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Formalités administratives - Les 50 nouvelles mesures de la "machine à simplifier" : l'urbanisme en première ligne

Délais des permis de construire ramenés à cinq mois, permis environnemental unique, allégement des procédures d'enquête publique, autorisation unique au titre de la protection des monuments historiques... Le deuxième train de mesures de simplification lancé ce 30 octobre touche notamment aux projets de construction. Mais il a aussi été question d'apprentissage, de demandes simplifiées d'aides publiques pour les entreprises, d'inscription sur les listes électorales, ou encore de "coffre-fort numérique" pour les jeunes. Concernant la mise en oeuvre du principe "Silence vaut accord", les décrets ont pris du retard, prouvant une nouvelle fois que la simplification, c'est compliqué.

Thierry Mandon, secrétaire d'Etat à la simplification, et le conseil de la simplification pour les entreprises ont présenté ce jeudi 30 octobre au palais de l'Elysée une série de 50 nouvelles mesures visant à simplifier les relations entre l'administration et les opérateurs économiques et les particuliers. Clôturé par le président de la République, l'événement a mobilisé pas moins de neuf membres du gouvernement – Manuel Valls, Ségolène Royal, Najat Vallaud-Belkacem, Michel Sapin, Marisol Touraine, François Rebsamen, Sylvia Pinel, Patrick Kanner, outre Thierry Mandon. Une façon de mieux démontrer "la mobilisation de tous les acteurs", selon François Hollande qui, 18 mois après l'annonce du "choc de simplification", a salué les premières réalisations marquant "déjà une accélération considérable" : 4 projets de loi d'habilitation et 20 ordonnances ont "déjà changé une partie de la vie des entreprises ou des particuliers".
Plus précisément, parmi les 50 premières mesures annoncées en avril dernier (voir notre article du 15 avril 2014), "un peu plus de la moitié" sont "quasiment mises en œuvre", selon Guillaume Poitrinal, co-président du conseil de la simplification pour les entreprises. Beaucoup de ces dispositions font partie du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, voté en première lecture le 22 juillet par l'Assemblée nationale (voir notre article du 28 juillet 2014) et actuellement en cours d'examen au Sénat – en séance le 4 novembre, après le travail des commissions réunies les 14 et 15 octobre.

Délivrance des permis de construire : objectif 5 mois maximum

Les nouvelles mesures annoncées ce 30 octobre poursuivent trois objectifs : "accélérer la construction", "faciliter l'embauche" et "simplifier la vie quotidienne des entreprises".
Concernant la construction, une "priorité majeure" pour renouer avec la croissance en France selon François Hollande, le mot d'ordre est de raccourcir les délais à toutes les étapes de la chaîne. Pour la délivrance des permis de construire, le délai maximum visé est de cinq mois d'ici fin 2015. Le préfet Jean-Pierre Duport, membre du conseil de simplification, rendra en mars prochain les conclusions d'une mission sur le sujet au Premier ministre. Pour parvenir à réduire ces délais de permis de construire, le conseil de simplification propose notamment d'unifier, pour un même projet d'aménagement, les études d'impact et évaluations environnementales, qui peuvent être dans certains cas au nombre de trois aujourd'hui (voir le détail dans le dossier de présentation des mesures, à télécharger ci-contre). Pour les projets d'installations classées ou soumis à la loi sur l'eau, un permis environnemental unique, expérimenté depuis quelques mois dans plusieurs régions, pourrait être généralisé d'ici le deuxième trimestre 2016. De même, les expérimentations liées à l'autorisation unique et au certificat de projet (*) seront "étendues à des projets à très fort potentiel économique". "En saucissonnant les procédures, on en perd l'appréhension globale", a justifié Jean-Pierre Duport, sur le risque d'une éventuelle diminution du niveau d'exigence environnementale des projets qui pourrait découler de la simplification des procédures. 

Enquêtes publiques, ERP, patrimoine, archéologie préventive...   

