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Services publics - Les maires ruraux accusent l'exécutif de "mettre de l’huile sur le feu"

Les maires ruraux ont demandé à l'exécutif, lundi, de suspendre toute fermeture de service public, alors que d'après eux, "pendant le débat, la démolition continue".

Ecoles, hôpitaux, maternités, transport ferroviaire, trésoreries… Les maires ruraux ont appelé l'exécutif, lundi 28 janvier, à "suspendre", pendant le Grand Débat national, "toute réorganisation de service public" qui irait dans le sens de nouvelles fermetures. Une requête qui vise aussi les projets de réorganisation territoriale "non voulus par les élus et les habitants", en particulier "les projets de fusion des départements et des métropoles" proposés par le chef de l’Etat le 1er octobre aux présidents de cinq grandes métropoles (Bordeaux, Toulouse, Nantes, Lille et Nice). "Sans aucune concertation avec les maires des départements concernés, certaines annonces viennent ‘mettre de l’huile sur le feu’, quand la sérénité du dialogue doit être recherchée", s’offusque l’AMRF, dans un communiqué intitulé "Pendant le débat, la démolition continue". Le texte est signé par son président Vanik Berberian, qui évoque un "climat inquiétant et inédit".
Les attentes exprimées par les habitants et élus dans les cahiers de doléances et de propositions "exposent clairement un besoin de revoir la méthode et les objectifs mis en œuvre par l’État", souligne le maire de Gargilesse-Dampierre (Indre), citant pêle-mêle les projets de révision de carte scolaire, les fermetures de trésoreries, de services hospitaliers, de maternités, la réduction du nombre de dessertes ferroviaires, "dont les cas toujours plus nombreux nous sont en permanence communiqués par notre réseau". "Ces faits sont aujourd’hui au cœur des difficultés vécues par les populations, telles qu’elles ont été capitalisées dans les cahiers émanant de plusieurs milliers de communes rurales", expose Vanik Berberian. Pour le président de l’AMRF, tous ces sujets réclament "l’urgence", alors que les nombreux projets de lois "remettent à toujours plus loin les réponses potentielles attendues", telles que la loi d’orientation sur les mobilités ou celle visant à créer l’Agence nationale de cohésion des territoires.

Barouf

Ces cahiers de doléances avaient été mis à disposition par les mairies lors d’une opération baptisée "Mairies ouvertes" par l’AMRF, fin 2017, en amont et indépendamment du grand débat lui-même, comme une prise de température. Vanik Berberian en avait restitué le contenu au président de la République, le 14 janvier, la veille du lancement du grand débat à Grand Bourgtheroulde (Eure). A l’issue de son entretien avec Emmanuel Macron, à l’Elysée, il avait estimé que celui-ci était "dans une phase d’écoute".
L’organisation de l’État et des services publics figurent parmi les quatre thèmes identifiés par le chef de l’Etat dans sa lettre aux Français, du 13 janvier, aux côtés des dépenses publiques et des impôts, de la transition écologique, et de la démocratie et de la citoyenneté. "Faut-il supprimer certains services publics qui seraient dépassés ou trop chers par rapport à leur utilité ? À l’inverse, voyez-vous des besoins nouveaux de services publics et comment les financer ?", y interrogeait-il. Dans la même veine, la ministre de la Cohésion des territoires avait appelé, deux jours plus tard, à "hiérarchiser ce qu’on entend par service public". "Si on reste sur une vision du XXe siècle on rate toute la modernisation des relations, on rate l’existence d’internet…", avait-elle déclaré devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée. Et de s’étonner qu’on fasse "autant de barouf pour la fermeture d’une école que pour une perception". L’ancienne sénatrice avait par exemple proposé que soient installées des trésoreries "provisoires" au moment des déclarations d’impôts.

Un "contre-rapport" sur les ZRR

En 2017, l’AMRF avait dû lancer des "Etats généreux de la ruralité" pour attirer l’attention des candidats à l’élection présidentielle. Ces rencontres s’étaient traduites par un catalogue de 150 propositions. "Je rappelle qu'en 2012, le candidat François Hollande n'a consacré que 5 minutes à la ruralité, à Dijon, quand Marine Le Pen lui a consacré un meeting entier à Châteauroux. C'est très révélateur", avait alors déclaré Vanik Berberian à Localtis, avec dépit, pour illustrer le "sentiment d’abandon" de la ruralité. Mais voilà que sous l’effet des gilets jaunes, elle est sur toutes les lèvres. Fin novembre, en réponse à la crise, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a installé un groupe de travail intitulé "Collectivités et ruralités". Il organisait une table ronde, le 23 janvier, pour entendre la voix des associations d’élus. En l’absence de l’AMRF, ce sont deux autres associations, l’Association des maires de France (AMF) et l’Association  des petites villes de France (APVF) qui ont porté le fanal. "Les territoires ruraux sont capables de bouger très vite, d’être très réactifs, sauf s’ils sentent qu’il y a une chape de plomb qui se met sur leurs épaules", a fait valoir Rachel Paillard, maire de Bouzy (Marne), vice-présidente de l’AMF. Quant au sénateur Loïc Hervé (UDI, Haute-Savoie), secrétaire général de l’APVF, il a rappelé les propositions que son association porte dans le débat actuel. En particulier le besoin d’une régulation forte en matière de présence médicale. Plusieurs sénateurs ont aussi alerté sur les risques qui pèsent sur trois dispositifs importants pour l'attractivité des territoires ruraux : le Fisac (Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce), placé en "gestion extinctive" dans le budget 2019, les zones de revitalisation rurale (ZRR) et les contrats de ruralité. S’agissant des ZRR, Bernard Delcros (UDI, Cantal) a demandé à la commission des finances qu’elle élabore un "contre-rapport qui montre leur intérêt", en réponse au rapport des deux députées Anne Blanc (LREM, Aveyron) et Véronique Louwagie (LR, Orne), qui "proposent d’y mettre fin". Pour ce qui est des contrats de ruralité, lancés en 2017 avec 216 millions d’euros à la clé, "il n’y a plus de crédits dedans". "La ruralité, ce ne sont pas des territoires qui demandent à être assistés, ce ne sont pas des boulets qu’il faut traîner, mais au contraire ce sont des territoires qui peuvent aider le pays à répondre à un certain nombre d’enjeux."
 

 

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