui facilement accessibles" : démarche proactive, incitation des locataires en difficulté à se manifester, contact téléphonique régulier avec les locataires "montrant des signes de fragilité", signalement par les associations, tout "en respectant un cadre déontologique de discrétion", des situations de détresse économique...

Le second groupe de recommandations concerne la mise en place de possibilités d'étalement du paiement des loyers et des charges. Il s'agit notamment, pour les organismes HLM, de proposer "des solutions personnalisées, adaptées à chaque situation", d'établir des règles "précises et transparentes d'étalement [...] définies conjointement dans un protocole local concerté entre l'organisme HLM et les associations de locataires", d'assurer une large information des locataires, de conclure un "protocole individuel et personnalisé" entre le locataire en difficulté et le bailleur précisant les engagements réciproques, de mettre sur pied un dispositif conjoint de suivi entre l'organisme HLM et les associations...

Premier bilan prévu en septembre au congrès HLM de Bordeaux

Le troisième groupe de recommandations porte sur l'aménagement de la facturation des charges locatives récupérables (qui s'ouvre en ce moment dans de nombreux organismes HLM). Il est prévu notamment la possibilité de reporter les régularisations ou de les traiter différemment selon qu'elles sont débitrices ou créditrices. Il est aussi possible d'adapter les provisions pour charges en fonction des prestations effectivement assurées pendant le confinement (par exemple, avec la suspension de l'entretien des espaces verts).

Enfin, les deux derniers groupes de recommandations, moins fournis, concernent le soutien à la mobilisation des dispositifs de solvabilisation de droit commun (FSL, Action logement, CCAS, aides de l'État...) et les modalités de suivi de la charte nationale commune. Un premier bilan de la charte sera établi lors du congrès de l'USH à Bordeaux, en septembre 2020.