Toujours sur la mise en chantier des projets d'aménagement, un autre gain de temps et des économies sont attendus de l'allégement des procédures d'enquête publique, avec le développement de "modalités alternatives de participation du public" par voie électronique. Trois mesures concernent en outre le règlement des contentieux, en limitant notamment les risques de démolition aux cas les plus extrêmes – "constructions réalisées sans permis, zones protégées…". Le conseil de simplification souhaite aussi homogénéiser les pratiques liées aux contrôles des établissements recevant du public (ERP) par les services d'incendie et de secours "afin d'éviter les surinterprétations [de la réglementation] et les procédures disproportionnées". En 2015, les ERP ne feront par ailleurs plus l'objet d'une saisine de la commission d'accessibilité et de sécurité avant une réouverture, "en l'absence de travaux et de modification de la destination de l'établissement". 
Deux dispositions concernent en outre le droit du patrimoine, avec la mise en place d'une autorisation unique au titre de la protection des monuments historiques et le passage de dix à trois catégories d'espaces protégés contrôlés par les architectes des Bâtiments de France. Sur le patrimoine, "on a bien avancé, les mesures sont prêtes", pour une adoption prochaine par ordonnance ou dans le cadre de la loi patrimoine "en cours de préparation", a détaillé Jean-Pierre Duport. Des espaces protégés se trouvent actuellement sur les territoires de 19.722 communes, selon le dossier de présentation des mesures.
Outre à réduire les délais, la simplification peut conduire à rallonger la validité des autorisations pour sécuriser les projets. Ainsi, sur le cas particulier des projets d'énergie renouvelable, "le préfet pourra étendre les durées de validité des permis de construire, autorisations d’exploiter, ou autorisations uniques jusqu'à 10 ans", pour prendre en compte les délais importants de raccordement. Parmi d'autres dispositions, une mesure vise en outre à limiter la durée d'immobilisation des chantiers liée à l'archéologie préventive.

Machines dangereuses, travail en hauteur : lever les freins à l'apprentissage

Sur le volet formation et emploi, deux mesures annoncées visent à "faciliter le recours à l'apprentissage". La première s'attaque à "la réglementation sur les 'travaux sur machines dangereuses'", un "frein important à l’apprentissage dans certains métiers". Il s'agirait de passer, à échéance de la fin du premier trimestre 2015, d'une "procédure d’autorisation lourde et complexe" à un "régime déclaratif, associé à un contrôle a posteriori renforcé". Une telle mesure pourrait bien encourager les employeurs publics territoriaux, et notamment les communes et intercommunalités, à embaucher davantage d'apprentis pour des travaux divers. Dans le même esprit, l'autre mesure vise à abaisser les règles de protection concernant les "travaux en hauteur", la réglementation actuelle étant "dissuasive pour le recrutement de jeunes" apprentis sur des métiers de couvreurs, charpentiers ou encore antennistes. "Même quand on est jeune, on peut monter sur une échelle", a résumé François Hollande avec ironie.
Les autres mesures destinées à faciliter l'embauche et la formation ont trait à la simplification des obligations en matière de médecine du travail, à la réduction des délais d'instruction des prud'hommes ou encore à l'amélioration des outils de dépôts d'offres d'emploi et de recherche de candidats via Pôle emploi.

Entreprises, associations : simplifier les demandes d'aide publique

La dernière série de mesures présentées ce jour, visant à faciliter les démarches "quotidiennes" des entreprises – en lien avec leurs obligations fiscales, sociales et comptables, leurs échanges avec l'administration et leurs obligations en matière d'enquêtes statistiques notamment -, concernent moins directement les collectivités territoriales. La mesure 39 vise toutefois à permettre à une personne morale de "formuler une demande d'aide publique avec son seule Siret", ou Siren, ou numéro RNA s'il s'agit d'une association, afin de la dispenser d'avoir à fournir de nombreuses pièces justificatives. Plusieurs mesures permettent ainsi au conseil de simplification d'avancer sur le projet "Dites-le nous une fois", sur la réduction du nombre de données à fournir et sur la dématérialisation de formulaires. Déjà à l'actif de ce dispositif, le Marché public simplifié (MPS) "permet aux 300.000 entreprises concernées d’envoyer leur offre technique et commerciale avec leur numéro Siret" ; 2,7 millions d'offres ont été collectées de cette manière en 2013, selon le "bilan de 18 mois de simplification" (à télécharger ci-contre).

Faciliter la vie des familles, des jeunes, des électeurs...

Sur la vie quotidienne des Français et l'accès aux droits civiques, le président de la République a évoqué d'autres chantiers, tels que la dématérialisation des demandes de documents administratifs et des paiements de frais divers comme la cantine des enfants. Sur l'accès aux droits civiques, François Hollande a dit avoir demandé au ministre de l'Intérieur de "conduire ce chantier avec les maires", afin de permettre une inscription sur les listes électorales jusqu'à un mois avant le scrutin et éviter ainsi des abstentions non souhaitées. Une consultation "faire simple" destinée aux jeunes s'attachera entre autres à leur faciliter la vie à tous les niveaux (emploi, logement, inscription à l'université, "coffre-fort numérique", etc.) ; si les jeunes ont "une vision simplifiée de la vie", ils ne passeront pas leur vie à "compliquer celle des autres", a glissé François Hollande en guise de vision prospective. Quant aux associations, c'est le rapport Yves Blein, dont la remise est attendue dans les prochaines semaines, qui servira de base au programme de simplification. Il s'agira de faire en sorte que "toutes ces propositions puissent être traduites" en mesures concrètes, s'est engagé le président de la République.

11 milliards de gains cumulés attendus d'ici 2017

"Tout ce que vous proposerez sera mis en application par le gouvernement", a plus globalement assuré François Hollande au conseil de simplification. "Le train est parti et il ne s'arrêtera plus", a-t-il poursuivi. Autrement dit par le conseil de simplification, "une véritable 'fabrique à simplifier' est en marche pour les trois prochaines années". Rappelés par le président de la République, les enjeux sont économiques - "et particulièrement pour les petites et moyennes entreprises" -, administratifs – une exigence d'"efficacité – et démocratiques – permettre aux citoyens de "participer à un certain nombre de choix". En termes d'économies, "les mesures engagées dans le cadre de la politique de simplification produisent des résultats significatifs (2,4 milliards de gains estimés pour l’économie depuis mi-2013)", selon le rapport d'étape, ce "qui permet d’évaluer à plus de 11 milliards cumulés les gains [pour l'Etat, mais aussi les entreprises, les citoyens, les associations…] pour l’économie d’ici 2017". En attendant, patience. Il reste, François Hollande ne s'en cache pas, "des centaines de règles à modifier", "des "strates de complexité qu'il convient d'éliminer", "des circulaires à supprimer"… Rendez-vous aux 50 prochaines mesures. 

(*) Le certificat de projet est une "réponse-garantie délivrée en deux mois par le préfet de département (interlocuteur unique, engagement de l'administration sur les procédures nécessaires, gel du droit pendant 18 mois…)".

Caroline Megglé

"Silence vaut accord" : les décrets fixant les exceptions ne sont pas prêts
On attend toujours la publication des décrets fixant les nombreuses exceptions au nouveau principe du "silence valant accord" pour les administrés, dans leurs relations avec l'Etat et ses établissements publics. Pour ces derniers, l'entrée en vigueur du nouveau principe général, selon lesquel le silence gardé par l'administration sur la demande d'un usager pendant deux mois vaut acceptation, est imminente : le 12 novembre 2014. Concernant les collectivités territoriales, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés d’une mission de service public, cette réforme s'appliquera un an plus tard, le 12 novembre 2015, selon l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 modifié par la loi du 12 novembre 2013 "habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens".
Lors de la présentation des projets de décrets en Conseil des ministres, le 22 octobre, Thierry Mandon a considéré que le renversement de la "règle 'silence valant rejet', vieille de 150 ans" constituait une "véritable révolution administrative au profit des particuliers et des entreprises qui ne verront plus leurs droits limités par l’inertie administrative". Sur les 1.900 procédures d’autorisation recensées, 1.200 régimes d'autorisation "sont désormais soumis à la règle du 'silence vaut accord'". Une très grande diversité de champs" est concernée ; ce sera le cas par exemple des procédures de validation des acquis de l’expérience, d’inscription en première année à l’université ou encore d’immatriculation au répertoire des métiers.
"La lenteur administrative est mise au service du demandeur", a salué François Hollande ce 30 octobre, "les services vont se mobiliser pour répondre vite, pour répondre oui le plus souvent". Cependant, le président de la République a souligné qu'il y avait "peut-être quelques résistances" expliquant le fait qu'un tiers des procédures n'étaient pas concernées, demandant à Thierry Mandon de procéder à une "exacte vérification". Pour fixer la liste définitive des exceptions et pouvoir enfin publier les décrets, il reste quelques jours au secrétaire d'Etat à la simplification pour négocier avec les ministères.  C. Megglé

 

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